Blinken demande à Netanyahu de ne pas nuire aux civils dans les combats à Gaza
Alors que les combats font rage à Khan Younès, le secrétaire d'État américain, actuellement en Israël, accroît la pression sur Jérusalem pour que les civils de Gaza soient épargnés
Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël
Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a appelé mardi, depuis Tel Aviv, Israël à épargner les civils palestiniens dans sa guerre contre le groupe terroriste islamiste palestinien du Hamas dans la bande de Gaza.
Lors de sa cinquième visite officielle en Israël depuis le début de la guerre, Blinken a réaffirmé au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu « le soutien [américain] au droit d’Israël à empêcher une répétition des attaques du 7 octobre », tout en insistant sur « l’importance d’éviter plus d’atteintes aux civils et de protéger » les infrastructures civiles à Gaza, selon le département d’État.
Le plus haut diplomate américain a rencontré l’ensemble du cabinet de guerre israélien après un long tête-à-tête avec Netanyahu.
Blinken et Netanyahu ont discuté « des efforts en cours pour obtenir la libération de tous les otages restants et de l’importance d’accroître le niveau de l’aide humanitaire apportée aux civils à Gaza », selon le porte-parole du Département d’Etat Matthew Miller.
En outre, Blinken a souligné « la nécessité d’assurer une paix durable pour Israël et la région, et notamment la création d’un État palestinien ».
Signe possible de discorde au cours de la réunion, le cabinet du Premier ministre n’a pas publié de compte rendu, comme il le fait généralement.
Selon un reportage non sourcé de la Douzième chaîne, Washington soutient l’initiative de paix arabe que l’Arabie saoudite avait parrainée il y a plus de 20 ans comme cadre possible pour mettre fin à la guerre contre le Hamas à Gaza, ce qui renforce le discours de l’administration Biden sur l’État palestinien.
L’initiative de 2002 propose à Israël des liens normalisés avec l’ensemble du monde arabe une fois qu’il aura trouvé une solution à son conflit avec les Palestiniens, fondée sur la coexistence de deux États. Avant les attaques du Hamas du 7 octobre, Ryad avait mis de côté cet accord pour poursuivre des pourparlers de normalisation distincts avec Israël, sous l’égide des États-Unis. Il est largement supposé que les Saoudiens se préparent à l’éventualité d’une normalisation des relations avec Israël sans avoir obtenu au préalable la création d’un État palestinien.
Selon le reportage, l’administration Biden fait valoir qu’un tel accord serait dans l’intérêt des États-Unis, d’Israël et des pays de la région.
Selon ce reportage, Blinken a fait savoir aux Israéliens que les images et les séquences de la guerre à Gaza conduisaient à une « radicalisation » dans les pays du Moyen-Orient, et il pousse Israël à engager des pourparlers sur un accord diplomatique dans le nord, à accroître l’aide humanitaire à Gaza et à ouvrir un « horizon diplomatique » pour l’Autorité palestinienne (AP).
Mais les dirigeants israéliens ont une vision différente de la guerre à Gaza, du moins à court terme.
Lors d’un entretien avec Blinken, le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant a par ailleurs dit que les opérations de l’armée allaient s’intensifier dans la région de Khan Younès, et ce jusqu’à ce que les leaders du Hamas soit débusqués et tous les otages libérés.
Selon un compte-rendu de la réunion, Gallant a informé Blinken des développements de la guerre et a noté les « changements de tactiques de combat » d’Israël dans le nord de Gaza, où l’armée a réduit certains des combats maintenant qu’elle a atteint le contrôle opérationnel de la zone.
Gallant « a souligné que les opérations dans la région de Khan Younès s’intensifieront et se poursuivront jusqu’à ce que les dirigeants du Hamas soient débusqués et que les otages israéliens rentrent chez eux sains et saufs », indique le communiqué.
Accroître « la pression sur l’Iran est crucial » et « pourrait empêcher une escalade régionale » sur d’autres fronts, a dit mardi Gallant lors de sa rencontre avec Blinken.
Il a rappelé que la priorité absolue d’Israël était de permettre le retour des habitants dans le nord du pays, où les combats contre le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah se sont intensifiés, ravivant les craintes d’une conflagration plus large.
Le ministre d’extrême-droite de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a adressé un tweet en anglais au secrétaire d’État américain.
« Ce n’est pas le moment de parler gentiment avec le Hamas, c’est le moment d’utiliser le gros bâton », a-t-il écrit sur X.
Des circonstances extrêmement compliquées
En marge de ses entretiens avec les responsables israéliens, Blinken a rencontré dans l’après-midi des familles d’otages, réitérant les « efforts sans relâche pour les faire libérer ».
Lors d’un entretien mardi avec le président israélien Isaac Herzog, le secrétaire d’État américain a évoqué le « moment très difficile » que traverse Israël, tout en estimant que le pays avait des « chances réelles » d’intégration au Moyen-Orient avec ses voisins arabes.
Herzog a souligné qu’Israël faisait « tout son possible, dans des circonstances extrêmement compliquées sur le terrain, pour s’assurer qu’il n’y ait pas de conséquences involontaires et de victimes civiles ».
« Nous alertons, nous appelons, nous montrons, nous envoyons des tracts, nous utilisons tous les moyens que le droit international nous permet pour faire partir les gens, afin que nous puissions démanteler cette immense ville de terrorisme qui se trouve en dessous, dans les maisons, les salons et les chambres à coucher des gens, les mosquées et les magasins et les écoles », a affirmé Herzog.
Certaines familles d’otages de Gaza se sont rassemblées à l’extérieur de la réunion, exhortant l’administration du président américain Joe Biden à faire davantage pour libérer les otages.
Lors de sa rencontre avec Blinken, le ministre des Affaires étrangères, Israël Katz, a souligné que le retour des otages, le retour des Israéliens déplacés dans leurs communautés du sud et le rétablissement d’un sentiment de sécurité ne seraient possibles que dans la mesure où le Hamas serait vaincu et où le Hezbollah se retirerait de la zone frontalière au Liban.
De profondes tensions
Alors que les combats continuent de s’intensifier entre Israël et le Hezbollah le long de la frontière libanaise, des responsables américains ont tiré la sonnette d’alarme quant au risque d’élargissement de la guerre à Gaza.
« Nous vivons un moment de profonde tension dans la région. C’est un conflit qui pourrait aisément se métastaser causant encore plus d’insécurité et plus de souffrances », a averti Blinken dimanche au Qatar.
La Maison Blanche a également envoyé d’autres hauts fonctionnaires pour tenter de trouver un moyen diplomatique d’éviter une guerre totale entre Israël et le Hezbollah. Biden a dépêché l’envoyé spécial Amos Hochstein dans la région, alors que Washington intensifie son engagement diplomatique pour tenter d’apaiser les tensions entre Israël et le mandataire libanais de l’Iran.
Les attaques transfrontalières en provenance du Liban se poursuivent depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza, le 7 octobre, lorsque des milliers de terroristes ont fait irruption en Israël depuis Gaza, tuant 1 200 personnes et en enlevant plus de 240, pour la plupart des civils.
L’administration Biden souhaite également que les combats dans la bande de Gaza cessent et que la situation humanitaire s’améliore de manière significative.
Biden étant à la traîne par rapport à son probable adversaire Donald Trump dans les sondages en vue de l’élection présidentielle de cette année, la nécessité de dépasser les scènes de destruction à Gaza revêt un caractère d’urgence supplémentaire à Washington. Pour gagner en novembre, Biden devra consolider le soutien des progressistes, qui ont vivement critiqué son ferme soutien à Israël dans ses efforts pour éliminer le Hamas.
Face à des manifestants d’extrême-gauche appelant à un cessez-le-feu, Biden a affirmé lors d’un discours dans une église de Caroline du Sud qu’il « travaillait discrètement avec le gouvernement israélien pour l’amener à réduire et à se retirer de manière significative de Gaza ».
Le porte-parole de l’armée israélienne, Daniel Hagari, a déclaré lundi au New York Times que Tsahal a entamé une nouvelle phase, moins intensive, de la guerre contre le Hamas, avec moins de troupes au sol et de frappes aériennes.
Un haut fonctionnaire américain a déclaré mardi à CNN que Blinken comptait se concentrer sur le projet d’Israël de passer à la troisième phase. Il a ajouté que le secrétaire d’État américain et son équipe insisteraient auprès des dirigeants israéliens pour que le passage à la phase suivante soit « imminent », ce qui permettrait de réduire l’intensité des combats et d’envisager le retour des Gazaouis chez eux, dans la partie nord de la bande de Gaza.
Blinken, qui se trouve dans la région pour une semaine de déplacements diplomatiques, a indiqué aux journalistes en Arabie saoudite lundi – avant d’arriver dans l’État juif dans la soirée – qu’il avait rencontré au Moyen-Orient des dirigeants déterminés à empêcher le conflit entre Israël et le Hamas de s’étendre et que tous ses interlocuteurs se rendaient compte de l’ampleur des défis à relever.
Mais « personne ne pense que quoi que ce soit puisse se produire du jour au lendemain », a-t-il ajouté.
L’AFP, Emanuel Fabian et Jacob Magid ont contribué à cet article.