Belgique : le calvaire d’un couple israélo-chilien à Marchienne-au-Pont
Au milieu d'une ancienne ville minière en forme de friche industrielle précarisée, un couple juif subit un harcèlement antisémite violent depuis des mois
Une triste histoire se déroule en ce moment à Marchienne au Pont, petite ville belge minière rattachée à Charleroi, et à laquelle colle une triste réputation. Un couple juif subit des intimidations et agressions antisémites et se plaint de l’inactivité des autorités locales.
« Déjà Charleroi, c’est Chicago, décrit sans appel un juif Belge habitué du coin. Marchienne, c’est le Chicago du Chicago. Bruxelles a Moleenbech (considérée comme un foyer de l’islam radical), Charleroi a Marchienne au Pont ».
Et c’est au milieu de cette zone « à la présence abondante de fondamentalistes, » selon Eitan, 45 ans, que lui et sa femme, un couple israélo-chilien, sont venus s’installer en juillet 2016, devenant vraisemblablement le seul couple juif de la ville. Graffiti antisémite, menaces au couteau, coup de feu, intimidations, le couple explique vivre dans la crainte de sortir de chez eux.
Mais pourquoi Eitan Steinsapir (également connu sous le nom de BenYossef -« mon nom juif » affirme-t-il), et sa femme se sont-ils installés ici ?
« C’est un logement social que l’on nous a donné, » raconte Eitan, psychologue chilien de formation de manière un peu évasive.

Selon Eitan, qui s’exprime avec un fort accent hispanique, la police belge les soupçonne d’être des « espions israéliens ». « Ma femme à la nationalité israélienne et j’ai travaillé 5 ans en Israël. Alors ils se demandent ce que l’on fait ici à Marchienne ».
D’autant qu’Eitan explique avoir travaillé dans « la sécurité » en Israël. Des zones d’ombres qui alimentent les fantasmes. Eitan s’en excuse : « je ne peux en dire plus désolé ».
Nicole, 43 ans sa femme est diplômée en relations publiques et spécialisée dans le « protocole diplomatique ». Aujourd’hui elle a repris des études, dans les beaux-arts, et lui un doctorat de psychologie à l’Université libre de Bruxelles, raison de leur venue en Belgique.
Marchienne au Pont
En Belgique la ville de Marchienne porte un stigmate : celui d’une ex-ville minière ultra-précarisée.
Dans un article aux inflexions quasi-hugoliennes, la Fédération Inter Environnement de Wallonie décrit ce Germinal belge :
« Il n’y a toujours pas grand-chose à Marchienne, si ce n’est des centaines d’hectares pollués, d’énormes bazars industriels aussi fascinants qu’embarrassants, et un cortège de misère ».
La fédération écologiste décrit une ex-ville minière, au sous-sol jadis garant de la richesse du royaume belge, mais aujourd’hui parsemée « de mastodontes industriels pourrissant sur pieds et de quartiers déstructurés habités par une population précarisée (…), une terre de misère et de désolation, qui aujourd’hui peine à susciter autre chose de la part du grand public que de la pitié ».
Et au milieu, vivent Eitan et Nicole.
Du Chili à la Belgique en passant par Israël
« Au départ à Marchienne, personne ne nous connaissait, » se souvient l’énigmatique Eitan.
Fraîchement débarqués, lui et sa femme s’inscrivent au cours de français de l’Espace citoyen de la ville.
« Un jour lors des présentations, la professeure a indiqué que ma femme est Israélienne. Et puis, tout le monde l’a su ».
La presse belge et française s’est faite l’écho des agressions subites par le couple, qu’il nous confirme par téléphone.
Eitan a raconté sur le site d’information belge RTL, que le 9 octobre dernier, un homme qui les avait déjà agressés, a « soulevé sa veste et a pris un pistolet et l’a pointé directement vers ma femme » alors qu’ils le croisaient dans la rue en compagnie de leur fils.
Lundi 12 novembre, vers 3 heures du matin, un nouveau stade semble avoir été franchi, rapporte le journal belge La Province.

« Eitan est alerté par le bruit d’un véhicule faisant marche arrière devant leur habitation de la rue des Bateliers, à Marchienne-au-pont, » raconte le journal.
« J’ai entendu comme une détonation. J’ai regardé par la fenêtre et j’ai vu une Citroën noire ». Le lendemain, il trouve une douille devant sa maison.
Le couple dit avoir déjà subi d’autres agressions : notamment une menace au couteau et une tentative d’intrusion dans leur domicile.
Contactée, la mairie de Charleroi n’a pas donné suite à nos questions.
Eitan regrette que sa demande de port d’arme, malgré son expérience – « je suis tireur sportif depuis 20 ans »- a été refusée par la justice belge.
L’été dernier, déjà, sur le site d’un journal local, Nicole montrait sa mine inquiète et les plaintes déposées récemment au commissariat de police dont dépend la commune dite sensible de Marchienne au Pont.
Courant juillet 2018, le couple a même découvert une étoile de David barrée sur la porte de son appartement.

Eitan a installé une caméra en dehors de son domicile, qui surveille la rue. Sur des images qu’il nous a fait parvenir, et qui datent du 27 juillet 2018, on aperçoit deux jeunes hommes qui crient dans sa direction et qui lui lancent un projectile.
Nicole avoue être « sous le choc ». Elle raconte qu’un médecin lui a prescrit somnifères et anti-dépresseurs pour tenir le coup.
« J’ai des crises de panique », détaille Nicole qui aimerait déménager dans un quartier juif, mais qui tonne: « la police et les autorités ne nous protègent absolument pas, la violence est partout dans les rues de Marchienne et elle augmente de jour en jour. Nous avons apporté toutes les preuves et rien ne bouge ».
« Je n’ai pas peur, dit Eitan, mais pour ma femme, c’est dur ».
Aujourd’hui, il veut « faire justice pour les juifs de diaspora », considère presque cela comme une « mitsva »: « pour moi c’est ça le courage, si on ne s’en occupe pas, le problème ne sera jamais résolu ».
« Les Juifs ont le droit de vivre en paix ».
Aujourd’hui le couple n’a pas demandé à quitter Marchienne, car Eitan ne veut pas « fuir ».
Mais Joël Rubinfeld, président de la Ligue belge contre l’antisémitisme (LCBA) essaye selon Eitan, de leur trouver un logement dans un quartier juif de Bruxelles ou Anvers.
Le couple affirme qu’il accepterait cette solution.
La Belgique compte aujourd’hui autour de 42 000 juifs, mais proportionnellement moins d’attaques antisémites que la France.
« Il y a des actes antisémites en Belgique, mais la situation n’est pas tout à fait la même qu’en France », affirmait Philippe Markiewicz, le président du Consistoire belge au lendemain de l’assassinat de la survivante de la Shoah, Mireille Knoll. En France, les événements sont plus importants qu’en Belgique. Ceci étant, il y a toujours des actes antisémites en Belgique. Il faut dès lors rester vigilants et réagir ».
Le royaume belge a notamment été secoué par l’attentat du musée juif de Bruxelles en juin 2014, premier attentat commis par un djihadiste « revenant » de Syrie, jugé coupable au début mars 2019 et dont la défense a tenté de faire passer les deux victimes israéliennes pour deux agents du Mossad.
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