De nombreux élus de la coalition se rendent au tribunal pour soutenir Netanyahu
Les députés et ministres qui soutiennent le Premier ministre fustigent le système judiciaire pour l'avoir traîné sur le banc des accusés en plein tumulte sécuritaire
Une cohorte de ministres et de parlementaires soutenant le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’est rendue au tribunal de Tel Aviv mardi, alors que ce dernier devait commencer à témoigner dans son procès pour corruption. Des manifestants se sont également rassemblés à l’extérieur.
Ses partisans ont critiqué le système judiciaire pour avoir exigé que Netanyahu se présente pour témoigner alors que le pays est toujours en guerre sur plusieurs fronts et quelques jours après qu’un coup d’État mené par des islamistes a renversé le régime du dictateur syrien Bashar el-Assad en Syrie.
Ils ont demandé que la procureure générale Gali Baharav-Miara soit démise de ses fonctions et que le gouvernement reprenne ses projets largement controversés de refonte du système judiciaire.
La ministre des Transports Miri Regev, le ministre des Communications Shlomo Karhi et le ministre d’extrême-droite de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir étaient présents au tribunal pour accueillir Netanyahu, de même que la ministre de l’Égalité May Golan et la ministre de l’Environnement Idit Silman.
Le président de la Knesset et député du Likud, Amir Ohana, était également présent, tout comme le président de la coalition, Ofir Katz, et les députés du Likud Avichay Boaron, Osnat Mark, Tali Gotliv et Nissim Vaturi. La députée Limor Son Har-Melech (Otzma Yehudit), était également présente.
De petits groupes de manifestants se sont rassemblés de part et d’autre de l’entrée du palais de justice, comprenant une centaine de participants chacun. La police a séparé les partisans et les détracteurs de Netanyahu, qui se sont mutuellement noyés dans un vacarme de slogans.
Les parlementaires et les ministres de la coalition se sont serrés la main et ont pris des selfies avec les proches du Premier ministre lors du rassemblement.
Des parents d’otages se sont également rassemblés devant le palais de justice. Maayan Sherman, la mère du soldat Ron Sherman, captif depuis le 7 octobre 2023, a brandi une photo de son fils sur laquelle elle a écrit : « Kidnappé à cause de Netanyahu. Assassiné par Netanyahu ».
De l’autre côté de la rue, des policiers de la garde montée étaient postés, prêts à intervenir en cas de débordement.
Netanyahu est arrivé dans la salle d’audience bondée en amont de son témoignage.
S’adressant aux journalistes à l’extérieur du tribunal, Ben Gvir a déclaré qu’il était là pour soutenir le Premier ministre, qui, selon lui, subissait une « campagne de persécution ».
Affirmant que les accusations portées contre Netanyahu sont fabriquées de toutes pièces, Ben Gvir a ajouté qu’il ne suffisait pas de s’exprimer, et il a appelé ses collègues ministres à proposer le renvoi de la procureure générale Baharav-Miara lors de la prochaine réunion du Conseil des ministres.
« Je dis quelque chose de très simple : il est clair pour tout le monde qu’elle fabrique des affaires », a-t-il déclaré.
« Cela fait plus d’un an que je demande son renvoi et je le répète, monsieur le ministre de la Justice Yariv Levin, à tous mes amis du Likud et du gouvernement de droite : je vous aime et vous apprécie, mais il est temps que le gouvernement prenne une décision à ce sujet ! »
Les accusations portées contre Netanyahu n’ont pas été présentées par Baharav-Miara, mais par son prédécesseur, Avichaï Mandelblit. Or, l’actuelle procureure générale s’est longtemps attirée les foudres des membres de la coalition pour s’être opposée à diverses politiques du gouvernement de droite dure en les qualifiant de problématiques sur le plan juridique.
Le parti d’extrême droite Otzma Yehudit dirigé par Ben Gvir a installé cette semaine à Tel Aviv un panneau d’affichage attaquant la procureure générale.
Qualifiant Baharav-Miara de « couturière juridique du gouvernement », le panneau contient une image de la procureure générale utilisant une machine à coudre pour assembler des sacs sur lesquels figurent les visages de Ben Gvir et du Premier ministre – un jeu de mots en hébreu impliquant qu’elle assemble des dossiers sur mesure pour évincer les deux politiciens de haut rang.
Baharav-Miara a récemment déclaré à Netanyahu qu’il devait réévaluer la poursuite du mandat de Ben Gvir à la lumière de l’ingérence répétée et continue de ce dernier dans les affaires opérationnelles de la police et de sa politisation des promotions au sein de la police.
En réponse, Ben Gvir l’a accusée de s’être engagée dans une « expédition de pêche », affirmant que la procureure générale avait entrepris de chercher un prétexte juridique pour prendre des mesures à son encontre.
Ben Gvir est l’un des nombreux ministres qui font pression pour le renvoi de Baharav-Miara.
La ministre de l’Environnement, Idit Silman, a déclaré à la chaîne publique Kann que le procès de Netanyahu montrait que le projet de refonte du système judiciaire avancé par le gouvernement devait aller de l’avant.
« Nous n’avons pas le privilège de continuer à garder le silence. Nous ne pouvons pas permettre au système judiciaire de prendre le contrôle du gouvernement et d’agir contre la démocratie. Nous n’avons pas d’autre choix que de revenir à la refonte judiciaire et de mettre de l’ordre dans cette entité. »
Elle a également appelé au renvoi de Baharav-Miara.
Le plan de refonte du système judiciaire, dont les opposants ont mis en garde contre l’érosion de la démocratie israélienne, a suscité de longs mois de manifestations anti-gouvernement de masse en 2023, jusqu’à ce qu’il soit finalement mis en suspens. Certains membres du gouvernement ont récemment appelé à relancer le processus.
Regev, qui se demandait pourquoi la séance de témoignages n’avait pas été reportée en raison des événements régionaux majeurs, a affirmé que la Cour avait décidé « d’humilier M. Netanyahu, l’État d’Israël et de nuire à la sécurité du pays ».
La ministre May Golan a déclaré à Kann que le fait de demander à Netanyahu de témoigner était une « honte, un embarras » sans précédent (Netanyahu n’est pas tenu de témoigner, mais étant donné qu’il a choisi de le faire, il est tenu de le faire maintenant, sur la base d’un calendrier établi il y a plusieurs mois).
Au cours des derniers mois, les avocats de Netanyahu et ses partisans ont tenté à maintes reprises de retarder le témoignage, mais en vain. Son témoignage visera à réfuter les accusations de corruption, de fraude et d’abus de confiance qui pèsent sur lui dans trois affaires.
Selon le ministre des Communications Shlomo Karhi, le dossier contre le Premier ministre s’effondrera comme un « château de cartes ».
« Le Premier ministre Netanyahu ne se présente pas à l’audience en tant qu’accusé, mais en tant qu’accusateur », a-t-il affirmé, faisant écho aux propos tenus par Netanyahu la veille, lorsqu’au cours d’un point de presse diffusé en prime-time, il a fustigé le système judiciaire au sujet des enquêtes qui ont conduit à ces accusations.
« La décision de forcer le Premier ministre d’Israël à témoigner pas moins de trois jours par semaine en pleine guerre est insoutenable », a ajouté Karhi.
Amit Halevi, membre du Likud, a affirmé que les poursuites engagées contre Netanyahu n’étaient « pas un procès, mais un crime de haine ».
Selon lui, l’affaire était motivée par le type de « haine qui anime le djihad, une guerre sainte contre Netanyahu, les valeurs et le peuple qu’il représente ».
« Ne vous laissez pas impressionner par les titres des journaux du matin. Même les poissons morts auraient honte d’être couverts par ces titres », a-t-il dit en plaisantant.
Avant le témoignage de Netanyahu, son allié de longue date, le ministre de la Justice Yariv Levin, a publié une déclaration dans laquelle il qualifie « d’injustice » la procédure judiciaire en cours contre le Premier ministre.
« Avec de très nombreux citoyens d’Israël, je cherche à vous soutenir, Monsieur le Premier ministre. Je sais qu’aujourd’hui aussi, vous vous tiendrez la tête haute et présenterez la stricte vérité telle qu’elle est », a déclaré Levin.
Le ministre de la Culture, Miki Zohar, a qualifié la décision de ne pas reporter le témoignage de Netanyahu de « décision absurde et illogique à tous points de vue ».
Le député du parti HaTzionout HaDatit Simcha Rothman, par ailleurs président de la commission de la Constitution, du droit et de la justice à la Knesset et co-auteur de la refonte judiciaire très controversée, a déclaré que c’était les procès pour corruption contre Netanyahu qui lui avaient donné envie de briguer un mandat parlementaire.
A l’occasion d’une audience consacrée à l’étude d’un projet de loi limitant les cas dans lesquels le Barreau israélien pourrait collecter des fonds grâce aux cotisations de ses membres, Rothman s’est insurgé contre « un système biaisé et politicien » dont les infractions aux droits des suspects avaient « motivé à soutenir le projet de refonte du système judiciaire ».
Rothman a affirmé que l’opposition, autrefois favorable aux réformes, était désormais contre parce que le système judiciaire avait « tourné son attention vers Netanyahu, leur adversaire politique », suscitant la colère de députés de l’opposition.
La présence de ministres et de députés de la coalition au procès Netanyahu « est embarrassante et étrange », a rétorqué le député du parti Yesh Atid, Yoav Segalovich. « Il ne s’agit pas d’un procès contre le Likud ou quelque parti politique que ce soit, mais d’une affaire de corruption et d’abus de confiance, » a-t-il rappelé.
C’est la première fois qu’un Premier ministre israélien se présente à la barre en tant qu’accusé au pénal, une étape embarrassante pour un dirigeant qui a cultivé une image d’homme d’État distingué et respecté.
Les audiences se déroulent dans une salle souterraine du tribunal de Tel Aviv pour des raisons de sécurité, le tribunal de Jérusalem ne disposant pas des dispositifs de sécurité adéquats.
Les avocats de la défense de Netanyahu devaient d’abord interroger le Premier ministre, ce qui lui permettra de défendre longuement ses actions, dans le cadre d’un processus qui durera probablement deux ou trois jours. La majeure partie du temps passé par le Premier ministre à la barre des témoins sera ensuite consacrée au contre-interrogatoire de l’accusation.
Une fois que l’accusation aura terminé son contre-interrogatoire, les avocats de la défense de Netanyahu pourront le rappeler à la barre des témoins s’ils estiment qu’il a besoin de clarifier quelque chose dans son témoignage.