Belgique : Relents d’antisémitisme autour d’un conflit sur la pollution urbaine
Une raffinerie d'or située dans un quartier juif d'Anvers se dit victime de Juifs qui utilisent des arguments de santé pour mettre la main sur ses biens immobiliers
Un différend sur la pollution urbaine, dans la ville belge d’Anvers, a dégénéré en un maelström politique avec pour toile de fond l’or et des accusations de cupidité et d’antisémitisme.
La lutte, qui couve depuis plusieurs années, concerne la raffinerie d’or Value Trading, située au cœur d’un quartier fortement juif d’Anvers, fort de quelque 18 000 Juifs, la plupart haredi.
Face aux récentes manifestations des Juifs anversois contre la prétendue pollution occasionnée par la raffinerie, cette dernière a fait savoir que ces accusations et la campagne médiatique étaient une tentative de prise de contrôle des biens immobiliers de l’entreprise par des Juifs prétendument inquiets pour leur santé.
L’affaire, qui n’a pas manqué de susciter des accusations d’antisémitisme contre Value Trading, fait écho aux préoccupations des Juifs anversois sur la viabilité de leur communauté en raison de l’antisémitisme des Arabes et des nationalistes, ainsi que de l’interdiction de la pratique des coutumes juives par une coalition de xénophobes de droite et de libéraux qui donnent la priorité aux causes laïques plutôt qu’à la liberté de culte.
Les riverains estiment depuis des années que la pollution occasionnée par la raffinerie est à l’origine de problèmes de santé dans le quartier, allant de picotements dans les yeux à ce qu’ils qualifient de nombre anormal de cas de cancer chez les personnes vivant à proximité de la raffinerie. Value Trading a rejeté ces accusations, disant respecter strictement les règles de sécurité.
Cette semaine, des dizaines de femmes haredim ont manifesté devant l’hôtel de ville, avec l’appui de deux partis d’opposition de gauche et le parti de droite au pouvoir. Il s’agit de la toute première manifestation de Juifs anversois depuis des années, les dirigeants ayant toujours fait en sorte d’apaiser les heurts avec les autorités et avec la population non juive.
L’attention portée à l’affaire dans les médias belges a incité Value Trading à passer à l’offensive et lancer des accusations, avec des références à l’identité juive de ses opposants et à leur prétendue cupidité et malhonnêteté.
Un porte-parole de la raffinerie, Frederik Picard, a déclaré aux médias dans un communiqué : « Ces accusations incessantes et sans fondement nous font nous questionner sur la sincérité de l’inquiétude des riverains pour leur santé, et nous demander s’ils ne tentent pas sournoisement de racheter notre propriété, qui se trouve au cœur du quartier juif. » Il a ajouté : « Ce ne serait pas la première fois qu’ils harcèlent ou accusent une entreprise locale afin de racheter leur bien immobilier. »
Le Forum des organisations juives, principale organisation de coordination des Juifs de la Région flamande de Belgique, l’une des trois régions fédérales dont la principale ville est Anvers, a réagi mercredi par une déclaration étonnamment virulente, accusant Value Trading d’antisémitisme.
Value Trading tente de faire de la pollution un « problème juif », écrit le Forum. Le « discours antisémite de l’entreprise semble directement venu de l’Allemagne nazie des années 1930, pas de la Belgique de 2023, ce qui est proprement inacceptable », indique le communiqué.
Une majorité de membres du conseil municipal d’Anvers semble favorable à la mise en place d’une commission d’enquête chargée d’examiner les accusations de danger pour la santé, mais aucun vote n’a encore été programmé en la matière.
Philippe Scharf, co-président du Forum, a déclaré au Times of Israel : « Ce n’est pas une question strictement juive : de nombreux habitants non juifs d’Anvers sont préoccupés, tant par le risque de pollution que par les manifestations d’antisémitisme » qui l’entourent.
En 2019, deux des trois régions belges ont interdit l’abattage casher et halal des animaux, provoquant la fermeture de plusieurs boucheries casher. Par ailleurs, des médecins, associations médicales et militants belges ont fait pression pour interdire la circoncision non médicale des garçons.
Les médias belges, en particulier en Région flamande, sont fréquemment accusés d’encourager l’antisémitisme.
Les Juifs anversois, facilement reconnaissables, sont souvent la cible d’agressions antisémites, en particulier au moment des périodes de violence ou de tensions impliquant Israël.