Appels à la déradicalisation des manuels scolaires palestiniens – vers un mouvement plus global ?
Depuis le 7 octobre, l'Autorité palestinienne est pressée de purger ses programmes scolaires de toute doctrine, mais selon un expert, il faut agir au-delà du milieu scolaire
Lors d’une récente visite à Ramallah, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Xavier Bettel, a évoqué en présence des autorités de l’ONU la glorification du terrorisme à l’oeuvre dans les programmes scolaires administrés par l’agence pour les réfugiés palestiniens.
Dans une vidéo, on voit Bettel, un manuel à la main, dire à un fonctionnaire : « L’UNRWA n’est pas neutre sur le plan éducatif si c’est cela qui est enseigné. C’est écrit dans le livre… Si je veux pouvoir te défendre, il faut que tu m’aides à le faire. »
Les propos de Bettel font écho aux réserves, déjà anciennes, concernant le système éducatif palestinien auquel on reproche depuis des années d’endoctriner les élèves et de promouvoir l’antisémitisme et la violence.
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Ces critiques ont refait surface à l’issue du massacre du 7 octobre, compliquées de nouveaux sujets d’inquiétudes quant à la neutralité de l’Office controversé de secours et de travaux des Nations unies, qui enseigne à pas moins de 550 000 Palestiniens enregistrés comme réfugiés, à commencer par 300 000 enfants à Gaza.
Selon des analystes et membres des autorités étrangères, ces programmes jouent un rôle dans la radicalisation de la jeunesse palestinienne et certains estiment que le massacre du 7 octobre est un exemple flagrant des effets délétères de cette éducation.
« Lorsque nous avons vu ce qui s’est passé le 7 octobre – ces actes épouvantables, viols, meurtres, décapitations, enlèvements de bébés et de personnes âgées -, nous n’avons pas été surpris », confie Marcus Sheff, PDG de l’Institut de surveillance de la paix et de la tolérance culturelle dans l’éducation scolaire, plus connu sous le nom d’IMPACT-se, que l’on trouve à la fois à Londres et Tel-Aviv. « Ces meurtres et profanations de corps sont les signes d’un profond endoctrinement. »
Selon Sheff, la solution – tout comme le problème – se trouve entre les quatre murs des salles de classe. L’histoire du monde arabe montre que le simple fait de changer le contenu des programmes scolaires peut avoir un fort impact mais que l’enseignement reste une pratique très verticale, dépendante des manuels officiels, un peu partout au Moyen-Orient.
« Les manuels scolaires font particulièrement autorité dans cette région – la pensée critique n’est pas encouragée », ajoute Sheff. « Il y a un manuel par grand sujet. Les enfants apprennent ce qu’il y a dans leur livre, sur leur bureau, ce que leurs professeurs leur enseignent. »
"UNRWA is not neutral on education if they teach this"
The Foreign Minister of Luxembourg @Xavier_Bettel calls out @UNRWA for glorifying terrorism. pic.twitter.com/afvT7AZOef
— Aviva Klompas (@AvivaKlompas) October 31, 2024
Depuis la fin des années 1990, IMPACT-se surveille les programmes scolaires du monde entier, avec une attention particulière pour les contenus anti-israéliens au sein du monde arabe.
Tous les rapports annuels de cette organisation mettent en évidence le caractère problématique des manuels scolaires palestiniens, que ce soit l’effacement systématique d’Israël, le déni de l’existence de liens juifs avec cette terre ou la glorification du djihad violent et du martyre, ou comme le dit Sheff, « l’idée centrale que c’est le devoir de chaque jeune de se
sacrifier ».
Les écoles palestiniennes de Cisjordanie, Jérusalem-Est et Gaza, y compris celles gérées par l’UNRWA, utilisent des manuels scolaires et des programmes élaborés par l’Autorité palestinienne.
En dépit des condamnations répétées du Parlement européen – chaque année depuis cinq ans -, comme des Parlements ou gouvernements du monde entier, l’Autorité palestinienne refuse d’y remédier et de modifier ses manuels scolaires.
À Jérusalem-Est, où la plupart des écoles non israéliennes appliquent le programme palestinien, la municipalité de Jérusalem tente depuis des années de faire censurer les contenus provocateurs en recouvrant certaines parties des manuels scolaires d’autocollants.
Mais, souligne Sheff, ces autocollants ne font que piquer la curiosité des élèves qui auraient donc deux manuels : un « censuré », pour les inspections, et un « non censuré », utilisé en classe.
La municipalité de Jérusalem s’est donc décidée à faire imprimer ses propres livres, débarrassés de tout contenu problématique, et a exigé qu’ils soient utilisés dans les écoles palestiniennes de la ville en lieu et place de ceux fournis par l’Autorité palestinienne.
Selon Haaretz, au moment de cette rentrée scolaire, la police a fouillé les sacs de quelques élèves palestiniens et confisqué des manuels avec des contenus jugés inappropriés.
La police n’a pas souhaité s’exprimer comme le lui proposait le Times of Israel.
מאז תחילת שנת הלימודים, שוטרים עוצרים תלמידים פלסטינים באופן קבוע בכניסות לאלאקצא, עורכים חיפושים בתיקים שלהם ומחרימים ספרי לימוד שיש עליהם דגל פלסטין. כן, מה שקראתם. pic.twitter.com/hLTPweprOy
— نير حسون Nir Hasson ניר חסון (@nirhasson) September 8, 2023
Le Parlement européen a mis une condition à la poursuite du versement de fonds à l’Autorité palestinienne, à savoir l’élimination des références antisémites de ses programmes scolaires. Sheff craint que l’AP ne puisse à nouveau percevoir l’aide au prix de quelques modifications purement cosmétiques.
« Nous parlons de près d’un millier d’éléments à revoir », précise-t-il.
Suffit-il de changer les manuels scolaires pour changer la société ?
Des experts doutent que la refonte des manuels scolaires suffise à elle seule à contrer une radicalisation profondément ancrée.
Selon Michael Milshtein, directeur du Forum d’études palestiniennes au Centre Moshe Dayan de l’Université de Tel Aviv, il faut un changement à l’échelle de toute la société.
« Promouvoir un changement radical passe par un examen de conscience. Il faut que l’autre partie, les Palestiniens, ait elle aussi envie de changer les choses. Je ne pense pas que ce soit le cas », confie Milshtein au Times of Israel.
Selon les informations de l’ONU, plus de 80 % des écoles de Gaza ont été détruites ou reconverties en abris pour réfugiés, ce qui n’empêche pas l’enseignement informel de se poursuivre, sous les tentes. Les enseignants qui travaillaient déjà pour le Hamas ou l’UNRWA continuent de faire passer les mêmes messages, à commencer par « l’héritage du Hamas et l’importance du djihad et du martyre », avec une surveillance très limitée, explique Milshtein.
« Ce n’est pas comme dans l’Allemagne d’après 1945, où toute la société encourageait l’introspection », poursuit Milshtein.
« À Gaza, à l’heure actuelle, il n’y a pas d’État ou de régime organisé. La société refuserait toute tentative de déradicalisation. Il est très important de faire appel à de nouveaux enseignants et de changer les manuels scolaires, mais ce n’est pas suffisant », souligne-t-il.
Malgré tout, certains pays arabes dotés de régimes réformateurs ont entrepris de revoir leurs programmes scolaires de façon à en chasser le radicalisme.
Depuis l’an dernier, les Émirats arabes unis se distinguent notamment par l’enseignement de la Shoah et d’autres pays arabes alignés sur l’Occident, comme le Maroc, l’Arabie saoudite ou l’Égypte, ont pris des mesures pour retirer les contenus antisémites et adoucir les passages les plus haineux et violents du Coran ou des hadiths des études islamiques, explique IMPACT-se.
D’autres pays de la région qui continuent de soutenir les organisations islamistes, à l’instar du Qatar, restent eux à la traîne, comme le souligne un récent rapport du Département d’État américain adossé aux conclusions d’une étude d’IMPACT-se.
« Les pays qui revoient leur programme scolaire le font parce qu’ils savent que c’est dans l’intérêt de leur société et que la radicalisation, génération après génération, n’est pas une bonne chose », ajoute M. Sheff.
« Tous les pays peuvent être aidés : il est toujours possible de dialoguer. Mais au final, c’est eux qui choisissent. C’est leur systèmes éducatif et la société qu’ils veulent pour demain. »
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