Bennett en Egypte : rencontre tripartite avec Sissi et le prince héritier des EAU
Cette visite inopinée survient alors que Washington s'apprête à signer l'accord sur le nucléaire, une décision soutenue par Le Caire et Abu Dhabi, mais à laquelle Jérusalem s'oppose

Un responsable égyptien a indiqué au Times of Israël que le Premier ministre israélien Naftali Bennett et le dirigeant de facto des Emirats arabes unis, Mohammed ben Zayed Al-Nahyane, se sont rendus lundi en Egypte pour une première rencontre tripartite avec le président Abdel Fattah al-Sissi, selon des médias israéliens, confirmant une visite de Bennett à Charm el-Cheikh, qui n’a pas été annoncée.
M. Bennett a rencontré le président égyptien Abdel Fattah el-Sissi pour la première fois peu après son arrivée dans la ville, a indiqué le fonctionnaire. Le bureau du Premier ministre n’a pas encore fait de commentaire sur ce voyage.
De son côté, Bassam Radi, le porte-parole du président égyptien, a confirmé une rencontre à Charm al-Cheikh avec le prince héritier d’Abou Dhabi et dirigeant de facto des Emirats, Mohammed ben Zayed al-Nahyane, afin de discuter « des relations entre les deux pays ».
Cette rencontre avait été annoncée par WAM, l’agence de presse officielle des Emirats, qui avaient normalisé en 2020 leurs relations avec Israël et signé depuis de multiples accords commerciaux.
La visite actuelle intervient quelques jours après qu’Israël et l’Égypte ont convenu d’augmenter les vols directs entre les deux nations avec l’ouverture d’une nouvelle liaison entre l’aéroport Ben Gurion et Charm el-Cheikh, qui devrait débuter pendant la fête de Pessah. Cette annonce a été rapportée par les médias israéliens mais très peu mentionnée dans la presse égyptienne.

Ce voyage à Charm el-Cheikh est son deuxième depuis son entrée en fonction cet été. Le Premier ministre israélien a rencontré le président égyptien Abdel-Fatah el-Sissi dans la station balnéaire égyptienne en septembre. Il avait rencontré le prince héritier d’Abu Dhabi Sheikh Mohammed bin Zayed Al Nahyan en décembre, lors de la première visite d’un Premier ministre israélien dans un pays du Golfe.
Bin Zayed a également atterri à Charm el-Sheikh lundi, quelques jours après avoir accueilli le président syrien Bashar el-Assad – un geste sévèrement condamné par l’administration Biden, qui a jusqu’à présent résisté aux efforts d’un nombre croissant de dirigeants du Moyen-Orient pour normaliser le dictateur.
Le sommet trilatéral marquera le dernier développement des accords d’Abraham, qui ont vu Israël normaliser ses relations avec les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Maroc dans le cadre des accords de 2020 négociés par l’administration Trump. Si, jusqu’à présent, l’administration Biden n’a pas été en mesure d’étendre ces accords, elle s’est efforcée d’y associer l’Égypte et la Jordanie, qui avaient déjà des liens avec Israël.
Les accords de normalisation ont permis la solidification d’un bloc de pays du Moyen-Orient désireux de contrer l’influence de l’Iran dans la région. La réunion de lundi a pour toile de fond les négociations nucléaires entre l’Iran et les puissances mondiales à Vienne, dont on pense généralement qu’elles sont sur le point d’aboutir.
Israël et l’Égypte ont renforcé leurs liens diplomatiques au cours des dernières années. Les deux gouvernements partagent des intérêts sécuritaires dans la bande de Gaza – l’Égypte, comme Israël, considère les dirigeants du groupe terroriste du Hamas de l’enclave comme une menace sérieuse – ainsi que dans le Sinaï et en Méditerranée orientale.
L’accord sur le nucléaire iranien sera donc certainement à l’ordre du jour de Sharm el-Sheikh, Israël cherchant à renforcer la coordination avec ses alliés arabes sur cette question. Alors que Jérusalem s’oppose avec véhémence à un retour conjoint des États-Unis et de l’Iran à l’accord, Le Caire et Abou Dhabi sont considérés comme plus favorables à la relance de l’accord. Tous deux s’inquiètent du soutien apporté par l’Iran à ses mandataires dans la région, mais maintiennent que l’Iran est capable de se doter d’une bombe en l’absence de tout accord.
Toutefois, M. Bennett pourrait profiter du sommet pour rallier le soutien de l’Égypte et des Émirats arabes unis à sa campagne publique contre les plans américains visant à retirer le Corps des Gardiens de la Révolution islamique d’Iran de la liste des groupes terroristes.
Vendredi, M. Bennett et M. Lapid ont publié une déclaration commune exprimant leur inquiétude quant à cette décision potentielle, affirmant que « même maintenant, l’organisation terroriste IRGC tente d’assassiner certains Israéliens et Américains dans le monde entier. Malheureusement, on est toujours déterminé à signer l’accord nucléaire avec l’Iran à presque n’importe quel prix – y compris celui de dire que la plus grande organisation terroriste du monde n’est pas une organisation terroriste. Ce prix est trop élevé ».

En réponse, un responsable américain a déclaré au Times of Israël que les États-Unis sont « prêts à prendre des décisions difficiles pour ramener le programme nucléaire iranien dans les limites du JCPOA », sans nier que la radiation de l’IRGC était potentiellement sur la table.
L’Etat hébreu voit d’un mauvais œil un possible accord international sur le programme nucléaire de l’Iran, son ennemi numéro un, M. Bennett dénonçant une volonté de signer un accord « presque à n’importe quel prix ».
L’Iran et les Etats-Unis négocient depuis onze mois à Vienne pour relancer le texte conclu en 2015 entre Téhéran et les grandes puissances pour garantir qu’il n’y aurait jamais de bombe atomique iranienne.
L’accord est moribond depuis que les Américains l’ont quitté en 2018 et rétabli les sanctions asphyxiant l’économie iranienne, ce qui a poussé la République islamique à s’affranchir des restrictions-clés à son programme nucléaire.

Les Etats-Unis ont jugé mercredi dernier qu’un compromis était « proche », notamment après plusieurs signaux positifs, dont la libération de deux Irano-Britanniques retenus en Iran depuis plusieurs années.
Téhéran assure qu’il ne reste plus que « deux sujets » à régler avec Washington: les « garanties économiques », qui protégeraient le pays de sanctions internationales, et le contentieux sur les Gardiens de la Révolution. L’Iran demande leur retrait de la liste noire américaine, d’après une source proche du dossier.
L’équipe du Times of Israël a contribué à cet article.