Après la guerre des Six jours, le cabinet a débattu de l’avenir de la Cisjordanie – et du nez de de Gaulle
Les archives nationales ont rendu public des retranscriptions des réunions du cabinet de 1967 qui révèlent les discussions intenses et les querelles mesquines survenues avant, pendant et après le conflit

La guerre des Six jours est une histoire qui remonte à cinquante ans en arrière et qui est connue dans le monde entier. Disons dans les grandes lignes, au moins.
En mai 1967, l’Egypte avait bloqué le détroit de Tiran – un casus belli — marquant le début de la dénommée « période d’attente » durant laquelle Israël a décidé de mener des frappes préventives contre l’Egypte et la Syrie.
La guerre qui s’en est suivie a duré sept jours au niveau technique, mais six au point de vue pratique. Les leaders israéliens craignaient que le pays ne se trouve envahi par cinq armées arabes – les armées égyptienne, syrienne, jordanienne, irakienne et libanaise – mais c’est finalement l’armée israélienne qui les aura toutes mises en déroute.
L’état juif a conquis la péninsule du Sinaï, le plateau du Golan, la bande de Gaza et la Cisjordanie, et avec ces régions, ce sont environ un million d’habitants arabes qui sont passés sous gouvernance israélienne. La ville entière de Jérusalem, capitale éternelle du peuple juif, est tombée entre les mains des Israéliens.
Douze ans plus tard, le Sinaï a été rendu à l’Egypte dans le cadre d’un accord de paix durable. Le plateau du Golan a été annexé par Israël, une annexion qui n’est pas reconnue à l’international.

La Cisjordanie et Gaza, pour leur part, sont restés dans une situation floue – sous contrôle militaire israélien tout en bénéficiant (si c’est le bon mot) d’un degré d’autonomie depuis lors.
Voilà pour les grandes lignes.
Jeudi, les archives de l’état d’Israël ont offert un aperçu sur les menus détails du processus décisionnaire gouvernemental dans la période qui a précédé et qui a suivi la guerre, largement considérée comme le principal tournant de l’histoire israélienne moderne.
Les archives sont constituées d’heures entières d’images filmées, de dizaines de photographies et d’environ 15 000 pages disponibles au téléchargement et à l’étude, dont – c’est à noter – les retranscriptions des réunions du cabinet.
La majorité, si ce n’est l’ensemble, de ces documents étaient disponibles dans le passé. Au cours des 50 dernières années, les chercheurs les ont consultés, et les archives avaient rendu également publiques les retranscriptions des réunions du cabinet en 2012. Toutefois, celles qui ont été publiées jeudi, émanant du cabinet sécuritaire, n’avaient jamais été portées à la connaissance du public auparavant, selon l’archiviste national d’Israël, Yaacov Lozowick.
Et maintenant, les querelles mineures, tout comme les plaisanteries et les débats emprunts de gravité entre les membres du cabinet et les responsables militaires sont à la portée de tous ceux qui sont dotés d’un accès à Internet, qui maîtrisent l’hébreu et disposent de temps libre.
Le Premier ministre Levi Eshkol évoque dans ces documents sa vision de ce que doit faire Israël après la guerre, notamment rendre le plateau du Golan à la Syrie et la péninsule du Sinaï à l’Egypte en échange d’un accord de paix.
« Faisons comprendre aux personnalités étrangères, et en particulier aux Etats-Unis, que nous ne bougerons pas de cette position, peu importe les pressions », dit-il.
« Nous sommes tournés vers la paix. Nous sommes partis trois fois en guerre afin de conclure des traités de paix », ajoute Eshkol.
‘Nous voulons la paix et des traités de paix, pas des accords de cessez-le-feu et nous ne sommes pas intéressés par des résolutions temporaires’
Haim-Moshe Shapira, ministre religieux et pacifiste, lui répond alors : « Nous ne sommes pas partis en guerre. La guerre est arrivée ».
Eshkol fait également part de son soutien à l’annexion de la bande de Gaza par Israël, offrant la pleine citoyenneté à ses résidents.
A ce moment-là, la question de la Cisjordanie avait été très contestée, bien avant que le gouvernement ne commence à s’y référer sous son nom biblique de « Judée et Samarie » et avant que les habitants ne commencent à s’appeler eux-mêmes des Palestiniens.
Certains ministres ont soutenu l’annexion, d’autres ont demandé que les résidents puissent se voir offrir une « région autonome » et d’autres encore ont réfléchi à un système de canton, comme en Suisse.
Eshkol avait quant à lui conseillé la prudence concernant l’installation dans la zone, notant que « même un homme comme Yosef Weiss” — membre éminent du Fonds national juif – « a indiqué que nous ne devions pas nous hâter de revenir au Gush Etzion. »
Le ministre de la Défense d’alors, Moshe Dayan, avait prôné l’établissement d’un groupe de chefs palestiniens qui « pencherait en notre faveur », ce qui avait mis Eshkol en colère.
« Tout à coup, nous voilà devenus une nation impériale ! » s’était-il exclamé, comparant la proposition de Dayan au mode d’opération adopté par les Etats-Unis pendant la guerre du Vietnam.
Les nouvelles retranscriptions présentent également les recommandations de Menahem Begin sur ce qu’il fallait faire avec le million de personnes vivant en Cisjordanie.

Begin avait appelé Israël à annexer toute la zone, mais s’était retenu d’offrir la citoyenneté aux résidents arabes pour une période de sept ans, citant d’autres cas de pays s’emparant de territoires.
« Quand un pays annexe une région qui n’était pas jusque-là sous sa souveraineté, il doit donner aux résidents une période de transfert pour décider de l’option de rester et d’adopter la citoyenneté du pays qui a fait l’annexion ou de partir en conservant la nationalité antérieure », avait dit Begin aux autres ministres.
Le célèbre diplomate et ministre des Affaires étrangères d’alors, Abba Eban avait averti que tous étaient assis sur une « poudrière » vis-à-vis des Palestiniens.
« Nous avons deux populations, l’une jouissant de ses pleins droits civils et l’autre à laquelle tout droit est nié. C’est une image qu’il est dur de défendre même dans ce contexte particulier qu’est l’histoire juive », avait dit Eban, comparant la situation à celle de l’Algérie lorsque les Français gouvernaient le pays.
« Le monde va sympathiser avec le mouvement de libération du million et demi de personnes entourées par les plusieurs dizaines de millions », avait-il ajouté.
L’état d’esprit d’Eshkol, Premier ministre d’alors, est également très clair dans les retranscriptions.
Ainsi, lorsque le ministre travailliste Yigal Alon, qui avait adopté une approche ferme pour aborder le problème de la Cisjordanie, avait dit aux ministres : « Je veux défendre ma position contre ceux qui n’étaient pas ici ce matin », Eshkol l’avait interrompu et avait riposté : « Vous ne les avez pas encore entendus s’y opposer. »
Il y a également des moments amusants.
Par exemple, quatre jours après la fin de la guerre, le chef d’état-major de l’armée Yitzhak Rabin discutait avec le cabinet sur la manière dont il devait gérer les menaces faisant face aux habitants qui travaillaient les terres situées à proximité de la frontière syrienne, qui étaient attaquées.
L’un des secteurs où ils travaillaient avait été nommé « le nez de de Gaulle », en référence au nez prodigieux du général français Charles De Gaulle.
En aparté, Rabin avait ajouté : « J’espère qu’il n’y aura pas de tensions autour de ce nom mais nous essaierons peut-être de le changer ».
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