Après la guerre, le Sud accueille des anémones, des touristes et des artistes
Six mois après la guerre avec le Hamas, le Sud revit et les petits commerces espèrent que cela va durer cette fois

Le 6 août, au milieu de l’un des cessez-le feu, vers la fin de l’opération Bordure protectrice, l’ancien chef d’état-major de Tsahal, Benny Gantz, se trouvait à la frontière avec Gaza et appelait les habitants du Sud d’Israël à retourner dans leurs foyers. « En effet, l’été a été chaud ici », a déclaré Gantz devant des journalistes lors d’une conférence de presse.
« [Mais] l’automne viendra ensuite. La pluie lavera la poussière sur les tanks. Les champs verdiront, et le sud rougira. Rougira au sens positif du terme – des anémones, des fleurs et la stabilité reviendront ici, et resteront pour de très nombreuses années à venir. »
Six mois après la fin des combats, le Sud tourne en effet de nouveau au rouge. Les tanks sont partis, comme la « pudra » ou poussière qui recouvrait toute la périphérie de Gaza. Les explosions ont cessé et la tranquillité est revenue. La pluie, une pluie battante, est arrivée tôt cette année.
En novembre, ces zones du nord du Néguev ont atteint 150 ml, la moitié de leurs précipitations annuelles, dans un délai de 48 heures.
Et les anémones rouges, ou kalaniyot en hébreu, fleurissent avec une force presque violente, grâce à ces premières pluies, transformant les champs envahis de tanks en tapis de fleurs rouges.

Le Festival Darom Adom, qui cette année a commencé le 30 janvier, est le plus grand événement touristique du nord du Néguev.
Les randonnées, balades à vélo, pique-niques, la musique et les activités des fermes locales attirent 200 000 à 300 000 personnes chaque année. Cette année marque le 10e anniversaire du festival et revêt une nouvelle signification, à la lumière des rudes événements de l’été. Habituellement d’une durée de trois semaines, le festival de cette année s’est prolonge jusqu’au week-end du 27-28 février.
« Nous récupérons lentement », déclare Yair Farjun, le responsable du conseil régional Hof Ashkelon, venu humer les kalaniyot avec sa famille. « Le gouvernement a promis de l’argent, mais nous ne l’avons pas encore vu. Nous sommes déjà six mois après, et nous en avons besoin pour faire vivre les commerces. »
« Mais il ne fait aucun doute que les dizaines de milliers de personnes affluant du centre du pays, après que tant d’entreprises aient fait faillite, aident les petits commerces pendant ces trois semaines [de Darom Adom]. »

« Darom Adom est un moteur économique important, l’événement qui attire le plus de personnes au nord du Néguev. On espère qu’il incitera les visiteurs à revenir même en dehors de ces saisons fleuries. »
« L’été a vraiment porté atteinte à zone, mais maintenant, les entreprises et les fleurs sont en pleine effervescence », déclare Livnat Ginzbourg, coordinatrice de tourisme des conseils régionaux du Nord du Néguev, l’une des fondatrices de Darom Adom il y a 10 ans.
« Les gens découvrent la région et vous pouvez constater l’impact de Darom Adom après son déroulement, courant mars, et pendant les fêtes de Pessah et de Shavouot. Les gens viennent et apprécient les attractions de la région, alors ils reviennent. Après un été difficile, ils sont comme une bouffée d’oxygène pour la région. Vous ressentez leur solidarité, tel un câlin des résidents de tout le pays », dit-elle.

Ginzbourg estime que la région du nord du Néguev a perdu au moins cinq millions de shekels en annulations directes au cours de l’été, les touristes ayant évité la zone pendant la guerre.
Mais l’été n’est pas la haute saison des entreprises touristiques, car il fait tout simplement trop chaud. La plupart des Israéliens fuient vers les collines verdoyantes du Nord et évitent le désert chaud et ensoleillé.
Cinq millions de shekels ; c’est un montant significatif, mais les petites entreprises non touristiques de la région, comme les restaurants et les magasins, souffrent encore davantage.
Les vigoureuses kalaniyot
Les kalaniyot sont des fleurs sauvages qui poussent naturellement dans le Néguev.
Dans la partie nord d’Israël, les kalaniyot peuvent être blanches ou jaunes, mais dans le désert, elles sont uniformément rouges.
Il y a plus de 15 ans, le Fonds national juif (KKL) a étudié une manière de réduire la quantité de taillis dans la région, qui se dessèchent en été et augmentent le risque de feux de brousse, notamment en raison de la menace de mortier en provenance de Gaza, tout en respectant l’environnement.
Le KKL a décidé d’accorder des autorisations aux bergers de faire paître leurs moutons dans les parcs, une initiative positive pour les bergers bédouins locaux et pour la sécurité anti-incendie de la région. Mais les kalaniyot étant toxiques, les moutons les évitent. Et vu que 20 000 moutons qui paissent dans la zone mangent toutes les plantes concurrentes, les kalaniyot explosent à chaque printemps avec une vigueur renouvelée.
Ginzbourg et un certain nombre de bénévoles locaux ont compris qu’ils pourraient transformer ce phénomène semi-naturel en événement touristique. Le festival connaît un succès grandissant chaque année.
Cette année, des ateliers en coopération avec l’Institut supérieur Sapir de Sderot étaient prévus et des grands noms de la musique comme Idan Raichel et Red Band ont donné des concerts en soirée pour encourager les visiteurs à passer la nuit dans la région.
Il y a eu aussi une course à vélo, une course à pied et des activités organisées pour les enfants.
« Mais beaucoup des facteurs de ce festival, très importants, sont incontrôlables, explique Ginzbourg. Le temps, le pic de la floraison et la situation sécuritaire en sont des exemples. » Et malheureusement, ce sont les trois éléments les plus importants du festival.
Cette année, en raison des fortes pluies de novembre, les kalaniyot ont fleuri début janvier, plus tôt que d’habitude. Le pic de l’éclosion était fin janvier, début février.
Darom Adom se concentre sur le tourisme interne : encourager les Israéliens à visiter les sites moins connus du pays.
La grande majorité des 300 000 visiteurs viennent du centre du pays, les kalaniyot se trouvant à seulement une heure au sud de Tel Aviv.
Le Salad Trail, ou « choisissez votre propre légume », situé dans le moshav [communauté agricole coopérative] de Telmei Yossef près de la jonction Rafiah, est recommandé aux grands groupes en visite à Darom Adom. Uri Alon, le guide agronome et touristique qui dirige l’affaire avec son épouse Shuli, accueille un bon nombre de touristes internationaux.

Il cultive 15 types de tomates cerises de toutes les couleurs, et deux rangées de piments habanero brillamment étiquetés : « La consommation de ces piments est de la seule responsabilité du visiteur ».
Le Salad Trail compte environ 45 000 visiteurs par an, 30 000 de l’étranger, dont 60 % de Taglit, raconte Alon.
« Le tourisme régulier [interne] de la région n’a pas été touché par l’opération Bordure protectrice, car ce n’était pas leur saison. Mais pour nous, le point culminant de la saison est en juillet et août. 160 autobus ont été réservés et annulés. »
Toutefois, il souligne que de nombreux touristes israéliens, y compris des entreprises qui envoient leurs employés à un voyage annuel, ont délibérément choisi le sud du pays, afin de renforcer le Néguev après l’opération Bordure protectrice.

La ferme El HaYaen Ostrich, située à côté du parc Eshkol, est fortement conseillée aux visiteurs israéliens de Darom Adom.
Tsophia Van Grevenbroek et son mari, Mike, originaires de Hollande, ont transformé leur ferme d’autruches en attraction touristique après le passage d’une loi en 2012 interdisant d’élever des autruches pour abattage.
Ils sont ouverts les week-ends, de Roch Hachana (à l’automne) à Chavouot (début de l’été).
Les Van Grevenbroek proposent un restaurant et des activités organisées pour les familles, y compris la décoration d’un œuf d’autruche.

Etant fermés en été, sauf pour des événements privés, ils n’ont pas essuyé de pertes financières importantes pendant la guerre, hormis le fait que les autruches ont arrêté de pondre en raison du stress dû aux explosions.
« Notre problème dans le Néguev est que les gens viennent seulement pour Darom Adom, explique Van Tsophia Grevenbroek. Mais maintenant, les gens nous disent qu’ils viendront ici après l’opération Bordure protectrice, et en force, pour acheter des produits et soutenir le Sud. Ils viennent et découvrent le calme. Ils disent : ‘Hé, c’est incroyable !’ On est les rois du monde. Nous devons entraîner d’autres personnes, afin qu’elles le constatent par elles-mêmes. »
Gidi Vidal, agriculteur à Sde Avraham, a fait une nouvelle proposition aux Van Grevenbroek : accueillir un marché fermier sur leur propriété.
L’idée : fournir un soutien supplémentaire aux agriculteurs locaux, et répondre au désir des Israéliens d’acheter des produits du Sud pour aider les agriculteurs. Vidal achète des produits de 30 agriculteurs locaux, y compris des variétés de tomates-cerises, citrouilles, pommes-de-terre, poivrons cultivés surplace. Il vend aussi des biscuits, du miel, de l’huile d’olive, des jus de fruits frais et une bière locale de la brasserie ISIS (dont les propriétaires, plaisante-t-il, veulent poursuivre les rebelles d’ISIS pour violation de copyright).
Vidal affirme avoir toujours rêvé d’ouvrir un marché fermier. Il espère que le marché « Pashuk » (« pashut shuk ») se poursuivra dans les années à venir.
Échos de l’été
Le temps, cependant, a joué en défaveur de Darom Adom. « Nous sommes des agriculteurs, c’est donc la première fois que nous demandons que les pluies s’arrêtent, au moins vendredi et samedi », sourit Vidal. Il a dû annuler le marché du vendredi 20 février à cause du mauvais temps.
Rafi Babayan est l’un des bénévoles locaux qui organise Darom Adom.
Avec ses patrouilles dans le kibboutz Alumim, une de ses fonctions est de prendre des photographies – de renommée internationale – qui sortent des sentiers battus, dans des endroits où les kalaniyot sont si drues et leur rouge si brillant qu’il est presque impossible de les regarder directement.
Il aime cette partie du pays, où il a vécu pendant 30 ans, et où, au printemps, les fleurs et les danses des étourneaux migrateurs illuminent ses yeux.
Cette année, les kalaniyot fleurissent dans les champs à côté d’un puits de pierre antique byzantin que le KKL a récemment nommé d’après la fille de Babayan, Marva, 17 ans, qui a perdu une bataille contre le cancer il y a trois mois.
« Elle aimait la nature, et chérissait tellement cette région », raconte Babayan. Il sait qu’elle aurait aimé voir les kalaniyot cette année, qui donnent tellement de couleur aux paysages.
L’an dernier, le nord du Néguev était déchiré. C’était mon premier voyage dans la région depuis la guerre.
Passant devant les panneaux routiers, le nom de chaque ville réveille immédiatement des souvenirs sombres : tirs de mortiers mortels, infiltrations de tunnels, la mort d’un garçon de quatre ans [Daniel tragerman] dans son salon suite à une roquette.
L’angoisse de l’ensemble du pays, un été rempli de sirènes, d’explosions et de funérailles, et pour Babayan, un hiver où il a perdu une fille.
Alors que Babayan s’éloigne des champs rouges, nous passons devant un berger bédouin et son épouse.
Quelques instants plus tôt, une de leurs brebis a mis bas. Les deux bébés agneaux sont si jeunes qu’ils ne peuvent même pas encore se tenir debout, et encore moins s’allonger sur le sol.
Contrairement à cet été, la lumière d’or de l’après-midi filtre à travers les arbres et le calme règne. Et deux nouvelles vies sont nées, blotties parmi les fleurs rouges.
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.

Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel