Barrie Kosky, l’Australien qui dynamise l’Opéra comique de Berlin
D'origine juive, le directeur a redonné vie à une institution démodée, notamment grâce à des pièces écrites par des compositeurs juifs - mais pas Wagner

L’Opéra comique de Berlin se taille un succès inédit depuis que son directeur, l’Australien Barrie Kosky, a décidé de remettre au goût du jour un répertoire oublié de l’entre-deux-guerres.
Ce natif de Melbourne, ouvertement gay et d’origine juive, a mis sens dessus dessous le monde de l’art lyrique de la capitale allemande depuis qu’il a pris la tête du « Komische Oper » il y a quatre ans.
La marque de fabrique de Barrie Kosky a notamment été de programmer d’obscures partitions écrites par exemple par des compositeurs juifs dans les années fiévreuses de la République de Weimar (1918-1933) plutôt que de se contenter de l’éternel contingent d’œuvres indémodables.
Dans cet univers de l’opérette qui fait figure de niche dans la niche qu’est déjà l’opéra, ils devaient être rares, les connaisseurs ayant déjà entendu parler du « Clivia » de Nico Dostal, d’ « Un Bal au Savoy » de Paul Abraham ou d’ « Une femme qui sait ce qu’elle veut » d’Oscar Straus, avant que M. Kosky ne les sorte du placard, récoltant critiques enthousiastes et salles combles.
« Avant que je ne débute ici, nous avons passé beaucoup de temps à réfléchir à ce qu’est cette maison et à ce que nous voulions qu’elle soit », a expliqué le directeur de l’Opéra comique de 49 ans, dans une interview à l’AFP. « Je ne souhaite pas que le travail mené ici puisse être aisément défini. Je souhaite que ce soit un endroit où toutes les catégories d’âge puissent vivre quelque chose ».
M. Kosky est réputé pour le côté subversif de ses mises en scène, qui vont du plus théâtral au plus minimaliste. « Je veux que ce soit la diversité qui définisse cette maison », dit-il, choisissant des productions « qui vont un soir être très exigeantes et, le soir suivant, divertissantes ».
« Je veux surprendre le public », dit-il.
« Moins cher qu’un concert de rock »
A Berlin, le Komische Oper a toujours eu tendance à jouer les seconds rôles, derrière ses deux frères : le Staatsoper installé à quelques centaines de mètres, sur la même artère d’Unter Den Linden, au coeur de Berlin, et le Deutsche Oper, situé dans l’ex-Berlin Ouest.
Et les amateurs d’opéra ont toujours eu tendance à jeter un regard condescendant sur cette institution créée en 1947 par le dramaturge et metteur en scène autrichien Walter Felsenstein, qui en assuma la destinée jusqu’à sa mort en 1975.
Mais M. Kosky est parvenu à en faire un endroit tendance et les spectateurs sont au rendez-vous : lors de la saison 2014/2015, 214 600 spectateurs ont assisté à 234 représentations, soit un taux de remplissage de 88 %, devant les deux autres scènes lyriques berlinoises.
Le succès est peut-être lié au désir de Kosky de sortir du registre élitiste.
Le directeur se réjouit d’ailleurs de voir que les généreuses subventions allemandes « permettent d’offrir des tickets à des prix ridiculement bas et abordables, ce qui détruit d’emblée tout argumentaire sur l’élitisme » de l’art lyrique.
« Vous pouvez voir un spectacle au Komische Oper pour 12 euros, c’est moins cher qu’un événement sportif ou un concert de rock. »
Barrie Kosky
« Vous pouvez voir un spectacle au Komische Oper pour 12 euros, c’est moins cher qu’un événement sportif ou un concert de rock », relève-t-il.
Wagner : sentiments ambivalents
M. Kosky a aussi pris conscience que les abonnements ne suffisaient plus pour faire fonctionner des institutions comme la sienne.
« Ce système est en train de mourir en même temps que ceux qui étaient abonnés : les jeunes ne veulent plus d’abonnements, ils veulent choisir les spectacles qu’ils arriveront à caser dans leurs agendas déjà bien occupés ».
Mais si le monde change, M. Kosky continue de croire à la puissance de l’opéra : « rien ne peut rivaliser avec la magie, la glorieuse alchimie liée à ce spectacle de la voix surgie du corps. Il y a quelque chose de primaire, de profondément ancré dans notre ADN ».
Parallèlement à son activité berlinoise, Barrie Kosky a été sollicité pour diriger l’an prochain une nouvelle mise en scène des « Maîtres chanteurs » de Richard Wagner au festival de Bayreuth, le Saint des Saints pour tous les passionnés du compositeur allemand.
Mais l’artiste aux racines juives – c’est sa grand-mère juive hongroise qui a insisté pour qu’il apprenne l’allemand, « la langue de la culture » – confesse sa relation compliquée avec le chef-d’oeuvre de Wagner qui lui inspire des « sentiments ambivalents ».
L’oeuvre évoque la supériorité de l’art germanique et était l’une des préférées d’Adolf Hitler, les nazis utilisant la partition à des fins de propagande.
Barrie Kosky est également très demandé à l’étranger – cinq productions rien que cette année.
Et quand il lui reste un moment de libre, il préfère oublier l’opéra et se réfugier dans un multiplexe de la Potsdamer Platz à Berlin… pour « regarder un horrible film hollywoodien ».
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