Netanyahu promet une « correction mineure » aux conséquences dévastatrices
Le Premier ministre s'est montré ambigu sur la partie de la refonte qu'il considère comme "mauvaise", mais il est catégorique sur le fait qu'il changera la façon dont nous choisissons les juges
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Lors de sa conversation diffusée en direct lundi avec le PDG de X, Elon Musk, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a-t-il cherché à se distancier de l’ensemble du projet de loi de refonte judiciaire tel qu’il a été dévoilé par Yariv Levin le 4 janvier, moins d’une semaine après l’entrée en fonction de la coalition ? Ou bien a-t-il « seulement » rejeté une partie du projet, à savoir la législation qui permettrait à une majorité au sein de la coalition de déroger de manière préventive et/ou rétroactive à un arrêt de la Haute Cour invalidant une loi ?
Si les propos de Netanyahu sur le sujet, qui ont vraisemblablement été soigneusement préparés avant cette rencontre, vu qu’il devait certainement s’attendre à ce que Musk le questionne sur le sujet, étaient quelque peu ambigus, c’était sans aucun doute intentionnel. Il a cité certains aspects de la refonte qui semblaient directement liés à la « clause dérogatoire », sans toutefois nommer cette législation spécifique prévue, mais il a également semblé aborder le paquet de refonte dans son ensemble, en mentionnant notamment ses efforts pour parvenir à un consensus :
« Lorsque j’ai pris mes fonctions, une proposition a été faite, que j’ai jugée mauvaise, et qui consistait à remplacer un problème par un autre problème. Si la Cour peut statuer contre toute décision prise par le gouvernement ou le Parlement, on ne peut pas rectifier la situation en demandant au Parlement de rejeter, à la majorité simple, toute décision prise par la Cour. Je pense que c’est une erreur. C’est faire passer le pendule d’un côté à l’autre. Nous devons trouver un juste milieu. J’ai cherché à trouver ce juste milieu. Ayant la majorité au Parlement, à la Knesset, je peux faire passer n’importe quelle loi, mais je ne l’ai pas fait. Je me suis retenu parce que je veux qu’il y ait un consensus », a-t-il déclaré.
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Le message était apparemment si ambigu qu’il aurait même inquiété le ministre de la Justice Levin, le fer de lance de la refonte. Selon Amit Segal, un analyste politique bien connecté de la Douzième chaîne, un Levin consterné aurait téléphoné à Netanyahu aux États-Unis immédiatement après son entretien avec Musk, et à la suite duquel le Likud, le parti dont ils sont tous deux membres, se serait empressé de publier un communiqué déclarant que « le Premier ministre n’a pas du tout rejeté la refonte du système judiciaire. Lors de sa conversation avec Elon Musk, il ne faisait référence qu’à [son opposition à] une clause dérogatoire générale basée sur la majorité simple ».
Cependant, ce n’est pas la nature précise de ce que Netanyahu a dit ou voulu dire à ce sujet qui est importante ici. Une autre partie de sa conversation avec Musk, qui a été négligée, souligne l’importance de cette méprise.

La clause dite « dérogatoire » – que Netanyahu a publiquement soutenue le 8 janvier en disant à ses ministres qu’elle « devait » être incluse dans le paquet de lois, avant d’affirmer au Wall Street Journal, en juin, qu’il la rejetait, tout en continuant à assurer en privé ses ministres de son soutien indéfectible pour la loi sous une forme ou une autre – n’est qu’une des trois mesures distinctes et cruciales du paquet de lois de Levin visant à réduire en miettes l’indépendance des tribunaux et à les placer en substance sous la coupe de la majorité au pouvoir, donnant ainsi le champ libre à notre coalition intransigeante en la débarrassant de l’unique contrôle indépendant sur ses pouvoirs.
Outre la clause dérogatoire prévue, Levin a annoncé le 4 janvier que la coalition adopterait une loi stipulant qu’un panel élargi de juges de la Cour, et une « majorité spéciale » au sein de ce panel élargi, seraient nécessaires pour annuler toute loi ou décision gouvernementale – une mesure conçue pour réduire considérablement la probabilité d’une intervention de notre Cour suprême relativement diversifiée.
Et enfin, Levin a également promis que la coalition remanierait la commission de sélection des juges, dont la composition actuelle, a-t-il dit, permet à nos juges de s’auto-élire. Pour honorer cette promesse, une législation visant à restructurer la commission, en vertu de laquelle la coalition serait en mesure de nommer presque tous les juges de l’ensemble du système judiciaire, a été officiellement soumise à la Knesset en mars pour les votes finaux. Elle a ensuite été gelée, mais pourrait donc, en théorie, être adoptée dans les jours qui suivront la rentrée parlementaire le mois prochain, après les vacances d’été.

Les propos du Premier ministre Netanyahu sur le remaniement de la commission de sélection des juges sont passés largement inaperçus au milieu des débats et de la confusion sur ce que Netanyahu voulait dire lorsqu’il a parlé de la « mauvaise » proposition qui avait été « présentée » au tout début du mandat de son gouvernement. C’est pourtant le nerf central de la réforme, car si le gouvernement israélien sélectionne les juges israéliens, il n’aura plus guère besoin de clause « dérogatoire » ou de dispositions prévoyant que seules certaines majorités spéciales de magistrats sont en droit d’annuler une loi ; il aura les juges à sa botte.
Tout en réaffirmant qu’il souhaitait parvenir à un consensus sur la manière dont Israël nomme ses juges, Netanyahu n’a pas été ambigu en déclarant que le processus serait modifié, et en présentant son idée de correction mineure de manière peu convaincante. S’il ne parvient pas à trouver un terrain d’entente avec l’opposition, a-t-il déclaré, « je souhaite alors y parvenir avec le public – c’est-à-dire obtenir un consensus aussi large que possible pour une correction mineure, à savoir une correction sur la manière dont nous nommons les juges, parce que sinon vous savez, nous nous retrouvons avec 15 représentants non élus à bien des égards – qui sont tous, soit dit en passant, des gens doués, des gens bien, mais qui remplacent le gouvernement. Ils ne sont en fait pas élus mais ils décident de tout. Ce n’est pas vraiment démocratique ».
Netanyahu n’a pas précisé pour autant s’il entendait faire passer le projet de loi dans sa forme actuelle, et de nombreux articles ont été écrits sur les modifications possibles qui pourraient être apportées aux dispositions du texte, mais il n’a laissé aucun doute sur son engagement envers ce pilier central de la refonte.
Ses propos de mardi font écho à ceux qu’il a tenus lors d’une interview accordée à l’agence Bloomberg en août : « Et puis [j’ai] dit que j’allais une fois encore tenter de parvenir à un consensus dans les mois à venir. Sur quoi portera-t-il ? Il concernera probablement la composition de la commission chargée d’élire les magistrats… en gros, c’est tout ce qui reste à régler. Je pense que nous ne devrions pas légiférer sur d’autres points ».

Aussi surprenant que cela puisse paraître, il est tout à fait possible que Netanyahu, qui a nommé Levin au poste de ministre de la Justice et qui savait que son collègue du Likud travaillait depuis des années sur une législation destinée à réduire considérablement le pouvoir du système judiciaire dans l’équilibre délicat des pouvoirs en Israël, n’ait pas eu connaissance des détails du projet de refonte radicale que Levin s’apprêtait à dévoiler le 4 janvier. Il a défendu le plan avec vigueur après sa présentation. Il a radicalement sous-estimé la réaction indignée, généralisée et soutenue du public. Il essaie aujourd’hui désespérément de redorer son blason auprès de ce même public.
Mais à ce jour, il n’a pas limogé Levin – ni même tenu tête aux extrémistes de droite de sa coalition, notamment Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich – parce qu’il craint qu’ils ne partent et qu’ils ne fassent tomber son gouvernement.
Lors de sa visite aux États-Unis, Netanyahu a parlé à maintes reprises de son désir de parvenir à un consensus et s’est montré ambigu sur certains aspects du projet de refonte, mais il a néanmoins réitéré sa détermination à faire passer la législation principale, à savoir celle relative à la sélection des juges.
Entre-temps, en Israel, Levin, la force motrice inconditionnelle de ce processus ravageur, aurait déclaré lors d’une réunion des groupes de droite à la Knesset lundi que, comme il l’a répété à maintes reprises au cours des neuf derniers mois, son paquet de « réformes » serait adopté comme prévu. « Si quelqu’un pense que les réformes doivent être abandonnées, gelées ou annulées, cela ne fera qu’accroître la pression sur le gouvernement », a-t-il déclaré. « Même si nous ne parvenons à aucun accord [avec l’opposition], je n’ai aucunement l’intention d’annuler les réformes ».
L’Allemagne au tribunal
L’ambassadeur d’Allemagne en Israël, Steffen Seibert, s’est rendu à la Cour suprême la semaine dernière pour assister en personne à l’audience exceptionnelle réunissant 15 juges pour examiner les recours contre la loi sur le « caractère raisonnable » – la seule loi de la refonte adoptée à ce jour, qui empêche les tribunaux d’utiliser le critère juridique de « raisonnabilité » pour examiner et, au besoin, annuler les décisions du gouvernement et des ministres.

Parlant remarquablement bien l’hébreu après à peine un an en poste, Seibert a publié une vidéo sur X (anciennement connu sous le nom de Twitter) depuis la salle d’audience, titrée « The place to be this morning #Bagatz [the Supreme Court] » (L’endroit où il faut être ce matin #Bagatz [la Cour Suprême]). « Il me semble qu’il se passe ici quelque chose de très important pour la démocratie israélienne », a-t-il ajouté. « Et nous, qui sommes des amis d’Israël, nous suivons de près et avec beaucoup d’intérêt la Cour suprême. Et je voulais le voir de mes propres yeux ».
Le ministre des Affaires étrangères Eli Cohen, considérant apparemment cela comme un acte d’ingérence inacceptable dans les affaires intérieures israéliennes, a chargé un fonctionnaire du ministère de parler à Seibert et de lui transmettre les objections d’Israël, il a également demandé à l’ambassade d’Israël à Berlin de porter plainte auprès du ministère allemand des Affaires étrangères.
L’Allemagne a, bien entendu, soutenu son ambassadeur : « Suivre les développements politiques importants, y compris au niveau domestique, dans leurs pays d’accueil respectifs fait partie des responsabilités principales des diplomates », a déclaré l’Allemagne dans un communiqué de presse. « La visite à une audience publique de la Cour suprême d’un État partenaire, comme celle de l’ambassadeur Seibert, est un excellent exemple de cette pratique courante. »
Le chancelier allemand Olaf Scholz a lui aussi soutenu l’ambassadeur déclarant aux journalistes à New York – un jour avant sa rencontre hier soir avec Netanyahu – que Seibert « est un homme très engagé avec des principes très clairs. Et je crois que tout le monde le sait, même en Israël ».

En vérité, on ne sait plus où donner de la tête. Un représentant de l’un des alliés les plus solidaires d’Israël, avec son histoire très particulière, assiste en direct au fonctionnement de notre plus haute cour, au moment où nos juges, conformément aux principes glorieux de notre démocratie, examinent toute une série d’objections à une nouvelle loi et tentent de prendre la décision la plus sage concernant une législation qui affecte leur propre autorité. Et pour cela, il se fait réprimander par notre ministre des Affaires étrangères, pour avoir assister à l’audience et avoir publié sur X qu’il s’agissait de « quelque chose d’important » pour la démocratie israélienne ?
Pourquoi Cohen n’est-il pas fier que le monde entier soit témoin de la démocratie israélienne en pleine action ? Pourquoi trouve-t-il la présence et les propos de l’ambassadeur répréhensibles ? Dans quel genre d’Israël préfèrerait-il que l’ambassadeur, et le reste d’entre nous, vivent ?
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel