Israël en guerre - Jour 492

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Bordure protectrice : le brûlant rapport critique Netanyahu, Yaalon et Gantz sur l’échec des tunnels

Les conclusions très attendues du rapport confirment que l’armée n’était pas préparée aux tunnels, et que le Premier ministre n’a pas informé correctement le cabinet de sécurité

Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.

Benjamin Netanyahu, Premier ministre, Moshe Yaalon, alors ministre de la Défense, et Benny Gantz, alors chef d'Etat-major Benny Gantz, à Jérusalem, le 27 août 2014. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Benjamin Netanyahu, Premier ministre, Moshe Yaalon, alors ministre de la Défense, et Benny Gantz, alors chef d'Etat-major Benny Gantz, à Jérusalem, le 27 août 2014. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Le contrôleur de l’Etat d’Israël a pris à partie les dirigeants militaires et politiques du pays pour leur échec à se préparer correctement à la menace des tunnels avant la guerre de 2014 contre le Hamas dans la bande de Gaza, dans deux rapports très attendus et très critiques publiés mardi.

Les rapports ont montré d’importants échecs des renseignements militaires dans la préparation de la guerre, ainsi qu’une absence de plans opérationnels clairement définis sur les moyens de destruction des tunnels, ce qui a pu entraîner, selon le rapport, des morts inutiles de soldats israéliens pendant le conflit de 50 jours.

Le bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahu porte la plus grosse part des critiques du contrôleur de l’Etat, Yossef Shapira, en raison de son échec à informer suffisamment les membres du cabinet de sécurité de la menace souterraine.

Même si les rapports n’ont été publiés que mardi, la plupart des critiques qu’ils contiennent avaient déjà été rapportées depuis des mois, alors que différentes versions du document brûlant circulaient parmi les politiciens et les responsables militaires concernés, et étaient divulguées, dès le mois de mai 2016.

L’un des rapports porte sur la performance du gouvernement et de l’armée pendant le conflit, l’opération Bordure protectrice, et sur son niveau de préparation générale, avec une attention particulière portée aux tunnels du Hamas et aux préparations laxistes d’Israël pour affronter cette menace. Le second rapport, plus court, ne traite que de la menace des tunnels, mais de manière bien plus détaillée.

L'entrée d'un tunnel découvert à Gaza pendant l'opération Bordure protectrice, le 18 juillet 2014. (Crédit : armée israélienne)
L’entrée d’un tunnel découvert à Gaza pendant l’opération Bordure protectrice, le 18 juillet 2014. (Crédit : armée israélienne)

Le rapport le plus général ne traite pas du manque de stratégie générale présumé du gouvernement à l’égard de la bande de Gaza. Le Hamas, le groupe terroriste qui règne sur l’enclave palestinienne, est l’ennemi d’Israël, et l’Etat juif a vu approcher rapidement la crise humanitaire de la bande de Gaza. Et pourtant, aucune solution complète au problème n’a été proposée par le gouvernement à l’époque, ni dans les années qui ont suivi.

« Israël n’a pas de stratégie vis-à-vis des Palestiniens en général, ou de Gaza en particulier »
Tzipi Livni

« Israël n’a pas de stratégie vis-à-vis des Palestiniens en général, ou de Gaza en particulier », a déclaré lundi la députée de l’Union sioniste Tzipi Livni, qui était alors ministre de la Justice pendant la guerre. « Nous n’avons pas à conclure un accord avec le Hamas, mais à rassembler le monde contre le Hamas pour qu’Israël ait la légitimité d’agir contre les tunnels dans toute opération future. »

Le conflit de 50 jours avait commencé le 7 juillet 2014, peu après l’opération Gardien de nos frères, une vaste opération de contre-terrorisme en Cisjordanie qui avait été déclenchée par l’enlèvement et le meurtre de trois adolescents israéliens par des terroristes du Hamas, le 12 juin 2014.

Alors que les troupes israéliennes regroupaient des centaines de terroristes présumés, la plupart d’entre eux affiliés au Hamas, le groupe gazaoui a commencé à tirer des dizaines de roquettes contre les communes du sud d’Israël en représailles. Le Hamas, à l’époque, était aussi en pleine crise de financement, car l’Autorité palestinienne avait gelé le paiement de dizaines de milliers de ses employés.

Les trois adolescents disparus près de Hébron le 12 juin 2014 : Eyal Yifrach, Gilad Shaar et Naftali Frenkel. (Crédit : autorisation)
Les trois adolescents disparus près de Hébron le 12 juin 2014 : Eyal Yifrach, Gilad Shaar et Naftali Frenkel. (Crédit : autorisation)

L’armée avait répondu à ces roquettes avec des frappes limitées sur les sites de lancement, les caches d’armes et les ouvertures de tunnels.

Après la découverte des corps des trois adolescents au nord de Hébron le 30 juin (confirmant qu’ils avaient été tués dans les heures qui ont suivi leur enlèvement), les roquettes avaient continué à pleuvoir sur le sud d’Israël, et l’armée avait tourné son attention de la Cisjordanie à la bande de Gaza.

Le 7 juillet, le cabinet avait approuvé une opération à Gaza. Dans les dix jours suivant, cette opération, qui avait commencé comme une réponse aux roquettes, était devenue une mission de démolition des tunnels alors que la gravité de la menace qu’ils posaient devenait évidente.

Le 26 août 2014, à la fin de la guerre, l’armée israélienne avait visé plus de 30 tunnels, dont 14 entraient en Israël. Au total, 73 personnes, 67 soldats et six civils, ont été tués côté israélien. A Gaza, plus de 2 000 personnes sont mortes. Israël estime que 50 % d’entre elles étaient des civils, et les Palestiniens placent cette estimation à 70 %. Israël a affirmé que l’importante proportion de civils gazaouis tués était due au Hamas, qui a directement intégré son infrastructure militaire, notamment l’entrée de ses tunnels et ses lanceurs de roquettes, dans les quartiers résidentiels.

Dans les ténèbres des tunnels

Bien que la destruction des tunnels soit devenue un objectif central de la campagne, le contrôleur accuse le Premier ministre Benjamin Netanyahu d’avoir laissé les ministres dans le noir sur la menace souterraine avant la guerre, et de n’en avoir parlé sérieusement au cabinet qu’après le début de l’opération.

Netanyahu, pour sa part, a démenti cette accusation, affirmant que le sujet des infrastructures d’attaque souterraines du Hamas avait en fait été présenté comme une menace stratégique au cabinet.

Yossef Shapira, contrôleur de l'Etat, pendant la présentation d'un rapport de son bureau à la Knesset, le 1er novembre 2016. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Yossef Shapira, contrôleur de l’Etat, pendant la présentation d’un rapport de son bureau à la Knesset, le 1er novembre 2016. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Répondant à une première version du rapport, le bureau du Premier ministre a fourni huit dates, à partir de novembre 2013, où le sujet des tunnels a été abordé au cabinet. Shapira a cependant conclu que ces discussions avaient été sommaires et superficielles, et ne présentaient pas toute l’étendue du risque posé par les tunnels.

Le rapport sur la menace des tunnels accuse également Netanyahu et Moshe Yaalon, alors ministre de la Défense, d’avoir mis en danger les Israéliens vivant près de la bande de Gaza en cessant les financements gouvernementaux destinés aux équipes de sécurité locales, et en retirant les soldats qui étaient déployés devant leurs communes dans les 18 mois qui ont précédé l’opération.

Bien que Netanyahu soit particulièrement critiqué par le rapport, il n’est pas la seule personnalité visée. Le Conseil de sécurité nationale, le cabinet de sécurité, Yaalon, et l’armée israélienne sont également impliqués.

Yossi Cohen devant la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, le 2 septembre 2014. (Crédit : Noam Revkin Fenton/Flash90)
Yossi Cohen devant la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, le 2 septembre 2014. (Crédit : Noam Revkin Fenton/Flash90)

Le Conseil de sécurité nationale, connu en hébreu par son acronyme Malal, était à l’époque dirigé par Yossi Cohen, qui dirige à présent le Mossad. Le rapport conclut qu’il n’aurait pas rempli l’un de ses devoirs cruciaux : fournir au cabinet une diversité d’opinions et de potentielles mesures au-delà de ce qui est proposé par les services militaires et sécuritaires.

Le Premier ministre fixe régulièrement l’agenda des réunions du cabinet de sécurité, le cercle des ministres les plus importants, qui ont lieu si nécessaire. Cependant, le Malal est lui aussi autorisé à aborder des sujets pendant ces réunions, ce qu’il n’a pas fait au sujet des tunnels, selon le rapport.

Le cabinet de sécurité, qui doit fonctionner comme une institution de conseil pour le Premier ministre, a été accusé de n’avoir pas rempli ce rôle. Selon un ancien ministre du cabinet qui s’exprimait sous condition d’anonymat, les ministres ont agi comme un « coup de tampon » symbolique – le cabinet n’a pas de réel pouvoir d’approbation – et ont accepté les plans qui leur étaient présentés par l’armée.

Bien que le cabinet ait à l’époque eu l’impression d’être sérieusement impliqué dans l’effort de guerre, l’ancien ministre anonyme a déclaré que, avec le recul, il avait réalisé à quel point il avait en fait exercé peu de pouvoir et d’influence.

Bennett vs. Yaalon

Pendant tous les combats de l’opération Bordure protectrice, et dans les deux années et demie qui ont suivi, le ministre de l’Education Naftali Bennett, membre du cabinet de sécurité, a ouvertement critiqué la manière dont Netanyahu, Yaalon et Benny Gantz, alors chef d’Etat-major de Tsahal, avaient géré le conflit.

Ces trois hommes et, plus récemment, Avigdor Liberman, le successeur de Yaalon au ministère de la Défense, ont accusé Bennett de « jouer politiquement » avec les discussions de sécurité nationale, l’accusant de manière à peine voilée d’avoir divulgué des informations sur les réunions du cabinet.

Moshe Yaalon, alors ministre de la Défense, en visite au Dôme de Fer, le 25 juillet 2014. (Crédit : Ariel Hermoni/ministère de la Défense/Flash90)
Moshe Yaalon, alors ministre de la Défense, en visite au Dôme de Fer, le 25 juillet 2014. (Crédit : Ariel Hermoni/ministère de la Défense/Flash90)

« Il y a ceux qui divulguent, et ceux qui combattent », a déclaré Yaalon cette semaine pendant une parade préventive des critiques du rapport. Il s’agit d’une référence claire à Bennett.

Le mois dernier, Bennett, qui préside le parti de droite HaBayit HaYehudi et était ministre de l’Economie pendant la guerre, a déclaré que le rapport serait un « tremblement de terre » qui révèlerait les échecs des dirigeants du pays pendant le conflit.

Yaalon avait répliqué le lendemain, faisant référence à Bennett (sans le citer nommément) comme au « ministre des fuites » et l’accusant d’avoir renforcé le Hamas en affirmant qu’Israël n’avait pas gagné le conflit de 2014.

Bennett, pour sa part, s’est décrit comme Cassandre, seul à mettre en garde contre la menace imminente des tunnels du Hamas à des ministres qui refusaient de l’entendre.

Selon le rapport et d’anciens membres du cabinet, la version de Bennett est correcte, mais en partie seulement.

Naftali Bennett à la frontière entre Israël et la bande de Gaza au deuxième jour de l'opération Bordure protectrice, le 9 juillet 2014. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Naftali Bennett à la frontière entre Israël et la bande de Gaza au deuxième jour de l’opération Bordure protectrice, le 9 juillet 2014. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Avant le début du conflit, le 2 juillet 2014, Bennett a demandé que l’armée présente des plans pour démolir les tunnels. Dans les premiers jours du conflit, il a appelé à une action plus agressive, en insistant sur la destruction de l’infrastructure souterraine du Hamas.

Le 27 juillet, Bennett réprimande Gantz alors qu’il parle devant le cabinet, lui disant que les dirigeants militaires devraient être comme des « chevaux au galop » qui doivent être freinés par le gouvernement, pas des « bisons paresseux » qui doivent être aiguillonnés pour passer à l’action.

Il s’est également rendu sur les bases de l’armée israélienne proches de la bande de Gaza et a parlé avec des officiers sur le terrain, apprenant d’eux des informations sur les tunnels. Pour cela, Bennett a été critiqué par le cabinet. Ministre de la Défense, Yaalon l’a fustigé pour avoir tenté de subvertir son autorité. Yair Lapid, à l’époque ministre des Finances, l’a accusé de « jouer avec les généraux », selon des transcriptions des réunions du cabinet publiées par le quotidien Yedioth Ahronoth.

Les demandes répétées de Bennett pour que l’armée se concentre sur les tunnels ont été repoussées dans les réunions du cabinet, comme les demandes de Liberman, alors ministre des Affaires étrangères, pour que l’armée conquiert totalement la bande de Gaza.

D’anciens membres du cabinet ont confirmé que des déclarations de Liberman ont été totalement ignorées pendant les réunions.

Plusieurs anciens ministres contestent l’affirmation de Bennett selon laquelle il aurait découvert lui-même la menace des tunnels.

La députée de l'Union sioniste Tzipi Livni pose une question au Premier ministre Benjamin Netanyahu pendant l'heure des questions parlementaires, le 18 juillet 2016. (Crédit : Hadas Parush/Flash90)
La députée de l’Union sioniste Tzipi Livni pose une question au Premier ministre Benjamin Netanyahu pendant l’heure des questions parlementaires, le 18 juillet 2016. (Crédit : Hadas Parush/Flash90)

Livni, ancienne ministre de la Justice, s’étouffe à cette idée.

« Personne n’a ‘révélé à quiconque qu’il y avait des tunnels’, a déclaré Livni au Times of Israël. C’était connu de tous ceux qui étaient impliqués que le Hamas creusait des tunnels à Gaza ; c’est comme ça que Gilad Shalit a été capturé. »

Huit ans avant Bordure protectrice, Shalit, soldat franco-israélien, a été enlevé dans la bande de Gaza par l’un de ces tunnels, après que des agents du Hamas ont tué trois de ses coéquipiers dans une attaque surprise près de la frontière.

En ce qui concerne les tunnels transfrontaliers visés par l’armée israélienne pendant la campagne, même si le cabinet n’a pas reçu d’information à leur sujet avant que l’opération ne soit déjà en cours, l’armée israélienne, le Shin Bet et d’autres services de sécurité savaient qu’ils existaient et la menace qu’ils posaient, a déclaré Livni. La décision de ne pas les cibler initialement a été délibérée et tactique, pas causée par l’ignorance de leur existence.

« Ce n’est pas que l’Etat d’Israël ne savait pas, mais que le cabinet ne savait pas », a déclaré l’ancienne membre du cabinet de sécurité.

Les ministres n’ont pas été empêchés de s’informer d’eux-mêmes sur la menace des tunnels, indépendamment des réunions du cabinet. Mais, finalement, a conclu le rapport, le Conseil à la sécurité nationale est responsable de la préparation des ministres, une pratique qui est apparemment devenue plus fréquente depuis la guerre de 2014.

Comment prendre les tunnels

En 2014, les tunnels d’attaques du Hamas étaient bien connus de l’armée israélienne. L’armée égyptienne avait depuis des mois commencé à démolir les tunnels de contrebande reliant la péninsule du Sinaï à la bande de Gaza. Les tunnels étaient cités dans les médias, et en public par les politiciens.

Le général de brigade Michael Edelstein, commandant de la division de Gaza, dans un tunnel d'attaque du Hamas découvert en octobre 2013. (Crédit : Mitch Ginsburg/Times of Israël)
Le général de brigade Michael Edelstein, commandant de la division de Gaza, dans un tunnel d’attaque du Hamas découvert en octobre 2013. (Crédit : Mitch Ginsburg/Times of Israël)

Deux de ces tunnels transfrontaliers avaient été découverts et détruits en octobre 2013, une information largement couverte par la presse israélienne et internationale. L’armée avait même invité des journalistes et des stars de Hollywood à visiter les tunnels du Hamas. Un troisième tunnel avait été découvert en janvier 2014 également.

Les troupes avaient également trouvé un tunnel du Hamas avant l’opération de 2012 dans la bande de Gaza, l’opération Pilier de défense.

Et pourtant, selon le rapport, l’armée n’avait pas formulé de directives claires pour expliquer comment découvrir et détruire de tels tunnels en temps de guerre. La procédure a en fait été créée sur le coup, pendant Bordure protectrice.

Les tentatives de destruction de tunnels improvisées de l’armée ont été jugées « problématiques » par le rapport.

Malgré l’objection initiale de Yaalon et la connaissance totale que cette mesure ne serait que partiellement efficace, l’armée a commencé à mener des frappes aériennes contre les bouches des tunnels dans la bande de Gaza le 7 juillet 2014.

Selon le rapport, l’évaluation des dirigeants militaires et politiques de l’utilité des frappes aériennes sur les tunnels était mélangée pendant l’opération. Bennett et le général de division Sami Turgeman, qui dirigeait alors le Commandement du Sud, étaient opposés aux bombardements aériens, tandis que d’autres voyaient la tactique comme ayant des avantages et des inconvénients. Netanyahu a déclaré qu’il n’était pas sûr et a suivi les conseils de son chef d’Etat-major et de son ministre de la Défense.

Le général de division Sami Turgeman, au centre, et Benny Gantz, alors chef d'Etat-major de Tsahal, pendant l'opération Bordure protectrice, le 2 août 2014 (Crédit : unité des porte-paroles de l'armée israélienne)
Le général de division Sami Turgeman, au centre, et Benny Gantz, alors chef d’Etat-major de Tsahal, pendant l’opération Bordure protectrice, le 2 août 2014 (Crédit : unité des porte-paroles de l’armée israélienne)

Yaalon a déclaré qu’il était opposé aux frappes aériennes le 30 juin 2014, mais a ensuite ré-envisagé cette possibilité et a approuvé de telles opérations une semaine après. Cibler les tunnels depuis le ciel permettait aux militaires d’au moins partiellement « éliminer » les capacités du Hamas sans risquer gravement de vies israéliennes, a-t-il dit au contrôleur après la guerre.

« J’ai préféré essayer et bloquer deux ou trois attaques terroristes des tunnels plutôt que de perdre 67 soldats », a-t-il déclaré en mars 2015.

Ces bombardements aériens ont cependant rendu l’entrée des soldats et la démolition totale des tunnels plus difficiles pendant l’opération terrestre, puisque leur entrée était obstruée par des gravats, a déclaré Gantz pendant une réunion du cabinet le 8 août 2014.

« Si nous n’avions pas attaqué les [tunnels ; …], cela aurait raccourci le temps [nécessaire à les démolir totalement », a-t-il déclaré.

Les soldats d'infanterie sur le terrain pendant l'opération Bordure protectrice, le 20 juillet 2014. (Crédit : unité des porte-paroles de l'armée israélienne/Flickr)
Les soldats d’infanterie sur le terrain pendant l’opération Bordure protectrice, le 20 juillet 2014. (Crédit : unité des porte-paroles de l’armée israélienne/Flickr)

Le rapport ne relie pas ces retards à la mort d’un seul soldat, même si le temps supplémentaire passé à un emplacement, à garder l’ouverture d’un tunnel, a probablement accru les chances d’attaques par des combattants palestiniens.

Une enquête militaire interne, qui a été divulguée en fin d’année dernière, a également souligné que l’armée, notamment le corps du génie, n’était pas préparée à affronter l’infrastructure souterraine du Hamas pendant les combats.

Qui savait quoi, et quand ?

Avec la publication des rapports, les conflits entre députés israéliens sur ce que le cabinet savait sur les tunnels, et depuis quand, vont probablement croître, tout comme les discussions sur ce que l’armée savait du réseau souterrain du Hamas et, plus important, sur ce qu’elle ne savait pas.

Le 26 novembre 2013, environ un mois et demi après la découverte de deux tunnels transfrontaliers, le général de division Aviv Kochavi, qui dirigeait alors les renseignements militaires, était censé informer le cabinet de « la menace des tunnels d’une manière qui montrerait sa signification et sa gravité », selon le rapport. Ceci ne s’est pas produit, pour une raison non précisée.

Cependant, immédiatement avant et pendant le conflit, le sujet des tunnels a été abordé à plusieurs reprises dans les réunions du cabinet.

Un membre de la branche armée du Jihad islamique palestinien, les brigades Al-Quds, dans un tunnel de la bande de Gaza, le 3 mars 2015.  (Crédit : Mahmud Hams/AFP)
Un membre de la branche armée du Jihad islamique palestinien, les brigades Al-Quds, dans un tunnel de la bande de Gaza, le 3 mars 2015. (Crédit : Mahmud Hams/AFP)

Le 1er juillet, Yaalon a dit au cabinet qu’il pensait que le Hamas ne ferait pas un usage intensif de ses tunnels d’attaque, et qu’il les garderait plutôt pour frapper à un moment plus opportun.

« Le Hamas n’a aucune intention d’activer ses tunnels de sa propre initiative, a dit Yaalon aux ministres. Nous devons nous préoccuper de ne pas faire d’erreurs de calculs. »

Une fois l’opération commencée, le Hamas a en effet utilisé ses tunnels transfrontaliers à quatre reprises. (Il y a également eu d’autres incidents pendant lesquels le groupe terroriste a utilisé son infrastructure souterraine au sein de la bande de Gaza, notamment pendant la capture du corps du lieutenant Hadar Goldin.)

Une de ces attaques, le 17 juillet 2014, a impliqué une dizaine de combattants du Hamas qui sont entrés en Israël près du poste-frontière de Kerem Shalom, dans le sud de la bande de Gaza. L’incursion a été empêchée par les troupes israéliennes, mais a servi de catalyseur à l’invasion terrestre de l’armée, qui a commencé cette nuit là.

Les trois autres cas impliquaient de plus petites équipes du Hamas, qui ont réalisé des attaques très rapides, l’une avec des armes à feu classiques, et les deux autres avec des missiles anti-tanks. Ces attaques peuvent être vues comme un certain succès du Hamas, car elles ont malheureusement entraîné la mort de 11 soldats israéliens.

Elles ne représentaient pas le scénario du pire d’une attaque par les tunnels : des dizaines de terroristes du Hamas infiltrant une commune israélienne et massacrant et/ou prenant en otages ses habitants. Turgeman a déclaré au bureau du contrôleur de l’Etat après la guerre qu’une telle attaque était spécifiquement décrite dans des documents du Hamas découverts pendant l’opération.

Cependant, au cours du conflit, l’armée a également noté qu’elle pensait que des soldats pouvaient être les cibles d’attaque transfrontalière du Hamas, mais pas des civils.

Au fur et à mesure des combats, l’armée a su qu’elle n’avait que des renseignements incomplets sur les tunnels en particulier et la bande de Gaza en général, selon le rapport.

« Je suis prêt à partir pour la prochaine campagne avec les mêmes renseignements que nous avions pendant la dernière »
Benny Gantz

Et pourtant, l’armée « n’a pas présenté d’échec du renseignement », a déclaré un ancien ministre du cabinet.

Les évaluations basées sur un « manque de renseignement important » sont particulièrement dangereuses au regard « des sujets critiques pour les opérations militaires », a écrit Shapira, le contrôleur de l’Etat, dans le rapport sur les tunnels.

Dimanche, Gantz, ancien chef d’Etat-major, a défendu les Renseignements militaires en déclarant qu’ils n’étaient « pas toujours parfaits », mais qu’il était « prêt à partir pour la prochaine campagne avec les mêmes renseignements que nous avions pendant la dernière. »

Où en sommes-nous maintenant ?

Pour certaines parties de la société israélienne, l’opération Bordure protectrice reste une plaie ouverte.

Les soldats israéliens Oron Shaul (à gauche) et Hadar Goldin (Crédit : Flash90)
Les soldats israéliens Oron Shaul (à gauche) et Hadar Goldin (Crédit : Flash90)

Les corps de deux soldats qui ont été tués pendant les combats, Goldin et le sergent Oron Shaul, seraient toujours détenus par le Hamas dans la bande de Gaza. Trois Israéliens qui sont entrés à Gaza depuis 2014 seraient également emprisonnés par le groupe terroriste.

Le mois dernier, le major Hagai Ben Ari, qui avait été grièvement blessé pendant l’opération, a succombé à ses blessures.

Le peuple de Gaza doit encore reconstruire ses maisons, ce qui est rendu difficile par le blocus terrestre et maritime maintenu par Israël, qui est nécessaire, selon l’Etat juif, à sa sécurité, ainsi que par les sales habitudes du Hamas de confisquer les matériaux de construction pour les utiliser pour ses nouveaux tunnels, et pas pour construire des logements.

Reconstruction d'une maison endommagée lors de l'opération Bordure protectrice dans la ville de Rafah, au sud de la bande de Gaza, le 31 décembre 2014. (Crédit : Abed Rahim Khatib/Flash90)
Reconstruction d’une maison endommagée lors de l’opération Bordure protectrice dans la ville de Rafah, au sud de la bande de Gaza, le 31 décembre 2014. (Crédit : Abed Rahim Khatib/Flash90)

Depuis l’opération, l’armée et le gouvernement ont mis en pratique certaines, mais pas toutes, des recommandations de Shapira. L’armée a notamment accordé une plus grande importance aux tunnels, en faisait une menace principale dans l’article « Stratégie de Tsahal » du chef d’Etat-major, Gadi Eizenkot.

« Le sujet des tunnels est une priorité principale de Tsahal, et l’armée a déjà commencé à mettre en pratique la majorité des commentaires et des suggestions du rapport », a déclaré l’armée en réponse à l’enquête du contrôleur.

La taille de l’unité de génie combattant d’élite, appelée par son acronyme hébreu Yahalom, a été doublée depuis l’opération, et la base de l’unité à Sirkin, près de Tel Aviv, est à présent équipée d’une réplique exacte d’un tunnel du Hamas pour servir à l’entraînement. Elle a été réalisée par une entreprise israélienne, mais avec les mêmes spécifications qu’à Gaza : 1,7 m de haut et environ 0,6 m de large, avec un toit arrondi.

Des soldats de l'unité de contreterrorisme d'Eilat s'entraînent, le 9 décembre 2016. (Crédit : unité des porte-paroles de l'armée israélienne)
Des soldats de l’unité de contreterrorisme d’Eilat s’entraînent, le 9 décembre 2016. (Crédit : unité des porte-paroles de l’armée israélienne)

Dans la formation des troupes terrestres, l’armée a également commencé à appuyer de manière plus importante sur leur préparation au combat dans les zones peuplées et urbaines, contrairement aux anciens exercices de conquête d’une colline dans une zone vide, selon les responsables militaires.

L’armée a versé plus de deux milliards de shekels et des tonnes de béton dans le sol entourant la bande de Gaza pour empêcher les infiltrations et les constructions de tunnels, dans le cadre d’un projet massif dont les détails sont encore en grande partie sous embargo.

« L’armée a investi des efforts et des ressources dans la recherche, le développement et l’équipement de systèmes technologiques, conformément à leur préparation opérationnelle, dans la formation de l’infanterie à affronter la menace, et dans la classification du niveau de la menace », a déclaré l’armée mardi.

« Tsahal et l’establishment militaire ont tiré les leçons et rectifié ce qui devait l’être dès le lendemain de la campagne. Nous avons une armée forte et le niveau de préparation de l’armée et des réservistes est à l’un des meilleurs niveaux de ces dernières décennies », a déclaré lundi Liberman, le ministre de la Défense.

Deux tunnels transfrontaliers ont aussi été découverts et détruits par l’armée israélienne depuis Bordure protectrice, l’un en avril 2016 et l’autre en mai.

Le cabinet de sécurité et le Conseil de sécurité nationale ont également été remaniés depuis la guerre, les ministres ayant maintenant un meilleur accès aux informations qu’auparavant, selon des responsables qui ont demandé à rester anonymes.

Cependant, les membres du cabinet se plaignent toujours de ne pas être consultés sur les vastes sujets stratégiques, mais uniquement sur des sujets quotidiens comme des frappes aériennes contre des convois d’armes du Hezbollah.

Israël a-t-il gagné ?

La mission de l’armée israélienne en 2014 n’était pas de renverser le Hamas, ou de localiser chaque arme en sa possession, mais de créer des dégâts considérables aux capacités du groupe terroriste, notamment à ses tunnels transfrontaliers, et de créer une certaine forme de dissuasion qui obligerait le Hamas à surveiller les organisations plus radicales de la bande de Gaza.

Ces objectifs ont été accomplis à un certain degré : en plus des tunnels démolis, les tirs de roquettes autrefois fréquents ne se produisent plus qu’une à deux fois par mois. Le dernier tir a eu lieu mardi.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu pendant la réunion hebdomadaire du groupe parlementaire du Likud à la Knesset, le 27 février 2017. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu pendant la réunion hebdomadaire du groupe parlementaire du Likud à la Knesset, le 27 février 2017. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

« Ces résultats depuis la guerre parlent pour eux-mêmes, a déclaré Netanyahu avant la publication du rapport. L’actuel chef d’Etat-major de Tsahal a déclaré que la frontière de Gaz n’avait jamais été aussi calme depuis la guerre des Six Jours [de 1967]. Le Hamas a subi un coup dévastateur. Les communes de la frontière de Gaza sont florissantes. »

L’évaluation rayonnante du Premier ministre ne coïncide pas totalement avec celle du contrôleur de l’Etat.

Les deux rapports de Shapira font au total 176 pages, qui ne contiennent que peu de compliments.

« Le chef d’Etat-major a déclaré que la frontière de Gaz n’avait jamais été aussi calme depuis la guerre des Six Jours. Le Hamas a subi un coup dévastateur »
Benjamin Netanyahu

Le rapport sur les tunnels note que, en plus des critiques détaillées ci-dessus, l’armée n’a « détruit ou neutralisé » totalement que la moitié des tunnels qui nécessitent selon elle d’être « traités ». L’autre moitié est soit abîmée, soit fonctionnelle.

« L’armée israélienne […] n’a ainsi pas compléter sa mission », selon le rapport sur la menace des tunnels de Shapira.

Le Hamas posséderait toujours au moins 15 tunnels entrant en Israël, et aurait restauré ses capacités militaires à leur niveau d’avant Bordure protectrice, remplissant ses réserves de missiles produits localement ou importés, de mortiers et d’armes de poing.

Comment, alors, une victoire peut-elle être sincèrement déclarée sur le Hamas si les ministres et les responsables militaires ne parlent du prochain conflit qu’en termes de quand, et pas de si ? C’est une question à laquelle ne répondent pas les rapports du contrôleur de l’Etat.

Raoul Wootliff et l’équipe du Times of Israël ont contribué à cet article.

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