À l’approche de Shavouot, des milliers de convertis restent non reconnus par l’État
Une commission de la Knesset étudie les problèmes liés aux demandes de reconnaissance des conversions : chaque année, la moitié seulement des demandeurs y parvient

En octobre 2024, lorsque Miriam a quitté l’Autriche pour venir s’installer en Israël avec ses enfants, à la veille de Rosh HaShana, elle pensait arriver chez elle.
Divorcée et convertie à l’orthodoxie, Miriam (qui n’a pas souhaité donner son nom de famille) s’était entendu dire par l’Agence juive qu’elle terminerait son processus d’alyah, qui traînait depuis un an, une fois en Israël. Elle était impatiente de déménager, ses enfants ayant été agressés physiquement dans leur école, à Klagenfurt, parce qu’ils sont juifs.
Pourtant, lorsque Miriam s’est rendue au ministère de l’Intérieur pour y recevoir ses papiers israéliens, lors d’un rendez-vous pris par l’Agence juive en décembre, elle a découvert qu’elle ne figurait pas dans les fichiers. On lui a accordé un droit de séjour temporaire en lui demandant de prouver qu’elle était pratiquante, « comme si toutes ces années d’engagement, de sacrifice et d’observance halakhique ne suffisaient pas », soupire-t-elle.
« Depuis, c’est un vrai cauchemar » confie Miriam. « J’ai dû recommencer encore et encore. Je n’ai pas de famille ici, donc aucun filet de sécurité. Pas d’assurance maladie, pas de soutien et désormais plus d’argent. »
Miriam fait partie des témoins invités à une réunion de la Commission de l’Alyah de la Knesset consacrée aux conversions, mardi, peu de temps avant la fête de Shavouot, qui commencera cette année le 1er juin au coucher du soleil.
C’est la toute première fois en deux ans que la commission se saisit de la question des conversions, note son président, le député Gilad Kariv (Les Démocrates). (Il a été nommé à la tête de cette commission en février dernier.)
« Dans quelques jours, nous célébrerons la fête de Shavouot, le don de notre Torah, toute entière tournée vers l’amour des convertis », a déclaré Kariv en début de réunion. « Or, je ne peux pas dire que nous, État juif, observons strictement les commandements qui nous sont faits d’aimer et ne pas blâmer les convertis. »

En Israël, le fait d’être juif a des conséquences qui vont bien au-delà de sa seule vie religieuse. Ainsi, seuls ceux qui sont considérés comme juifs par le Grand Rabbinat et ses critères (soit les enfants de mères juives dont la judéité est avérée ou ceux convertis par des tribunaux rabbiniques reconnus) peuvent se marier en Israël, puisqu’il n’existe pas de mariage civil et qu’aucune autre autorité religieuse juive n’est autorisée à célébrer les mariages.
S’agissant des olim, les personnes ayant au moins un parent ou un grand-parent juif ont le droit de venir s’installer en Israël en vertu de la loi du retour. Toutefois, si le parent ou le grand-parent en question est du côté du père, le Grand Rabbinat ne considère pas la personne comme juive à moins qu’elle ne se convertisse. Plus d’un demi-million d’Israéliens se trouvent actuellement dans cette situation.
Les convertis désireux de s’installer en Israël doivent obtenir une confirmation officielle de leur conversion, ce qui peut s’avérer très difficile.
Un taux de réussite de 50 % ?
Selon les chiffres de l’Autorité de conversion rattachée aux services du Premier ministre (l’organisme chargé de faciliter et confirmer les conversions effectuées en Israël en dehors de l’armée), seule la moitié de ceux qui entament le processus de conversion en viennent à bout.
Entre 2022 et 2024, 13 600 personnes ont déposé une demande et 6 400 seulement ont obtenu satisfaction. En 2024, il y a eu une légère augmentation du nombre de conversions officielles, avec 2 598, contre 1 754 en 2023 et 2 087 en 2022. Et le mois dernier, même les convertis reconnus se sont trouvés face à un problème. Dans la mesure où l’Autorité de conversion se trouve actuellement sans directeur, personne ne peut signer les certificats de conversion.
« De ce fait, 263 personnes attendent depuis un mois », explique le rabbin Raphaël Dayan, représentant du Grand Rabbinat au sein des services du Premier ministre.

Cette situation est le fruit d’un désaccord politique entre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et ses partenaires de la coalition. Le rabbin Yehuda Amichai, rabbin religieux national proche du chef du parti HaTzionout HaDatit, Bezalel Smotrich, a été nommé chef par intérim de cette Autorité en janvier 2023 et en avril 2024, l’Autorité a lancé un processus de sélection pour recruter son directeur. Le comité chargé de la procédure a examiné 12 candidatures avant de porter son choix sur le rabbin ultra-orthodoxe Avishay Teherani.
Mais au final, Netanyahu a refusé de valider cette nomination, son chef de cabinet – Tzachi Braverman – ayant invoqué un problème de manque d’expérience du candidat pressenti en matière de gestion.
L’affaire, portée devant la Cour suprême par le groupe de défense des droits religieux ITIM, est en cours d’instruction et la Cour a refusé à Netanyahu le droit de proroger le mandat d’Amichai.
« J’espère que la question sera rapidement réglée », a déclaré Dayan à la commission de la Knesset.
Selon les chiffres présentés par les représentants de Tsahal lors de cette réunion, ceux qui se convertissent à l’armée sont eux aussi touchés par ces problèmes. En 2024, 2 367 soldats ont déposé une demande de conversion via la procédure Nativ et seuls 923 d’entre eux sont allés au bout. En 2023, 1 760 soldats en avaient fait de même, avec 910 réussites au final.
Nativ propose des cours sur l’histoire et l’identité juives et israéliennes aux jeunes Israéliens qui effectuent un service militaire ou national. Il s’agit d’un programme de conversion d’une durée de 11 semaine, en deux étapes, a expliqué au comité le lieutenant-colonel Kobi Gridish, chef du tribunal de conversion militaire. Interrogé sur le taux élevé de décrochage, ce dernier a expliqué que le programme faisait le maximum pour permettent aux soldats qui le souhaitent de se convertir.
« Nous travaillons également à la mise en place d’un programme spécial pour accompagner les convertis : c’est à l’étude », a-t-il précisé.
Suite au 7 octobre 2023, l’armée a suspendu puis repris les programmes de conversion.

« Aujourd’hui, en dépit de la complexité des circonstances, tous les cours se déroulent dans le format habituel », a indiqué la major Renana Elitzur, du ministère de la Défense.
S’adressant au comité, les représentants de l’ITIM ont souligné que le nombre de convertis restait très en retrait de ce qui serait envisageable.
« Ces dernières années, seuls 1 200 à 1 400 des quelque 560 000 citoyens qu’Israël ne reconnait pas comme des Juifs ont terminé le processus », a affirmé Ohad Weigler, directeur du Centre de politique publique de l’ITIM (les autres convertis le font pour obtenir la nationalité ou ont un statut différent).
« C’est le public cible. Les chiffres sont très faibles. »
Après avoir écouté plusieurs convertis venus de l’étranger qui, comme Miriam, n’ont pas obtenu la reconnaissance officielle de leur conversion, et n’ont donc pas obtenu la nationalité, Kariv a présenté des excuses au nom d’Israël et a promis de suivre leur dossier et d’améliorer les procédures.
Il a ajouté que le comité se réunirait sous peu pour parler à nouveau de la conversion.
« Cette question est extrêmement importante », a-t-il conclu. « Nous allons poursuivre les consultations sur cette question et demander des chiffres plus précis. »