Au tour de Cori Bush: Après la défaite de Jamaal Bowman, les donateurs pro-Israël se tournent vers le Missouri
Une campagne dirigée par l'AIPAC se concentre sur la nécessité d'évincer cette membre de la "Squad" qui se présente à sa réélection au Congrès - mais le succès reste loin d'être acquis
JTA WASHINGTON — Moins de deux jours après que l’AIPAC a dépensé la somme de 14 millions de dollars pour tenter – avec succès – d’évincer du Congrès le représentant Jamaam Bowman qui s’était porté candidat à sa réélection au Congrès dans un district de New York, l’organisation pro-israélienne a transmis un message à ses soutiens, désignant sa prochaine cible : Cori Bush.
« Mardi soir, la communauté pro-israélienne a aidé à garantir que le représentant anti-israélien Jamaal Bowman ne réintégrerait pas le Congrès l’année prochaine », a dit le message qui a été transmis par texto par l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) dans l’après-midi de jeudi, appelant ses soutiens à lui verser des fonds. « Avec vous, nous pourrons aussi aider à vaincre la représentante Cori Bush », qui est une autre membre de la « Brigade » [« Squad » en anglais est le surnom que Donald Trump avait donné à un gorupe de progressistes profondément anti-Israël].
Le temps presse, a ajouté l’AIPAC. « Nous avons une courte fenêtre d’action à exploiter ».
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Les Primaires, pour Bush, se tiendront le 6 août.
Bush, dont le district comprend St-Louis, a beaucoup en commun avec Bowman : tous les deux avaient vaincu une personnalité démocrate de premier plan en lice pour sa réélection lors des primaires de 2020 et tous les deux font partie de la « Squad » d’extrême-gauche au Congrès.
Tous les deux sont aussi des critiques d’Israël et ils ne dissimulent pas leur hostilité à l’encontre de l’État juif. Ils ont voté contre les enveloppes de financement d’urgence destinées à Israël, dans le contexte de la guerre contre le Hamas, et ils accusent l’armée israélienne de se livrer à un génocide à Gaza.
« Le rapporteur spécial des Nations unies vient tout juste de diffuser un rapport apportant des éléments de preuve très convaincants qui attestent d’un génocide à Gaza », avait écrit Bush sur X, le réseau social anciennement connu sous le nom de Twitter, au mois de mars. « Pendant ce temps, l’administration Biden a signalé qu’elle continuerait à armer le gouvernement israélien. Les mots vides de sens ne suffisent pas. Nous avons besoin d’un passage à l’acte. Cessez d’envoyer des bombes ».
Le 16 octobre, neuf jours après le pogrom commis par le Hamas sur le sol israélien, un assaut sanglant qui avait été à l’origine de la guerre – les hommes armés du groupe terroriste avaient tué près de 1 200 personnes et ils avaient enlevé 251 personnes, qui avaient été prises en otage dans la bande de Gaza – Bush avait présenté une résolution appelant à un cessez-le-feu immédiat.
Pour l’AIPAC et pour d’autres groupes pro-israéliens, la candidate est donc une cible de choix – ce qui a bénéficié à son rival, Wesley Bell, qui est procureur du comté de St. Louis. L’éviction de Bowman a enhardi les soutiens d’Israël, qui rêvent dorénavant de remporter une nouvelle victoire. Les partisans de Bush reconnaissent également que les courses de leur candidate et de Bowman se ressembleront de manière significative dans les jours à venir.
« C’est indubitable, ça va être plus dur mais c’est absolument gagnable », commente le président du groupe Democratic Majority for Israel, Mark Mellman en évoquant Bush. Son groupe a partagé des enquêtes d’opinion qui révélaient que Bell était très largement à la traîne derrière la candidate au mois de janvier, mais qu’il est dorénavant au coude à coude avec la représentante sortante.
« Il était à 17 points derrière elle avant que nous ne dépensions de l’argent, avant que qui que ce soit dépense des fonds significatifs et cette course est devenue serrée », ajoute Mellman, dont l’organisation a mis en place son propre PAC.
La course aux Primaires, dans ce district du Missouri, ne sera pas aussi onéreuse que celle qui avait eu lieu dans le district de Bowman, à New York – qui comprenait une grande partie du comté de Westchester et un petit morceau du Bronx. Le marché de la publicité coûte beaucoup moins cher dans le Missouri – mais les chiffres restent encore étonnants pour des Primaires au Congrès.
Selon le rapport le plus récent, Bell a levé 1,72 million de dollars et Bush, pour sa part, a collecté 1,57 million de dollars. L’United Democracy Project, le super-PAC lié à l’AIPAC, a promis, selon Politico, de verser une somme supplémentaire de 2,5 millions de dollars pour des publicités (les super PAC peuvent lever et dépenser des montants illimités mais ils ne peuvent pas se coordonner directement avec une campagne).
Bush avait anticipé l’initiative prise par l’AIPAC lors du lancement de sa campagne en vue de sa réélection, au mois de janvier.
« Ça s’appelle l’AIPAC », avait-elle dit à l’époque. « J’ai besoin que vous établissiez tous de manière très claire qu’ils tentent d’acheter ce siège ».
L’AIPAC collecte des financements « pour aider à évincer tous ceux qui ne sont pas à 100 % avec Israël, d’une manière qui revient finalement à dire qu’Israël restera supérieur à tout le reste », avait dit Bush lors de son tout premier rassemblement de campagne, selon la chaîne KSDK 5 News, une branche de NBC.
Le problème, pour la candidate, est que la campagne menée par l’AIPAC pourrait bien porter ses fruits – comme le révèlent les enquêtes d’opinion.
« Bush bénéficie encore d’une image favorable mais les évaluations qui sont faites d’elle et les évaluations de ses performances ont pris une orientation négative alors que l’image de Bell s’améliore, ce qui lui donne actuellement un avantage sous-jacent en termes d’image », estime une note du Mellman Group, le groupe de conseil affilié à l’organisation Democratic Majority For Israel. « Alors qu’il reste encore six semaines et que 11 % des électeurs n’ont pas encore pris de décision, ce scrutin peut encore prendre une direction ou une autre mais Bell jouit toutefois dorénavant d’un léger avantage ».
Il y a des différences essentielles entre la course menée par Bush et celle de Bowman : Bell est connu, mais il ne l’est pas autant que pouvait l’être dans son propre district George Latimer, le responsable du comté de Westchester qui l’a emporté face à Bowman.
Bowman avait aussi doublé la mise dans sa rhétorique anti-israélienne dans un district comptant près de 150 000 Juifs. Le district de Bush comprend un grand nombre des 60 000 membres de la communauté juive de St Louis – un chiffre qui se base sur des estimations. Ces électeurs n’ont toutefois guère d’influence particulière lors des scrutins.
Bell, un leader du mouvement progressiste chez les procureurs de justice, a également des problèmes que n’avait pas Latimer, déclare Matan Arad-Neeman, un porte-parole de l’organisation IfNotNow, un groupe juif non-sioniste qui s’oppose avec force à l’implication politique de l’AIPAC dans l’arène démocrate.
« Cori Bush est très populaire parmi les électeurs et elle se présente contre un candidat qui a géré la campagne d’un républicain extrémiste qui était contre l’avortement », note-t-il. Bell avait pris la tête de la campagne menée par un ami républicain en 2006 et un certain nombre de donateurs républicains soutiennent aujourd’hui Bell.
Arad-Neeman estime qu’il est « catastrophique » que les républicains puissent avoir une influence dans une Primaire démocrate – notamment en faisant des dons aux PAC qui sont affiliés à l’AIPAC. Il reconnaît que l’AIPAC tente dorénavant de renouveler son succès remporté à New York, cette fois dans le district de Bush.
« Cela devrait nous inquiéter tous que l’AIPAC utilise le même manuel à St. Louis, », s’exclame-t-il.
Bush a également ses vulnérabilités : Elle fait l’objet d’une enquête fédérale pour des paiements réalisés en direction de services privés de sécurité, notamment au bénéfice d’un garde du corps qu’elle a finalement épousé. Et elle a aussi voté contre le projet de loi historique sur le financement des infrastructures qui avait été avancé par Biden, en 2021. Les soutiens d’Israël avaient utilisé le fait que Bowman n’avait pas voté en faveur de cette législation pour s’attaquer à lui.
Comme Bowman, Bush a montré du doigt ses soutiens juifs lors d’événements de campagne pour rejeter l’accusation lancée par ses détracteurs qui affirment qu’elle ne représente pas la communauté.
« Vous avez entendu les Juifs de St Louis ici, ils comprennent que la membre du Congrès que je suis n’est pas antisémite », avait-elle dit lors de son événement de campagne du mois de janvier.
Mais comme Bowman, elle entretient des relations tendues avec une grande partie de la communauté locale. Elle avait été vertement réprimandée par de nombreux groupes juifs issus de tout le spectre religieux et politiques, au mois de novembre dernier, lorsqu’elle avait affirmé qu’Israël se livrait à une entreprise de nettoyage ethnique.
« Alors qu’il y a, dans cette lettre des organisations juives, des caractérisations qui sont injustes ou tout simplement mensongères, nous reconnaissons que nos voisins Juifs sont, à juste titre, effrayés dans ce contexte horrible de recrudescence de l’antisémitisme dans le monde entier », avait fait savoir son Bureau au St. Louis Jewish Light en réponse. (Bush a depuis refusé d’accorder un entretien au Jewish Light, même si pratiquement tout le lectorat du journal réside dans son district).
Maharat Rori Picker Neiss qui, jusqu’au mois de décembre, dirigeait le Jewish Community Relations Council de St. Louis, déclare que ce refus de venir à la rencontre des électeurs aura un coût.
« Tous les responsables politiques qui n’entretiennent pas une relation solide avec leurs électeurs affichent une vulnérabilité particulière dans l’exercice de leurs fonctions », note Any Picker Neiss au cours d’un entretien.
Et pourtant, continue Picker Neiss – qui travaille dorénavant pour le Jewish Council for Public Affairs – cela reste une bonne chose que les communautés juives continuent à dialoguer avec des représentants comme Bush.
« C’est toujours tentant de vouloir parler avec des gens avec qui nous sommes en accord, qui partagent le même point de vue que nous sur les problèmes », explique-t-elle. « Mais ce n’est pas nous qui décidons de la personne qui occupera tel ou tel poste ».
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