Corruption, aide à une pédophile : La police recommande l’inculpation de Litzman
Le vice-ministre de la Santé et chef du parti Yahadout HaTorah pourrait être inculpé pour avoir fait pression sur des employés pour empêcher l'extradition de Malka Leifer
La police a recommandé mardi la mise en examen du vice-ministre de la Santé Yaakov Litzman pour corruption et abus de confiance. Il aurait utilisé ses fonctions pour aider illégalement une pédophile présumée. Il est également accusé de corruption dans une autre affaire pour avoir contribué à empêcher la fermeture d’un restaurant que son propre ministère avait jugé insalubre.
La première affaire implique Malka Leifer, ancienne directrice d’une école ultra-orthodoxe pour filles qui est accusée en Australie de 74 chefs d’abus sexuels sur mineurs. La police avait fait savoir au mois de février qu’elle avait ouvert une enquête sur Litzman, soupçonné d’avoir exercé des pressions sur les employés de son bureau pour changer les conclusions de leurs évaluations psychiatriques et déclarer Leifer inapte à une extradition.
Dans leur communiqué, la police a indiqué que l’enquête, menée par l’unité anti-corruption Lahav 433 et l’unité nationale d’enquête sur les fraudes, avait permis de trouver suffisamment de preuves pour faire comparaître Litzman pour son rôle dans l’affaire Leifer, ainsi que pour être venu en aide à au moins dix délinquants sexuels avérés pour qu’ils obtiennent une amélioration de leurs conditions de détention – visites à domicile et autres avantages – en exerçant des pressions sur des psychiatres et des responsables des services carcéraux.
Dans la seconde affaire, d’après la police, Litzman aurait tenté d’influencer des officiels du ministère de la Santé afin d’empêcher la fermeture d’une entreprise dont « il est proche » du propriétaire — une fermeture ordonnée en raison de « problèmes sanitaires graves qui ont rendu malades de nombreuses personnes ».
Litzman, qui dispose de nombreuses compétences de ministre alors qu’il n’est que vice-ministre, a réfuté tout acte répréhensible, maintenant en réponse aux recommandations de la police que son bureau fait preuve « d’une politique de porte ouverte à l’égard des gens qui auraient besoin d’aide. Le tout sans distinction entre les différentes populations et sans clarifier le statut de ceux qui appellent pour avoir de l’aide. Le vice-ministre se dit certain que les charges seront abandonnées ».
Il revient maintenant au procureur général Avichai Mandelblit de déterminer s’il y a lieu de le mettre en examen ou non.
Dassi Erlich, une victime de Leifer à l’origine d’une campagne pour faire extrader l’ancienne directrice vers l’Australie, a déclaré dans un communiqué mardi : « Nous sommes extrêmement reconnaissants que les questions que nous n’avons pas arrêté de soulever via la campagne #BringLeiferBack [Faites revenir Leifer] conduisent à un pas de plus vers la justice ».
En mai dernier, la Treizième chaîne avait annoncé que le vice-ministre était venu en aide à au moins dix délinquants sexuels avérés pour qu’ils obtiennent une amélioration de leurs conditions de détention – visites à domicile et autres avantages – en exerçant des pressions sur des psychiatres et des responsables des services carcéraux.
Au mois de mars, la même chaîne avait évoqué une seconde enquête dans laquelle Litzman et son chef de cabinet sont soupçonnés d’avoir exercé des pressions sur un psychiatre, Moshe Birger, pour s’assurer qu’un autre délinquant sexuel, proche de la communauté Gur à laquelle appartient Litzman, bénéficierait d’un programme de réinsertion. La participation au programme ouvrait la porte à l’obtention de droits de visite à domicile ainsi qu’à une libération anticipée.
La police a fait savoir mardi qu’elle n’avait pas trouvé de preuves suffisantes pour poursuivre Litzman dans ce cadre.
Pour sa part, Malka Leifer est connue pour entretenir des liens avec la communauté Gur, ayant enseigné en Israël dans une école affiliée à cette branche.
Un responsable du ministère de la Santé avait indiqué au mois de février au Times of Israël que la police était en possession d’enregistrements de Litzman et de responsables, à son bureau, parlant à des employés du ministère de la Santé et leur recommandant vivement de prendre des mesures en faveur de Leifer.
En l’an 2000, Leifer avait été recrutée pour travailler à l’école ultra-orthodoxe pour filles Adass Israel de Melbourne. Lorsque les accusations d’abus sexuels avaient émergé à son encontre, huit années plus tard, les membres du conseil d’administration de l’établissement scolaire avaient acheté à cette mère de huit enfants un billet pour Israël dans un vol de nuit pour lui permettre d’échapper à une inculpation.
Après le début des poursuites par les autorités de Melbourne, l’Australie avait officiellement déposé une demande d’extradition en 2012. Deux ans plus tard, elle était arrêtée en Israël avant d’être finalement libérée et assignée à domicile. Les magistrats l’avaient jugée inapte à un procès et avaient finalement levé toutes les restrictions qui lui avaient été imposées, concluant qu’elle était trop malade pour ne serait-ce que se lever de son lit.
Elle avait été à nouveau appréhendée en février 2018 après une opération d’infiltration de la police – qui mettait alors en doute l’instabilité réelle de son état psychologique. L’opération avait été lancée après l’obtention d’images la montrant se déplacer dans sa ville de résidence sans difficulté apparente. L’ONG Jewish Community Watch avait en effet engagé des détectives privés, lesquels avaient caché des caméras dans l’implantation ultra-orthodoxe d’Emmanuel où Leifer et sa famille avaient trouvé refuge.
Malgré ces images pourtant accablantes, le procès a été ajourné d’un an, le tribunal devant statuer sur son état psychologique. Le psychiatre du district de Jérusalem chargé de l’évaluation de Leifer, le docteur Jacob Charnes, aura changé d’avis à trois occasions concernant l’aptitude de Leifer à être extradée.
Toutefois, quand le psychiatre avait été interrogé par la défense concernant son évaluation, à la fin de l’année dernière, il avait expliqué au tribunal qu’il recommandait un examen supplémentaire de Leifer – une proposition rejetée par les deux parties.
Un responsable judiciaire a déclaré au Times of Israël que la police soupçonnait Charnes d’avoir modifié sa conclusion après avoir été contacté par le bureau de Litzman. Bien que le médecin ait été interrogé sous caution, la police vient d’indiquer qu’elle ne recommandait pas sa mise en examen.
La Cour de district de Jérusalem donnera sa décision finale concernant l’extradition et l’état mental de Leifer lors d’une audience prévue le 23 septembre. Le Times of Israel a appris le mois dernier qu’un comité de médecins nommé par la cour allait officiellement conclure que Malka Leifer a bien feint la maladie psychique pour éviter son extradition, une décision qui devrait influer la décision du tribunal de Jérusalem.
Le directeur de Jewish Community Watch, Meyer Seewald, a fait savoir dans un communiqué mardi, « Notre enquête privée de 2017 n’a fait que confirmer ce qui était évident pour beaucoup : que Malka Leifer feignait la maladie mentale pour éviter l’extradition. Sachant qu’elle en faisait peu pour dissimuler sa ruse, il était évident que Leifer était protégée par des personnes influentes. La recommandation de la police clarifie qu’il s’agissait vraisemblablement de Litzman et de son cabinet qui œuvraient activement pour s’assurer que les victimes de Malka Leifer n’obtiennent jamais justice ».
Meyer Seewald a appelé les députés à faire en sorte que Litzman ne soit pas membre du prochain gouvernement au terme des élections du 17 septembre.
Le ministre des Transports, Bezalel Smotrich, député de l’Union des partis de droite, n’a pas hésité pour défendre Litzman. « Je ne connais pas les éléments de l’enquête dans l’affaire Litzman. Mais je le connais, lui et son bureau dévoué, comme étant ceux qui donnent une réponse personnelle et remarquable [à toute personne qui les sollicite], peu importe la race, le sexe ou la religion.
« Le communiqué de la police [annonçant sa recommandation] semble être une nouvelle tentative de priver les élus d’agir, afin de donner le pouvoir à des bureaucrates non élus, ce qui a pour effet de délégitimer l’intervention des représentants élus, » a écrit sur Twitter l’ancien prétendant au ministère de la Justice.
Le parti Shas a publié un communiqué défendant le chef de l’autre parti ultra-orthodoxe de la Knesset.
« Le parti Shas confirme son soutien au vice-ministre de la Santé Yaakov Litzman, un représentant fidèle de la population qui a traité les demandes du public pendant des décennies et qui a laissé sa porte ouverte à tous », a dit le parti.
« Nous sommes sûrs que son innocence sera prouvée et que justice sera bientôt rendue. »