Israël en guerre - Jour 566

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Dans une banlieue difficile de Paris, les juifs gardent la tête haute pour Pessah

La maison du Habad de Saint-Denis n’a pas l’intention de se plier au conseil du maire de faire profil bas jusqu’à ce qu’il y ait la paix au Moyen Orient

Des soldats devant une école du Habad à Paris, le 16 novembre 2015. (Crédit : Israel Bardugo/autorisation de l'amicale internationale des chrétiens et des juifs, via JTA)
Des soldats devant une école du Habad à Paris, le 16 novembre 2015. (Crédit : Israel Bardugo/autorisation de l'amicale internationale des chrétiens et des juifs, via JTA)

SAINT-DENIS (JTA) – Après trois cocktails Molotov lancés contre la synagogue de cette banlieue pauvre de Paris où vit une importante communauté musulmane, les autorités municipales avaient conseillé à la communauté juive locale de faire profil bas.

Comme des douzaines d’attaques contre des synagogues françaises depuis 2000, l’incident de janvier 2009 à la maison du Habad de Saint-Denis qui n’avait pas entrainé de blessés, serait lié à des représailles d’islamistes extrémistes pour les actions d’Israël – cette année-là contre le Hamas à Gaza.

« Nous nous sommes vus dire par le maire communiste qu’il serait prudent si nous diminuions nos activités, au moins jusqu’à ce que les choses se calment au Moyen Orient », s’est rappelé Yisroel Belinow, qui dirige la maison du Habad local avec son épouse, Rivky, et son frère, Mendel.

« Nous n’avons absolument pas l’intention de nous y plier », a-t-il déclaré.

Au lieu de faire profil bas, les Belinow ont lancé cette année-là le premier seder public de la communauté pour Pessah à Saint-Denis, commençant ainsi une tradition annuelle. Les membres de la congrégation ont déclaré que c’était un succès parce qu’il reflète une unité face à la violence antisémite croissante.

Le rabbin Yisroel Belinow et son épouse Rivky pendant la fête juive de Pourim à la maison du Habad de Saint-Denis, près de Paris, le 24 mars 2016. (Crédit : Cnaan Liphshiz/JTA)
Le rabbin Yisroel Belinow et son épouse Rivky pendant la fête juive de Pourim à la maison du Habad de Saint-Denis, près de Paris, le 24 mars 2016. (Crédit : Cnaan Liphshiz/JTA)

Chaque année depuis 2009, le Beth Habad de Saint-Denis – un petit bâtiment sous protection militaire permanente – accueille environ 100 fidèles pour un seder de groupe. Il est mené par Belinow, un homme introverti à la voix douce, et son frère âgé, plus exubérant.

« C’est la meilleure réponse qui pouvait surgir des attaques », a déclaré Belinow.

Le soir du 11 janvier 2009, des assaillants ont mis le feu et lancé des cocktails Molotov dans la cuisine de la maison du Habad. Le feu a carbonisé la salle à manger mais n’a pas pris grâce à l’intervention rapide de Mendel Belinow, qui se trouvait dans le bâtiment. Belinow a déclaré que la police avait trouvé 15 bombes incendiaires non allumées en morceaux dans le bâtiment, y compris dans le coin de l’aire de jeux des enfants. Personne n’a été inculpé pour l’attaque.

‘L’attaque a duré une seconde mais a marqué les esprits pendant des semaines’

« L’attaque a duré une seconde mais a marqué les esprits pendant des semaines. Mais les seders sont à présent un évènement annuel qui fait partie de la communauté », a déclaré Belinow à JTA pendant un évènement communautaire le mois dernier à Saint-Denis.

Les 1 000 juifs de Saint-Denis sont tout ce qu’il reste d’une communauté qui a diminué de moitié depuis les années 1980, quand beaucoup sont partis pour des quartiers plus riches et plus sûrs. L’émigration juive de Saint-Denis a augmenté en 2000 en pleine poussée d’attaques antisémites. Graduellement écartés des zones où il est devenu dangereux de porter une kippa, les Juifs ont rejoint un exode silencieux qui a vidé les communautés juives du nord de Paris.

Avec 100 invités, la participation au seder public de cette morne banlieue est relativement élevée pour la France.

La maison du Habad de Toulouse, où vivent 23 000 juifs, attire moins de monde, ce qui entraîne parfois l’annulation de l’évènement. Et à Nice, où vivent 20 000 juifs, environ 120 juifs locaux assistent au séder collectif de la maison locale du Habad, qui est préparé pour la cinquième année consécutive.

Cercueils des victimes de l'école juive Ozer Hatorah, lors de l'enterrement à Jérusalem (Crédit : Uri Lenz/Flash 90)
Cercueils des victimes de l’école juive Ozer Hatorah, lors de l’enterrement à Jérusalem (Crédit : Uri Lenz/Flash 90)

Les seders de groupe sont moins populaires en France que dans le reste de l’Europe en raison d’une communauté majoritairement sépharade qui a des « liens familiaux étroits et une tradition d’hospitalité », a déclaré Avraham Weill, émissaire du Habad et grand rabbin de Toulouse. « Les gens sont invités à des seders qui se déroulent en famille, ce qui diminue la demande pour un seder public. »

Certains des invités du seder de Saint-Denis sont des juifs pauvres qui n’ont pas de famille en France

Certains des invités du seder de Saint-Denis sont des juifs pauvres qui n’ont pas de famille en France, comme Mordechai Elbaz, ancien dealer de drogue de 60 ans qui vit dans un deux pièces moisi. Il prévoit d’assister au seder cette année avec sa seule famille, sa sœur, qui lui rend visite depuis Israël.

D’autres fidèles de Saint-Denis choisissent le seder collectif au lieu d’une invitation familiale. Caroline Wildbaum, 47 ans, fidèle de la maison du Habad de Mendel, a assisté au seder de Saint-Denis avec ses quatre enfants, à présent âgés de 15 à 22 ans, depuis la première année.

« J’ai une famille plutôt grande, alors ce n’est pas comme si je venais pour ne pas être seule », a déclaré Wildbaum, qui vit dans la banlieue voisine de Sarcelles, une ville surnommée la « petite Jérusalem » pour sa communauté juive de quelque 15 000 personnes. « Faire le séder ici ne retire pas l’atmosphère familiale, cela l’amplifie. »

Elle a ajouté qu’ « aucune des synagogues de Sarcelles n’offre ce sentiment d’unité et de famille ».

La maison du Habad est à présent la seule synagogue de Saint-Denis, qui en comptait autrefois quatre. On vend ouvertement de la drogue à la gare locale. De jeunes membres de gangs sans emploi rôdent ici. En novembre, deux terroristes présumés ont été tués ici pendant un raid de la police contre les auteurs et leurs complices supposés des attentats terroristes de ce mois-là à Paris, qui ont tué 130 personnes.

Les policiers prennent position dans le nord de Paris dans la banlieue du centre-ville de Saint-Denis, le 18 novembre 2015. (Crédit : AFP PHOTO / KENZO TRIBOUILLARD)
Les policiers prennent position dans le nord de Paris dans la banlieue du centre-ville de Saint-Denis, le 18 novembre 2015. (Crédit : AFP PHOTO / KENZO TRIBOUILLARD)

Pendant le raid, la communauté juive a été bouclée pendant quelques jours. Mais fidèle à la philosophie de son institution, Mendel Belinow a promis que les activités ne feraient « qu’augmenter en volume », en commençant par un allumage public de bougies de Hanoukka le mois suivant.

A la maison du Habad, les fidèles s’embrassent et se tapent dans le dos. Ils s’appellent par leurs prénoms et se tutoient, y compris pour les rabbins. Wildbaum taquine parfois Rivky Belinow, née à Broolyn, en l’appelant « ma sœur la princesse » en imitant parfaitement son accent américain.

Beaucoup créditent les Belinow de la génération de cette atmosphère.

« Mendel, avec ses discours ardents et ses embrassades chaleureuses, donne le ton », a déclaré Asher Bouaziz, un médecin d’une soixantaine d’années qui a travaillé toute sa vie à Saint-Denis. « Yisroel est plus réservé. Ses compétences administratives maintiennent l’endroit vivant. Et Rivky, son charme et sa douceur font fondre quiconque la rencontre. C’est le secret de cet endroit. »

Le rabbin Mendel Belinow, directeur du centre du Habad de Saint-Denis, dans la banlieue de Paris. (Crédit : capture d'écran YouTube)
Le rabbin Mendel Belinow, directeur du centre du Habad de Saint-Denis, dans la banlieue de Paris. (Crédit : capture d’écran YouTube)

Et pourtant, certains lient aussi la cohésion sociale aux menaces extérieures, qui « font que les juifs cherchent du réconfort dans une communauté où les membres ont des liens exceptionnellement forts les uns avec les autres », selon Irène Benhamou, mère de deux enfants de 59 ans. « Quand vous êtes entourés par des personnes qui veulent vous tuer, vous avez moins de temps à perdre pour les disputes et les formalités. »

Son plus jeune fils a été menacé l’année dernière dans la rue avec un couteau, dans un incident qu’elle juge antisémite. Cela l’a poussée à se décider à déménager il y a quatre mois à Noisy-le-Grand, une banlieue aisée de l’est parisien, mais elle vient toujours à Saint-Denis pour les évènements communautaires.

‘Quand vous êtes entourés par des personnes qui veulent vous tuer, vous avez moins de temps à perdre pour les disputes et les formalités’

Pour Bouaziz, le seder de Saint-Denis pourrait cette année être son dernier. L’année prochaine, il prévoit de rejoindre les 20 000 juifs français qui ont émigré vers Israël depuis 2014.

« Je ne me sens pas en sécurité ici, a-t-il déclaré. Quand je prendrai ma retraite, je veux vivre là où je peux porter ma kippa sans inciter à l’attaque et sans protection militaire. »

Mais Yisroel Belinow plaisante ironiquement sur les arrangements sécuritaires de sa synagogue.

« A chaque seder, il y un extra à la liste d’invités », a-t-il déclaré en parlant du prophète Elie, pour qui une place est traditionnellement réservée à la table du seder. « La seule différence ici est que nous avons Elie, plus quatre soldats français. »

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