Ces olim qui ont fui les conflits en Éthiopie et sont rattrapés par la guerre en Israël
Quelques mois après leur alyah, un groupe d'olim a dû être évacué d'un centre d'intégration près de Sderot, non loin de Gaza, sous les roquettes
Lorsque Anagu Walle, son mari et sept de ses huit enfants ont dû se protéger des affrontements entre milices armées et forces de sécurité éthiopiennes à Gondar en début d’année, Israël a représenté une sorte de bouée de sauvetage dans la tempête. Mais cinq mois après avoir immigré, ils sont à nouveau pris dans la tourmente de la guerre.
« Personne ne nous a parlé de quelconques problèmes de sécurité », explique Walle, évacuée d’un centre d’intégration pour olim situé près de Sderot, à quelques pas de Gaza, en direction des collines du Carmel, dans le nord du pays, en ce dimanche 8 octobre.
« La première fois que nous avons entendu parler de roquettes, c’est par la nièce de mon mari, qui a fait son alyah il y a six mois, un mois avant nous. »
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La nièce a donc vécu l’opération Bouclier et Flèche, en mai dernier, menée par Israël à Gaza avec l’assassinat ciblé de trois membres importants du groupe terroriste du Jihad islamique palestinien.
Lorsqu’elle a entendu la première sirène, le samedi 7 octobre, Walle se souvient s’être figée. « Ma fille de 23 ans m’a dit : ‘Maman, c’est l’alerte. Rassemblons les enfants et allons à l’abri’. »
Depuis longtemps la cible de tirs de roquettes en provenance de Gaza, Sderot fait l’objet d’attaques répétées depuis l’assaut sanglant des terroristes du Hamas, le 7 octobre dernier. Dès le dimanche, les autorités ont évacué les habitants qui s’y trouvaient encore, en prévision d’une incursion terrestre israélienne dans la bande de Gaza.
Le 8 octobre donc, la famille de Walle a fait partie des 531 olim évacués par bus du centre d’intégration Ibin de Sderot. 451 d’entre eux, parmi lesquels 120 enfants âgés de 12 ans et moins, ont été envoyés dans un centre de villégiature de la communauté coopérative religieuse de Nir Etzion, au sud de Haïfa. Les autres se trouvent dans la ville voisine de Zichron Yaakov ou à l’hôtel Park, dans la ville côtière de Netanya.
Lorsque la journaliste auteure de cet article s’est rendue à Nir Etzion, les enfants évacués du centre d’intégration jouaient sur les pelouses ou étaient assis dans le hall, occupés à faire des puzzles ou jouer à des jeux, tandis que des pères jouaient aux cartes.
L’Agence juive a dépêché 12 personnes pour les accompagner, et ce depuis leur arrivée en Israël.
La coordinatrice de l’équipe, Turu Dabasu, 27 ans, qui a elle-même immigré d’Éthiopie il y a de cela 20 ans, remarque que les olim installés en Israël depuis un certain temps sont habitués aux sirènes et aux roquettes de Gaza.
Mais l’incursion du Hamas et les massacres sanglants perpétrés par les terroristes dans les communautés de la région de Gaza sont inimaginables, même par quelqu’un installé de longue date dans ce pays. Ces nouveaux olim sont aujourd’hui sous le choc.
Avec l’aide de bénévoles de Nir Etzion et des communautés environnantes, « nous essayons d’organiser deux activités par jour », explique Dabasu. « Nous avons organisé des ateliers de marionnettes pour les enfants et d’humour pour les adultes. Nous avons aussi des structures gonflables géantes, un magicien et un jongleur pour les enfants. »
Jeudi, l’équipe a marqué le jour où un groupe d’enfants aurait dû avoir sa bar et sa bat mitzvah.
On a fait venir des coiffeurs pour les filles et organisé des chants pour les garçons en mémoire de feu Ofir Libstein, le chef du Conseil régional de Shaar Hanegev, tué le 7 octobre dernier lors d’une fusillade avec des terroristes.
Des Israéliens d’origine éthiopienne ont apporté des plats traditionnels à l’hôtel et organisé une cérémonie du café. « Cela a permis de commencer à parler de sujets complexes », explique M. Dabasu.
Embet Chekol, qui travaille habituellement dans un centre d’intégration de Kiryat Yam, dans le nord d’Israël, a été envoyée en renfort à Nir Etzion. Elle explique : « Les femmes éthiopiennes sont très fermées. Culturellement, on leur recommande de ne pas montrer leurs émotions. Pendant l’atelier de rire, elles riaient aux éclats. C’est tellement important pour elles de s’ouvrir. »
Certaines cicatrices émotionnelles sont déjà apparentes, en particulier chez les enfants.
Depuis le début de la guerre, Mrte, 12 ans, et Ermes, 7 ans, refusent d’aller aux toilettes sans être accompagnés d’un parent, d’un frère ou d’une sœur.
Nombre de ces récents olim ont quitté il y a peu leur pays d’origine, en proie à des violences toujours plus intenses.
« Nous nous sentions extrêmement menacés à Gondar », confie Walle en amharique, tandis qu’Embet Chekol traduit. « Nous restions enfermés chez nous 24 heures sur 24. Economiquement, c’était très compliqué. »
Walle et son mari agriculteur ont attendu 11 ans dans leur ville natale d’Ismala, dans le centre-ouest de l’Éthiopie, et neuf mois de plus à Gondar, dans le nord-ouest, avant d’obtenir le feu vert pour rejoindre leurs proches en Israël.
Walle a laissé derrière elle ses parents âgés et malades et sa belle-mère. Le plus difficile, confie-t-elle, a été de se séparer de sa fille de 26 ans, mariée et mère de deux enfants, qui n’est pas encore sur la liste des personnes prévues pour le vol Addis-Abeba/Tel-Aviv.
Lorsqu’on lui demande si elle regrette d’être venue en Israël, pays aujourd’hui en guerre, Walle répond : « Absolument pas. Notre famille est ici. Et surtout, nous sommes juifs. »
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