A New York, une exposition narre l’itinéraire et l’histoire du cédrat
Trois historiens et conservateurs juifs reviennent sur l'histoire, les usages, la culture, le commerce et les symboles du cédrat, invité d'honneur de la fête de Souccot
New York Jewish Week via la JTA – Si vous n’avez jamais entendu parler de l’ « etroger », mot yiddish qui désigne le marchand juif qui vend des cédrats aux communautés juives d’Europe centrale et septentrionale depuis le Moyen Âge, vous n’êtes pas le seul. Jusqu’à récemment, Josh Teplitsky, professeur agrégé d’histoire juive à l’Université de Pennsylvanie, ne connaissait pas davantage ce terme.
Lorsqu’il est tombé sur une référence à un « etroger » lors de ses recherches pour un ouvrage consacré au grand rabbin de Prague, il a dû chercher plus d’informations.
Ce cédrat à la peau épaisse est indispensable à plusieurs rituels associés à la fête des récoltes de Souccot (qui a commencé vendredi dernier au coucher du soleil et se poursuit jusqu’à vendredi 6 octobre). Il est originaire de pays au climat tropical ou subtropical. Se les procurer à l’ère préindustrielle ne devait pas être facile.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
En compagnie de Warren Klein, conservateur du Bernard Museum of Judaica à la Synagogue Emanu-El, et de Sharon Liberman Mintz, conservatrice d’art juif à la bibliothèque du Séminaire théologique juif, Teplitsky s’est jeté à corps perdu dans l’étude de l’etrog.
« Mes ancêtres sont originaires d’Europe de l’Est. Comment faisaient-ils pour se procurer un etrog pour les fêtes ? » s’interroge Klein dans les pages de la New York Jewish Week. Cette enquête sur l’etroger « a été un formidable moment. C’est tellement important. »
L’enquête du trio sur l’histoire, les usages, la culture, le commerce et les symboles de l’etrog a donné lieu à un ouvrage intitulé, “Be Fruitful: The Etrog in Jewish Art, Culture and History” [NDLT : « Donnez des fruits : l’Etrog dans l’art, la culture et l’histoire juives », publié en 2022, et aujourd’hui l’exposition « Etrog, The Wandering Fruit » [NDLT : « Le cédrat, le fruit errant »], visible au Bernard Museum, à l’intérieur de la synagogue Emanu-El, à l’angle entre la 5e Avenue et la 65e Rue, à Manhattan.
Selon Klein, il s’agit de la toute première exposition muséale dédiée à l’histoire de cet agrume que l’on retrouve dans des artefacts juifs anciens. « Nous avons passé la majeure partie de la pandémie sur notre ouvrage, dans le but d’en faire une exposition », explique Klein. « C’était trop visuel et trop beau pour ne pas avoir envie de le partager avec d’autres. »
Les trois érudits ont fait appel à d’autres chercheurs, conservateurs, collectionneurs et artistes pour mener une étude exhaustive sur l’etrog, depuis ses origines en Chine jusqu’à sa diffusion de par le monde via les marchands persans en passant par son rôle clef dans la fête des récoltes de Souccot et son association au Temple de Jérusalem et à la Terre d’Israël.
L’exposition donne à voir des représentations et références anciennes de l’etrog dans les sources et objets les plus variés, comme ces pièces de bronze frappées à l’époque de la destruction du Second Temple à Jérusalem, en 70 de notre ère, porteuses d’un dessin de fruit très semblable à l’agrume, ou encore ces mosaïques du sol d’une synagogue à Tibériade, en Israël, datées des 6ème ou 8ème siècles de notre ère.
La grosse centaine de références à l’etrog provient de 20 prêteurs, publics et privés, parmi lesquels le Musée juif, la Bibliothèque du jardin botanique de New York et l’American Numismatic Society.
En plus des boîtes à etrogs et des documents consacrés aux etrogers, on trouvera des pages richement enluminées – des originaux et des fac-similés – faisant la part belle à l’etrog.
« Le fac-similé du Rothschild Miscellany est sans doute la pièce la plus spéciale : c’est le plus beau manuscrit hébreu qui soit », estime Mintz. Selon l’UNESCO, ce manuscrit orné originaire du nord de l’Italie, daté du 15ème siècle, « donne à voir les pratiques religieuses, la vie quotidienne et la mode de la Renaissance italienne ». Au musée, la page exposée de ce Rothschild Miscellany représente un homme à la barbe blanche, la tête couverte d’un châle de prière, tenant un etrog bosselé dans sa main gauche et le lulav, composé d’une feuille fermée de palmier (loulav), de myrte et de saule dans l’autre main.
(Ensemble, ces éléments forment ce que l’on appelle les quatre espèces, symboles – entre autres – des quatre lettres qui forment le nom de Dieu et de Souccot.)
Des boîtes conçues pour contenir les fruits, des plus simples aux plus richement décorées, sont également exposées. « La boîte d’etrog devient un microcosme : on voit de quelle manière les Juifs ont créé des objets pour embellir la fête et les rituels », commente Mintz. « Partout où une boîte à etrog est créée, elle est le reflet de son époque et de son milieu, ainsi que de l’art et de l’esthétique des Juifs du moment. »
Certaines de ces boîtes à etrog étaient des articles ménagers avant d’être recyclées, comme ces boîtes à sucre allemandes des 18ème et 19ème siècles ou ce pot de moutarde ayant appartenu à un marchand séfarade installé dans la New York des premiers temps. « A l’ère moderne, les artistes utilisent l’esthétique de l’art nouveau », explique Mintz. « C’est une merveilleuse façon d’observer ce qu’est l’art juif. »
Des versions plus modernes de ces boîtes à etrog sont également exposées. L’orfèvre britannique Mila Tanya Griebel a créé une boîte en argent ornée de délicates découpes, permettant de voir l’etrog et de sentir ses effluves sucrées. L’artiste textile Rachel Kanter a créé une pochette qu’une femme pourrait tout-à-fait emporter avec elle à la synagogue : on peut envelopper l’Etrog dans le tissu, imprimé d’une recette de conserves d’etrog. L’artiste juif new-yorkais Tobi Kahn a créé, pour sa part, une boîte en bois peint qui est, selon Klein, d’une forme idéale pour l’emporter à la synagogue. On peut la caler sous son bras tout en tenant ses petits-enfants par la main.
Bien que les chercheurs soient satisfaits de l’exposition – qui est visible jusqu’au 20 novembre – ils ont précisé que s’ils étaient amenés à tout recommencer, ils incluraient probablement une section sur la « vie après la mort » de l’etrog.
« Nous avons voulu parler de l’utilisation de l’etrog dans des recettes – confitures ou autres – une fois la fête terminée, savoir ce que les gens faisaient de cet etrog », explique Teplitsky.
« Un chapitre du livre parle de l’etrog médicinal. On a trouvé des preuves dans la Gueniza du Caire que l’etrog était utilisé à des fins médicinales, pour traiter les calculs rénaux, remédier à la mauvaise haleine et soulager les douleurs de l’accouchement », ajoute-t-il.
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel