Israël en guerre - Jour 343

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Après le raid militaire, Abbas dépose une gerbe à Jénine en mémoire des « martyrs »

Les forces de sécurité ont été déployées dans la ville de Cisjordanie - Abbas n'y était pas allé depuis des années - et dans le camp de réfugiés pour l'arrivée du leader de l'AP

Le président palestinien Mahmoud Abbas, au centre, à droite, et le Premier ministre Mohammad Shtayyeh, au centre, à gauche, déposent une gerbe sur les tombes des Palestiniens tués lors du récent raid militaire israélien dans le camp de réfugiés de Jénine, à Jénine, en Cisjordanie, le 12 février 2023. (Crédit :   Zain JAAFAR / AFP)
Le président palestinien Mahmoud Abbas, au centre, à droite, et le Premier ministre Mohammad Shtayyeh, au centre, à gauche, déposent une gerbe sur les tombes des Palestiniens tués lors du récent raid militaire israélien dans le camp de réfugiés de Jénine, à Jénine, en Cisjordanie, le 12 février 2023. (Crédit : Zain JAAFAR / AFP)

Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, est arrivé mercredi à Jénine pour effectuer sa première visite depuis plus de dix ans dans cette ville du nord de la Cisjordanie, une semaine après la plus grande opération antiterroriste israélienne menée au sein de la localité depuis des années.

Douze Palestiniens – qui, selon Israël, étaient des combattants – et un soldat israélien ont été tués lors de ce raid de quarante-huit heures qui a mobilisé des centaines de soldats, des drones et des bulldozers de l’armée israélienne à Jénine et dans le camp de réfugiés adjacent, un endroit où les affrontements entre les forces israéliennes et les factions palestiniennes sont réguliers.

Peu après cette opération militaire d’envergure, plusieurs hauts-responsables du Fatah, le parti d’Abbas – et notamment son vice-président Mahmoud Aloul – s’étaient rendus au camp où ils avaient été accueillis sous les huées des résidents furieux.

Abbas, de son côté, est venu mercredi en hélicoptère.

Il a déposé une gerbe « au cimetière des nouveaux martyrs », selon l’agence de presse officielle de l’AP, Wafa, qui a par ailleurs mis un point d’honneur à souligner que « neuf martyrs qui ont été tués lors de la récente agression israélienne » y avaient été inhumés.

Deux hommes et un enfant assis à côté des tombes des 13 Palestiniens tués pendant le raid antiterroriste récent mené par l’armée israélienne dans le camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie, le 11 juillet 2023. (Crédit : Jaafar ASHTIYEH / AFP)

Le camp de Jénine « est l’emblème de la lutte, de la constance et du défi », a commenté Abbas.

Il a promis que les travaux de reconstruction du camp commenceraient immédiatement.

« Je le dis à tous, de près ou de loin : « Notre État restera uni (…) et nous affronterons quiconque portera atteinte à son unité et à sa sécurité », a noté le président palestinien.

« Nous devons nous débarrasser de l’occupation et nous lui disons : Laissez-nous tranquilles, nous sommes là et nous resterons où nous sommes », a-t-il continué.

« Nous travaillons à présent à une reconstruction immédiate, pour ramener le pays à ce qu’il était, voire mieux », a-t-il poursuivi avant de conclure sa visite.

Abbas était venu pour examiner « les progrès des travaux de reconstruction du camp et de la ville » à la suite du raid israélien, et rencontrer des responsables locaux, a déclaré à l’AFP un porte-parole de la présidence palestinienne.

Après le raid, les infrastructures du camp ont été gravement endommagées: huit kilomètres de canalisations d’eau et trois kilomètres de canalisations d’égouts ont été détruits, selon les Nations unies.

Plus de 100 maisons ont été endommagées et un certain nombre d’écoles ont également été légèrement endommagées.

Avant la venue d’Abbas, des centaines de soldats appartenant à la garde présidentielle ont commencé à patrouiller dans les rues du camp et des snipers se sont installés sur les toits.

Une vidéo qui a été partagée sur les réseaux sociaux palestiniens montre les forces de sécurité de l’AP semblant bloquer plusieurs véhicules militaires israéliens qui entrent dans Jénine. L’armée n’a encore pas réagi à cet incident présumé.

La visite d’Abbas « est un message fort et important » qui signifie « qu’il se tient aux côtés du peuple palestinien dans sa résistance à l’occupation (Israël) », a affirmé à l’AFP Abu Rumaila, secrétaire général du Fatah dans le camp.

Mais Abdullah, un habitant du camp qui n’a voulu être identifié que par son prénom, semble avoir des doutes sur l’objectif de cette visite.

« Le plus important, c’est ce qui se passera après son départ, et s’ils (l’Autorité palestinienne) continueront de s’occuper du camp », juge-t-il, s’exprimant auprès de l’AFP.

Le camp de réfugiés avait été fondé en 1953, quand la Cisjordanie avait été annexée par la Jordanie, pour accueillir certains des 760 000 Palestiniens qui avaient fui leurs habitations ou qui avaient été expulsé d’Israël lors des combats qui avaient entouré l’établissement de l’État juif, en 1948 – un événement que les Palestiniens appellent la « Nakba » ou « Catastrophe ». Israël s’était emparé de Jénine et du reste de la Cisjordanie pendant la guerre des Six jours, en 1967. L’AP avait ensuite implanté sa présence à Jénine et dans d’autres parties de la Cisjordanie dans les cadre des Accords d’Oslo, dans les années 1990.

Avec le temps, les tentes ont été remplacées par des maisons et le lieu ressemble maintenant à un quartier de la ville de Jénine.

Une Palestinienne marchant sur une route endommagée, après que l’armée israélienne a retiré ses forces du bastion terroriste, dans le camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie, le 5 juillet 2023. (Crédit : AP Photo/Majdi Mohamed)

Le camp, qui accueille 18 000 personnes, avait aussi été une plaque tournante du terrorisme pendant la Seconde intifada, au début des années 2000 – une période devenue pour les Israéliens synonyme d’attentats-suicides et d’explosions de bus qui avaient entraîné la mort de plus d’un millier de civils et de soldats. Ce soulèvement avait aussi donné lieu à des affrontements intenses avec les troupes israéliennes, des combats qui avaient tué plus de 3000 Palestiniens.

Au cours des dix-huit derniers mois, la situation sécuritaire s’est détériorée dans le camp, avec l’Autorité palestinienne de Ramallah qui n’y a plus véritablement de présence réelle.

Abbas, qui est aujourd’hui âgé de 87 ans, s’était rendu à Jénine en 2012 mais il n’avait pas visité le camp à cette occasion.

Alors que l’AP conserve une forme de présence dans la ville, elle a largement abandonné le camp au profit de groupes armés comme la brigade de Jénine qui, selon Israël, bénéficie du soutien de l’Iran.

Abbas s’était rendu au camp en 2004 alors qu’il se présentait à l’élection présidentielle qui avait suivi la mort du leader Yasser Arafat.

Pendant ce déplacement, Abbas avait étreint et embrassé Zakaria Zubeidi, un haut-responsable du groupe terroriste des Brigades des martyrs d’al-Aqsa lié au Fatah – cette accolade entre les deux hommes était restée célèbre dans la mesure où l’homme figurait, depuis des années, sur la liste des personnes les plus recherchées d’Israël avant sa capture. Zubeidi était brièvement parvenu à s’échapper, en 2021, suite à une spectaculaire évasion de prison.

Mahmoud Abbas de l’Autorité palestinienne, à droite, embrasse un leader du groupe terroriste des Brigades des martyrs d’al-Aqsa, Zakaria Zubeidi, au début d’un rassemblement de campagne électorale à Jénine, en Cisjordanie, le 30 décembre 2004. (Crédit : AFP Photo/Awad Awad)

La gouvernance d’Abbas est très critiquée par les Palestiniens en raison de la corruption endémique qui sévit au sein de l’AP et de l’absence de tout progrès vers l’indépendance. Seulement 17 % des Palestiniens sont satisfaits de la présence d’Abbas et 80 % des Palestiniens souhaitent qu’ils présente sa démission, selon un sondage qui avait été réalisé au mois de juin.

Depuis l’accession au pouvoir du nouveau gouvernement, au mois de décembre, les membres ultra-nationalistes de la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu ont appelé au démantèlement de l’Autorité palestinienne.

Les experts, pour leur part, restent sceptiques sur l’impact de la visite d’Abbas à Jénine.

Pour Hugh Lovatt, chercheur au Conseil européen des relations internationales, cette visite du président palestinien, qui a quitté son fief de Ramallah à cette occasion, vise à « montrer que l’Autorité palestinienne contrôle Jénine ».

Mais elle aura un impact limité, « étant donné la crise de légitimité croissante à laquelle elle est confrontée et l’essor des groupes armés palestiniens », prédit-il.

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