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Interview

Antisémitisme, éducation, guerre contre le Hamas : L’ex-doyen de Columbia se confie

Pour David Schizer, en dépit des manifestations qui ont suivi le 7 octobre, le campus new-yorkais est accueillant pour les étudiants juifs, à supposer que sa charte soit respectée

La statue Alma mater sur le campus de l'Université de Columbia. (Crédit : Wikimedia Commons via JTA)
La statue Alma mater sur le campus de l'Université de Columbia. (Crédit : Wikimedia Commons via JTA)

NEW YORK – Lorsque David Schizer, ancien doyen de la faculté de droit de l’Université de Columbia et l’un des co-présidents du groupe de travail sur l’antisémitisme récemment créé par Columbia, a été interrogé sur le fait de savoir s’il avait été personnellement touché par l’antisémitisme sur le campus de Columbia, il s’est arrêté un instant avant de répondre.

« Je pense que je répondrai oui, mais en tant que professeur titulaire et ancien doyen, je ne suis pas dans la même situation que les étudiants qui se sentent isolés, exclus ou pire », a expliqué Schizer. « La vérité, c’est que j’ai passé énormément de temps avec des étudiants bouleversés, blessés et en souffrance. Cela me brise le cœur de voir certaines des difficultés qu’ils rencontrent. »

Schizer a affirmé que les étudiants devraient se sentir libres de participer aux activités du campus, quelles que soient leurs opinions sur Israël. « Mais certains groupes d’étudiants dont les missions n’ont rien à voir avec Israël ont, dans les faits, imposé des mises à l’épreuve aux étudiants », a-t-il déploré. « Et ce n’est pas approprié. »

Le Times of Israel s’est entretenu avec Schizer par téléphone après la publication du premier rapport du groupe de travail de Columbia sur l’antisémitisme, qui s’est concentré sur les réglementations et les politiques relatives aux manifestations sur les campus. Depuis l’assaut barbare mené par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre, lorsque quelque 3 000 terroristes ont tué près de 1 200 personnes, principalement des civils, tout en emmenant de force 253 otages dans la bande de Gaza, de nombreuses universités prestigieuses aux États-Unis – dont Columbia – sont devenues des foyers d’activisme anti-Israël, alors que l’État juif poursuit son opération militaire afin de ramener tous ses otages et de chasser le Hamas du pouvoir.

Le rapport initial du groupe de travail ne définit pas l’antisémitisme et se lit presque comme un communiqué de presse, ce qui, selon Schizer, était intentionnel.

David Schizer, ancien doyen de la faculté de droit de Columbia et membre de son groupe de travail sur l’antisémitisme. (Crédit : Autorisation)

« Il s’agit d’un rapport sur les règles et la loi », a déclaré Schizer. « La question pertinente n’est donc pas de savoir ce qu’est l’antisémitisme, mais ce qu’est le harcèlement discriminatoire en vertu du Titre VI de la loi fédérale et des lois locales de New York. »

Le Titre VI a été adopté dans le cadre de la loi sur les droits civils de 1964 et interdit la discrimination fondée sur la race, la couleur, l’origine nationale ou la religion dans les programmes – notamment de la plupart des universités américaines – qui bénéficient d’un financement fédéral. Les contributions financières du gouvernement pourraient être compromises si une université était reconnue coupable d’avoir enfreint le Titre VI.

Pour se conformer au Titre VI, une université ne doit pas créer un environnement d’apprentissage ou de travail hostile pour les membres d’une classe protégée. La question, selon Schizer, est de savoir comment créer et maintenir un environnement non hostile pour tous.

L’un des problèmes, a souligné Schizer, est que les gens « peuvent dire ou faire des choses lors de manifestations qui contribuent à créer un environnement hostile, et la question est de savoir comment une université doit juger cela ». Il note que deux approches différentes peuvent être utilisées : l’une prenant en compte la perspective de la classe protégée, et l’autre, les intentions et les droits à la liberté d’expression de l’orateur.

« Il y a des situations où un slogan est compris d’une certaine manière, mais où les orateurs affirment que ce n’est pas ce qu’ils voulaient. Que doit alors faire l’université ? », a soulevé Schizer, ajoutant que le groupe de travail recommande à l’université d’adopter une approche cohérente.

« Par le passé, l’accent a parfois été mis sur le public : Comment les remarques les affectent-elles, comment les ressentent-elles, comment les interprètent-elles ? Mais depuis le mois d’octobre, lorsque des étudiants juifs et israéliens ont identifié des déclarations qui leur étaient douloureuses, la [mise en] perspective a souvent été différente, et la question n’est pas de savoir comment le public l’entend, mais quelle est l’intention des orateurs, et s’ils ont le droit de dire ce qu’ils ont dit librement. »

« Il y a de bonnes raisons de s’en remettre soit à l’auditeur, soit à l’orateur – c’est une question difficile », a reconnu Schizer. Par contre, « ce qui n’est pas une question difficile, c’est le besoin de cohérence ». « L’université doit appliquer la même approche à toutes les classes protégées, sinon elle risque d’enfreindre le Titre VI. »

Schizer a noté qu’il existe « des besoins et des préoccupations spécifiques aux étudiants juifs et israéliens, et qu’il est essentiel de les prendre en compte ».

Manifestants pro-palestiniens et anti-Israël, à proximité de l’Université de Columbia, à Manhattan, le 2 février 2024. (Crédit : Luke Tress via JTA)

Mais, a-t-il ajouté, les règles de l’université régissant les manifestations doivent s’appliquer à tous de la même manière, tout en reconnaissant le risque de harcèlement discriminatoire à l’encontre de plusieurs groupes.

« En vertu de la loi américaine sur le Titre VI, il est problématique en soi d’avoir des règles différentes pour des groupes différents, et c’est pourquoi ce rapport, qui se concentre sur les règles, est plus général », a expliqué Schizer. « Mais nous allons publier d’autres rapports qui se concentreront davantage sur les défis propres aux étudiants juifs et israéliens. »

Il a également insisté sur le fait qu’il s’agit d’appliquer, et non de modifier, le règlement de l’établissement.

« Nous pensons que les règles telles qu’elles sont écrites sont bonnes », a déclaré Schizer. « Nous pensons qu’elles peuvent et doivent être clarifiées de différentes manières, et nous pensons également que l’un des défis majeurs est l’application – parce que le fait d’avoir des règles écrites ne modifie pas les comportements, ne protège pas les droits d’expression et n’empêche pas la discrimination si les règles ne sont pas appliquées de manière uniforme et efficace. »

Schizer a également souligné son lien personnel avec les questions traitées par le groupe de travail.

« Je suis avocat et ancien doyen de l’école de droit, et ces compétences et connaissances ont été essentielles lorsque nous avons analysé la loi, mais la raison pour laquelle je suis en mesure d’apporter une contribution particulière sur d’autres questions est que l’expérience des Juifs de Columbia me touche personnellement – étant moi-même Juif », a-t-il déclaré.

Schizer a qualifié Columbia « d’expérience extraordinaire » pour les étudiants israéliens et juifs et s’est dit convaincu que les problèmes de l’après-7 octobre seront résolus.

« Il y a un formidable élan de bonne volonté au sein de la communauté envers les collègues juifs et israéliens, et plus généralement en faveur de la proposition selon laquelle nous devons être un lieu accueillant pour tout le monde », a ajouté Schizer. « Bien qu’il y ait des désaccords sur des questions politiques particulières, tout le monde comprend que Columbia est fidèle à ses valeurs lorsqu’elle est accueillante pour tout le monde. C’est une conviction fondamentale. »

Lorsqu’on lui a demandé si le fait que Columbia continue d’employer Joseph Massad, un professeur d’études moyen-orientales qui a fait des déclarations incendiaires, notamment en qualifiant le massacre du 7 octobre perpétré par le Hamas « d’étonnant », de « stupéfiant », « d’impressionnant » et « d’offensive de la résistance [nom que se donnent les groupes terroristes islamistes anti-Israël] », reflétait la bonne volonté qu’il venait de décrire, Schizer a pris une inspiration avant de répondre.

« Nous croyons en la liberté d’expression à Columbia – les gens sont autorisés à prendre des positions divergentes », a affirmé Schizer.

« Il nous arrive parfois de nous offenser les uns les autres, sur tout un éventail de sujets. [Mais] heureusement, lorsque nous avons des conversations difficiles, nous essayons d’être respectueux et collégiaux. Nous sommes une institution universitaire attachée à la liberté d’expression et nous sommes également attachés à la lutte contre la discrimination et au respect de la loi. »

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