Chuck Schumer : Les Juifs américains craignent un 7 octobre « ici » – NYT
L'interview, qui aborde la façon dont les atrocités du Hamas ont irrémédiablement affecté la communauté juive américaine, a été publiée avant la sortie de son livre "L'antisémitisme en Amérique : un avertissement"

JTA — Dimanche, le New York Times a publié une longue interview en plusieurs parties qui a été accordée par Chuck Schumer, dans laquelle il a abordé tous les sujets – que ce soit l’avenir des Démocrates ou ses inquiétudes concernant l’antisémitisme, ou la façon dont les atrocités perpétrées par le groupe terroriste palestinien du Hamas, le 7 octobre 2023, ont changé les perspectives des Juifs américains. Plus de 1 200 personnes, pour la plupart des civils, avaient été massacrées dans le sud d’Israël lors de cette attaque sanglante et 251 autres avaient été enlevées et emmenées de force dans la bande de Gaza.
L’interview a été publiée deux jours avant la sortie du livre du sénateur new-yorkais, Antisemitism in America: A Warning (« L’antisémitisme en Amérique : un avertissement »). Elle est également parue quelques jours après qu’il a contribué, en tant que leader de la minorité au Sénat, à faire adopter une résolution de financement menée par les Républicains qui a permis d’éviter la paralysie du gouvernement, suscitant les critiques de ses collègues.
Cet entretien d’une heure est ponctué de moments forts, avec notamment les souvenirs de Schumer sur l’antisémitisme au sein du Capitole, ses séances de travail avec les Républicains et son point de vue sur l’accusation de « génocide » lancée à l’encontre d’Israël. L’intervieweuse, Lulu Garcia-Navarro, n’a pas interrogé Schumer sur le fait que le président américain Donald Trump l’avait qualifié à plusieurs reprises de « Palestinien » – et Schumer n’a pas évoqué le sujet.
Concernant la flambée de l’antisémitisme qui a marqué ces dernières années et les raisons pour lesquelles il a écrit le livre :
Les choses ont commencé à changer au début du 21ᵉ siècle. Et ce que j’ai écrit dans le livre, c’est que lorsque les choses se corsent un peu, c’est là que l’antisémitisme refait surface … Mais c’est le 7 octobre qui a tout changé. Et tout à coup, l’antisémitisme s’est déchaîné d’une manière que nous n’avions jamais vue – et de surcroît à visage découvert. Des boulangeries juives sont traitées de boulangeries sionistes et des pierres sont lancées à travers leurs fenêtres. Des personnes portant une kippa ou une étoile de David sont insultées, vilipendées, voire frappées. Et cela nous a choqués. Pour la première fois, des Juifs que je connais ont commencé à dire : « Mon Dieu, peut-être que cela pourrait arriver ici. » Personne ne pensait que cela pourrait arriver ici, mais pour la première fois, l’idée s’est imposée : peut-être que cela pourrait arriver ici.
Le fait d’être Juif fait-il partie de son image publique ?

[Schumer expliquait aux nouveaux candidats :] « Je viens de Brooklyn. Parfois, cela m’aide, parfois cela me porte préjudice. Mais je sais une chose : si j’essayais de ne pas être de Brooklyn, je serais pire que ce que je suis. » Eh bien, c’est un synonyme de Juif. J’ai donc toujours été Juif. Mais cela n’a jamais été aussi central dans ma carrière.
A-t-il déjà été confronté à l’antisémitisme au Congrès ?
Ça s’est produit. L’un des membres les plus anciens de la commission judiciaire m’avait dit : « Schumer, bienvenue à la commission judé-criminelle ». Il y a donc eu quelques incidents de ce genre.
Les Juifs continueront-ils à voter pour les Démocrates ?

Les résultats des sondages sont variables, mais la plupart d’entre eux montrent qu’un pourcentage très élevé de Juifs a voté pour les Démocrates. Certaines des personnes les plus virulentes se trouvent à droite, et le parti républicain a tenté de faire d’Israël et même de l’antisémitisme un enjeu politique, ce qui est horrible pour Israël. Je l’ai dit à Netanyahu il y a plusieurs années de cela, de ne pas en faire une question politique, mais il l’a fait. Il a embrassé Trump. Mais je pense que les valeurs progressistes du peuple juif, le fait que nous ayons été opprimés pendant si longtemps et que nous ayons toujours eu de la sympathie pour les opprimés, cela ne disparaît pas…
Je pense au fond que le Juif moyen, qui n’est pas plus politique que les autres, est fondamentalement démocrate et qu’il le restera.
Au sujet de l’accusation selon laquelle Israël commettrait un « génocide » à Gaza :
Les critiques d’Israël et de la façon dont le pays a mené la guerre ne sont pas antisémites. Mais cela commence à devenir ambigu… Et beaucoup de slogans que les gens utilisent glissent vers l’antisémitisme. Celui qui me dérange le plus est le terme « génocide ». Le génocide se définit comme la tentative d’un pays ou d’un groupe d’éliminer toute une race, toute une nationalité. Donc, si Israël n’avait pas été provoqué et avait simplement envahi Gaza et tiré au hasard sur des Palestiniens ou des Gazaouis, ce serait un génocide. Ce n’est pas ce qui s’est passé. En réalité, c’est tout le contraire. Et le Hamas est bien plus proche de l’idée de génocide que ce n’est le cas d’Israël…
Les Juifs ont été victimes, du moins selon moi, du pire génocide de tous les temps…
Au sujet de la décision prise par l’administration Trump de retirer son financement à l’Université de Columbia en raison de l’antisémitisme sur le campus :
Columbia n’en a pas fait assez… J’ai commencé ma carrière en manifestant contre la guerre du Vietnam… Je comprends donc, et j’adore ça, et c’est une question qui concerne l’Amérique. Mais quand cela vire à la violence et à l’antisémitisme, les universités devaient faire quelque chose, et beaucoup d’entre elles n’en ont pas fait assez…
Alors, qu’ont-ils fait ? Ils ont suspendu 400 millions de dollars. J’essaie de savoir de quoi il s’agit. Ont-ils suspendu les fonds destinés à la recherche sur le cancer ou sur la maladie d’Alzheimer ? Que représentent ces 400 millions de dollars ? Cette décision pourrait nuire à l’ensemble des étudiants. Des étudiants qui n’ont rien à voir avec le mouvement de protestation, des étudiants qui ont pu manifester pacifiquement ou encore des étudiants juifs qui ont été victimes de certaines de ces manifestations.

Au sujet de l’arrestation de l’activiste anti-Israël Mahmoud Khalil par l’ICE à l’Université de Columbia :
S’il a enfreint la loi, il doit être expulsé. S’il n’a pas enfreint la loi et qu’il a simplement manifesté pacifiquement, il ne doit pas être expulsé. C’est aussi simple que cela…
Écoutez, mon domicile est constamment le théâtre de manifestations, mais elles doivent être autorisées et respecter certaines règles. Il y a des règles. Mais l’important, c’est que nous avons des tribunaux, et Khalil sera jugé. Et j’ai toute confiance dans le fait que le juge rendra une décision équitable. Ce n’est pas l’administration Trump, c’est un juge fédéral indépendant.
Au sujet des erreurs commises par les Démocrates lors des élections de 2024 :
Nous avons toujours estimé que nous étions du côté des travailleurs, et que naturellement ils le croyaient aussi, mais ce n’était pas le cas. Nous les avons perdus parce qu’ils pensaient que nous ne nous soucions pas assez d’eux. Nous nous sommes toujours souciés d’eux, mais nous ne le leur avons pas fait savoir. Alors maintenant, comme vous l’avez dit, nous apprenons à le leur faire savoir autrement.
Au sujet d’une éventuelle rupture des Républicains avec Trump :
Les Républicains aimeraient se libérer de Trump, mais ils ne le feront pas tant que nous n’aurons pas fait baisser sa popularité. C’est ce qui s’est passé avec George W. Bush en 2005. C’est ce qui s’est passé avec Donald Trump en 2017. Quand cela se produira, j’espère que nos collègues républicains recommenceront à travailler avec nous. Et je leur parle. L’un des endroits où je le fais, c’est à la salle de sport. Quand on est sur le vélo en short, à haleter à côté d’un Républicain, on se libère de beaucoup d’inhibitions.
Quant à savoir s’il devrait démissionner après avoir voté en faveur d’une proposition républicaine visant à financer le gouvernement :
Permettez-moi de dire ceci : il y a un vif désaccord concernant le fait de savoir quel était le bon vote. Mais comme je l’ai dit, je pense que nous avons un respect mutuel au sein de notre caucus, et nous sommes tous unis, quelle que soit la façon dont les gens ont voté, dans notre combat continu contre Trump.
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