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Opinion

Biden vante un accord saoudien ; Netanyahu voit toujours plus haut

En 2020, les Saoudiens avaient nié la venue du Premier ministre sur leur sol ; le prince est là aujourd'hui. Comment Netanyahu pense-t-il pouvoir résoudre le problème sans solution à la réalité politique actuelle ?

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Le président américain Joe Biden serrant la main du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lors de leur rencontre en marge de la 78e Assemblée générale des Nations unies, à New York, le 20 septembre 2023. (Crédit : AP Photo/ Susan Walsh)
Le président américain Joe Biden serrant la main du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lors de leur rencontre en marge de la 78e Assemblée générale des Nations unies, à New York, le 20 septembre 2023. (Crédit : AP Photo/ Susan Walsh)

Dès le début, il était évident que le président américain Joe Biden, qui a refusé de rencontrer le Premier ministre Benjamin Netanyahu pendant presque neuf mois, allait basculer en mode « Mon ami Bibi ».

Alors que les manifestants qui s’opposent au plan de refonte du système de la justice israélien actuellement avancé par le gouvernement se rassemblaient aux abords de l’Hôtel Intercontinental de New York City, pour avertir que le Premier ministre est bien déterminé à détruire la démocratie en foulant aux pieds l’indépendance du système judiciaire, Biden a accueilli Netanyahu mercredi avec un « bienvenue » qu’il a répété à quatre reprises suivie d’une invitation à la Maison Blanche « d’ici la fin de l’année ».

Le président avait déclaré, au mois de mars, que Netanyahu devait « abandonner » son projet très controversé de refonte radicale du système judiciaire. Et pourtant, le Premier ministre a fait adopter, au mois de juillet, la toute première législation entrant dans le cadre de ce paquet de réformes, interdisant aux tribunaux d’utiliser la notion juridique de « raisonnabilité » lors du réexamen des décisions gouvernementales et ministérielles. Et il a souligné encore lundi qu’il avait bien l’intention de faire approuver au Parlement le projet de loi qui est au cœur de la refonte judiciaire, qui restructurerait et politiserait le processus de nomination des juges en Israël – « une correction mineure« , a-t-il affirmé avec hypocrisie à Elon Musk.

Mais si Biden, dans ses propos publics, a rappelé à Netanyahu, qui se trouvait à ses côtés, la nécessité de défendre « les valeurs démocratiques qui sont au cœur de notre partenariat, notamment le principe de l’équilibre des pouvoirs », et que Netanyahu a répondu en promettant vaguement que l’attachement de l’État juif à l’égard de la démocratie « ne changera jamais », il est clair que la priorité du président américain n’était pas de haranguer publiquement Netanyahu sur le sujet.

Il a plutôt cherché à dire à Netanyahu – et au peuple d’Israël plus généralement – que le rêve de l’État juif moderne, son objectif de normaliser ses liens avec les autres pays de la région, avait commencé à se réaliser sous « les administrations précédentes » et qu’il pouvait encore aller de l’avant – comme le prouve, par exemple, le plan de « couloir » économique reliant l’Inde à l’Europe via, et c’est déterminant, l’Arabie saoudite et Israël, un plan dont l’existence vient d’être révélée. « Je pense que c’est quelque chose de très important et nous travaillons beaucoup là-dessus, ensemble », a noté Biden.

Et au cas où quelqu’un n’ait pas compris, il s’est montré encore plus explicite dans les paroles qui ont terminé son allocution : « Je souffre d’optimisme irlandais – c’est un oxymore. Si vous et moi avions parlé il y a dix ans de normalisation avec l’Arabie saoudite, je pense que nous nous serions regardés l’un l’autre en nous demandant : ‘Mais qu’est-ce qu’il a bu celui-là ?’. »

Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, à gauche, et le président américain Joe Biden, à droite, se serrant la main aux côtés du Premier ministre indien Narendra Modi le jour du sommet du G20, à New Delhi, en Inde, le 9 septembre 2023. (Crédit : Evelyn Hockstein/AP Photo /Pool)

En faisant appel au sens de l’héritage de Netanyahu – il a notamment invoqué le premier Premier ministre d’Israël, David Ben Gurion, à deux occasions – plutôt qu’à ses inquiétudes de survie politique à court-terme, le président a principalement présenté un choix au chef de gouvernement. Si les historiques Accords d’Abraham, négociés par l’administration Trump, avaient amené Netanyahu à préférer – avec réticence – la normalisation des liens avec les Émirats arabes unis, Bahreïn et plus tard, avec le Maroc à l’annexion des implantations et d’autres territoires de la Cisjordanie, le plan saoudien de Biden semble bien exiger du Premier ministre un renoncement à de futures législations liées au projet de refonte judiciaire, des concessions potentiellement déchirantes faites en direction des Palestiniens – avec la perte possible de sa coalition de la ligne dure en conséquence.

Le leader du parti d’extrême-droite Hatzionout HaDatit et ministre des Finances, Bezalel Smotrich, aurait déclaré récemment à Netanyahu qu’un accord de « paix pour la paix » conclu avec les Saoudiens serait suffisant – ce qui ne serait pas le cas, à ses yeux, d’un accord « de territoires pour la paix » qui impliquerait d’abandonner certaines zones de la Judée-Samarie biblique au profit des Palestiniens. Dans un courrier médiatisé mercredi dans la matinée, 12 membres du Likud, le propre parti de Netanyahu, ont fait part du même point de vue, insistant sur le fait qu’aucune concession ne pourrait être envisageable s’agissant de la Terre biblique d’Israël.

Et pourtant, Netanyahu a placé les attentes encore plus haut – le président le sachant sans doute, les éléments publics de telles rencontres étant généralement minutieusement coordonnés. Répondant à l’optimisme irlandais de Biden, il a déclaré avec effusion que « sous votre houlette, monsieur le président, nous pouvons forger une paix historique entre Israël et l’Arabie saoudite ».

Mais pas seulement cela.

« Je pense que cette paix ferait avant tout énormément pour mettre un terme au conflit opposant les Arabes à Israël, pour réconcilier le monde islamique et l’État juif et pour avancer vers une paix authentique entre Israël et les Palestiniens », a-t-il prédit. « C’est quelque chose qui est à notre portée. Je pense qu’en travaillant ensemble, nous pourrons écrire une nouvelle page de l’Histoire ».

Le texte intégral de l’entretien public entre Biden et Netanyahu à New York

Netanyahu a l’habitude de dire aux personnes qu’il rencontre ce qu’elles ont envie d’entendre, sans nécessairement donner suite et il se trouve à un carrefour excessivement délicat actuellement, que ce soit en Israël ou à l’international.

Il a très certainement dit ce que le président américain voulait entendre. Mais malgré cet enthousiasme affiché, il est très dur de croire que Netanyahu pourra résoudre un problème qui s’avère sans solution dans la réalité politique actuelle – mener Israël vers une paix avec une Arabie saoudite qui défend l’établissement d’un État palestinien en restant à la tête d’une coalition qui, en très grande majorité, s’oppose à toute concession substantielle à l’égard des Palestiniens, sans même parler de la solution à deux États.

Il est néanmoins possible qu’il pense pouvoir rassembler un gouvernement différent, avec les partis et les députés qui siègent actuellement dans l’opposition, en recourant ou en ne recourant pas à de nouvelles élections, s’il devenait évident que ses propos euphoriques sur l’avancée de la paix entre les Arabes et Israël et sur la réconciliation entre le monde islamique et les Israéliens sont, en effet, « à notre portée ».

Il peut aussi croire qu’il sera possible de convaincre Ryad de revoir à la baisse ou de différer ses demandes soumises au nom des Palestiniens.

En novembre 2020, Netanyahu et l’ancien chef du Mossad, Yossi Cohen, s’étaient envolés pour l’Arabie saoudite pour une réunion clandestine avec le prince héritier Mohammad ben Salman. Des informations sur ce déplacement avaient fuité et les officiels saoudiens les avaient confirmées. Mais le ministre saoudien des Affaires étrangères avait démenti avec véhémence que de tels entretiens avaient eu lieu.

Soulignant la coordination qui avait été manifestement en jeu il y a trois ans et en contraste, le même ben Salman a indiqué dans un entretien accordé peu après l’entrevue entre Biden et Netanyahu que « nous nous rapprochons chaque jour qui passe » de la normalisation des relations avec Israël.

Un analyste qui intervenait sur la Douzième chaîne israélienne, mercredi soir, a émis l’hypothèse que lorsque Biden a évoqué l’invitation de Netanyahu à Washington, d’ici la fin de l’année, le président ne pensait pas à un face à face dans le Bureau ovale mais à une cérémonie de signature « dans le jardin des roses ou sur la pelouse de la Maison Blanche. »

Le fait est que le président pourrait bien ne pas avoir beaucoup plus de temps à consacrer à une telle avancée, au vu des exigences qui seront celles de la prochaine campagne des élections présidentielles. Netanyahu est, lui aussi, pris par le temps, dans un pays en proie, par sa faute, à des divisions intérieures sans précédent et alors qu’il marche sur la corde raide, tentant de trouver un équilibre entre les diktats de ses partenaires de coalition, un ministre de la Justice implacable et une crise constitutionnelle potentielle – si la Cour devait rejeter la loi sur la notion de la « raisonnabilité » à un moment ou à un autre, entre aujourd’hui et l’échéance de la mi-janvier.

« Si vous et moi avions évoqué, il y dix ans, la normalisation avec l’Arabie saoudite… », a dit le président américain au Premier ministre israélien à New York, mercredi.

Indépendamment de là où cela nous mènera, même si c’est ambitieux et improbable, c’est pourtant très exactement ce que les deux hommes font aujourd’hui en public. Comme les Saoudiens le font.

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