Israël en guerre - Jour 349

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Des deux côtés de la frontière de Gaza, Tsahal redéfinit la sécurité de fond en comble

D'une zone tampon à des drones d'attaque en passant par des troupes supplémentaires, l'armée prévoit d'assurer la sécurité d'Israël en adoptant une approche de tolérance zéro

Un soldat se tenant près de la frontière entre le sud d'Israël et la bande de Gaza, le 31 janvier 2024. (Crédit : Jack Guez/AFP)
Un soldat se tenant près de la frontière entre le sud d'Israël et la bande de Gaza, le 31 janvier 2024. (Crédit : Jack Guez/AFP)

Khuzaa, bande de Gaza – Moins de deux kilomètres séparent la ville de Khuzaa du kibboutz Nir Oz. La terre entre les communautés gazaouies et israéliennes est jonchée d’une mosaïque de champs agricoles soignés et une clôture que les « commandos » du groupe terroriste palestinien du Hamas de Khuzaa ont facilement enfoncée le 7 octobre dernier.

Les terroristes de l’unité dite « Nukhba » (« élite » en arabe) du Hamas qui ont envahi Nir Oz ont fait le trajet depuis Khuzaa en quelques minutes, équipés de cartes et de motos. Quelques heures plus tard, ils ont laissé derrière eux un kibboutz détruit, baignant dans le sang de 38 victimes tuées, emmenant 77 otages avec eux.

Pour que de telles horreurs ne se reproduisent plus, l’armée israélienne, tout en menant une guerre à l’intérieur de Gaza, est en train de revoir complètement la manière dont elle défend Israël, en particulier les villes les plus proches de l’enclave palestinienne.

Le processus consistera pour Tsahal à passer de mesures défensives plus passives à l’adoption d’une doctrine de sécurité qui verra les habitants de Gaza repoussés loin de la frontière et une force renforcée le long de la clôture activement engagée dans le maintien de la sécurité des villes israéliennes en renforçant la capacité de dissuasion, selon une source de la Défense bien placée qui a informé le Times of Israel sur le développement des plans de sécurisation de la frontière avec Gaza. La source a parlé sous le couvert de l’anonymat.

En se tenant près de la barrière séparant Khuzaa d’Israël lundi, on pouvait entendre les échos des tirs et des explosions provenant des batailles qui se déroulaient à Khan Younès, à quelques kilomètres à l’ouest.

Il est difficile de manquer Nir Oz du côté gazaoui de la barrière. Même depuis la ville d’Abasan, un peu plus à l’intérieur de Gaza, l’usine de peinture du kibboutz, Nirlat, est parfaitement visible.

Un agriculteur de Gaza transportant une botte de blé dans une ferme près de la frontière avec Israël, dans le village de Khuzaa, le 20 mai 2022. (Crédit : Adel Hana/AP)

Une promenade dans les terres agricoles près de la clôture à l’extérieur de Khuzaa et d’Abasan peut sembler bucolique, jusqu’à ce que l’on remarque les marqueurs placés par les troupes de Tsahal pour indiquer l’entrée d’un tunnel.

Le passage souterrain est ce que l’armée appelle un « tunnel d’approche » – il commence à la première ligne de maisons à Khuzaa et mène à la clôture.

Le débouché de ce tunnel, situé à quelques dizaines de pas de la clôture, a été découvert par hasard lorsque de la fumée a commencé à s’élever du sol à la suite d’une frappe aérienne dans une zone urbaine située ailleurs sur l’itinéraire du tunnel.

Jusqu’à la guerre, Tsahal a fermé les yeux sur la construction de tunnels dans toute la bande de Gaza, en vertu d’un accord tacite avec le chef du groupe terroriste palestinien du Hamas, Yahya Sinwar, destiné à désamorcer les tensions. Israël estime qu’il existe des centaines de tunnels d’approche près de la frontière entre Israël et la bande de Gaza, destinés à permettre à des cellules terroristes d’organiser des attaques contre la clôture.

Des troupes israéliennes dans un tunnel souterrain du Hamas, à Gaza, le 4 février 2024. (Crédit : Armée israélienne/AFP)

Le 7 octobre, cependant, les terroristes du Hamas n’ont pas utilisé les tunnels. Au contraire, ils ont pris d’assaut la clôture à la vue de tous, l’ont franchie en plusieurs endroits et se sont élancés vers les villes israéliennes sans interruption.

L’interrogatoire d’un prisonnier affilié au Hamas a révélé qu’il était prévu d’utiliser le système de tunnels pour une deuxième vague d’attaquants, même si, en fin de compte, ceux qui ont pénétré en Israël plus tard le 7 octobre n’ont pas eu besoin de se cacher sous terre.

Des terroristes du Hamas, à proximité du kibboutz Nir Oz lors du massacre du 7 octobre 2023. (Crédit : Hassan Eslaiah/AP)

Les tunnels n’ont été utilisés que plus tard, lorsque les troupes israéliennes ont pénétré dans la bande de Gaza, permettant aux éléments de la Nukhba de tenter de se faufiler parmi les soldats à l’intérieur de l’enclave.

Tsahal a été surpris par le nombre de tunnels découverts, en particulier dans le sud de la bande de Gaza. Les agences de renseignement israéliens savaient que le Hamas avait investi beaucoup de temps et de ressources dans ce projet, mais ils en avaient sous-estimé l’ampleur.

L’armée a découvert que le groupe terroriste palestinien avait construit son réseau souterrain dans cette zone de manière organisée, avec un tunnel d’alimentation situé au cœur de la bande de Gaza et reliant des passages qui s’étendent vers la frontière, ce qui lui permet de déplacer secrètement un grand nombre de terroristes vers Israël.

Le dispositif a manifestement été construit à partir des vestiges du réseau de tunnels d’attaque du Hamas qu’il utilisait pour monter des assauts furtifs à l’intérieur d’Israël pendant la guerre de 2014. Bien qu’Israël ait détruit une grande partie de ce réseau, le Hamas l’a non seulement réparé au cours des neuf années qui ont suivi, mais l’a également étendu.

Des Palestiniens visitant leurs maisons détruites lors du bombardement israélien de la bande de Gaza dans le village de Khuzaa, à l’est de Khan Younès, dans la bande de Gaza, le 26 novembre 2023. (Crédit : Adel Hana/AP)

Tsahal a déclaré qu’une approche de tolérance zéro à l’égard du forage de tunnels ferait partie de ses normes opérationnelles d’après-guerre ; toute identification de creusement de tunnel fera l’objet d’une attaque immédiate au sol ou par voie aérienne.

La source a décrit le protocole comme une « tondeuse à gazon travaillant systématiquement au cours des prochaines années pour tuer toute menace dans l’œuf ».

Zones tampons

La tâche herculéenne que représente la destruction du réseau de tunnels, qui a été confiée au Corps du Génie Militaire de Tsahal, fait partie d’un plan plus vaste visant à créer une zone tampon le long de la frontière. Les responsables prennent soin d’utiliser le terme « zone tampon » et non « zone de sécurité », de peur qu’il ne rappelle la zone de sécurité du sud-Liban maintenue par l’armée israélienne de 1985 à 2000 et considérée internationalement comme une « occupation militaire ».

Des maisons démolies pour créer une zone tampon, à Khuzaa, dans la bande de Gaza, le 18 mars 2024. (Crédit : Amir Bar Shalom)

La décision de créer une zone tampon a été prise au début de la guerre, après que les massacres du 7 octobre ont amené Tsahal à conclure qu’un dispositif d’alerte précoce reposant sur le renseignement et la surveillance était insuffisant pour protéger les villes israéliennes proches de la frontière de Gaza. Les commandants sur le terrain ont constaté qu’il serait nécessaire de passer d’une défense passive à une réponse opérationnelle forte à chaque menace.

Depuis qu’elle a reçu le feu vert du gouvernement, l’armée s’emploie à dégager une bande de terre d’un kilomètre de large le long de la frontière, à l’intérieur de la bande de Gaza, pour créer la zone tampon.

Outre la destruction de dizaines de kilomètres de tunnels, la création de la zone implique de déblayer toute végétation, y compris les champs agricoles, et de raser les maisons et autres bâtiments.

La destruction est évidente à Khuzaa, dont l’extrémité orientale longe pratiquement la frontière. Les maisons qui se trouvaient à quelques centaines de mètres de la clôture avant la guerre sont aujourd’hui réduites à l’état de ruines.

Des bâtiments rasés dans le quartier Shejaiya de la ville de Gaza, dans le cadre des efforts de l’armée pour établir une zone tampon à la frontière avec la bande de Gaza, comme on peut le voir sur une image fournie par Tsahal le 10 janvier 2024. La frontière entre Israël et la bande de Gaza traverse le bas de l’image. (Crédit : Armée israélienne)

L’armée travaille toujours sur le plan administratif de la zone tampon : son aspect, les capacités qu’elle comprendra, les règles d’ouverture du feu sur ceux qui y pénètrent et la possibilité d’une démarcation visible de l’endroit où elle commence.

Ce travail est effectué en collaboration avec la division juridique de Tsahal, qui pourrait un jour avoir à défendre la décision d’exproprier une parcelle de terre de la bande de Gaza.

Avant-postes, drones et habitants armés

Tsahal prévoit aussi des mesures qui transformeront radicalement son dispositif de défense du côté israélien de la barrière. Dans le passé, le risque d’une invasion de Gaza était considéré comme une menace probable par l’armée, mais aujourd’hui, c’est le point de départ logique d’une invasion de la bande de Gaza. Mais aujourd’hui, c’est le point logique pour étayer une nouvelle doctrine de défense, qui verra un renforcement des effectifs et le développement de nouveaux protocoles opérationnels.

Des soldats de l’armée israélienne, dans une zone de rassemblement près de la frontière entre Israël et la bande de Gaza, le 10 mars 2024. (Crédit : Chaïm Goldberg/Flash90)

Il s’agira notamment de construire une ligne d’avant-postes militaires le long de la clôture et à côté des communautés proches de la frontière, promettant une présence militaire considérable et une réponse immédiate aux menaces.

Le 7 octobre au matin, quatre bataillons de l’armée israélienne étaient stationnés le long de la frontière avec Gaza, soit quelques milliers de soldats. Ce nombre va maintenant doubler, si ce n’est plus.

Tsahal accélère également les plans existants visant à déplacer le quartier général de la brigade nord de la Division de Gaza dans un nouveau bâtiment plus proche de sa zone d’opération, au lieu d’être commandé depuis la même base à proximité du kibboutz Reïm, où la Division de Gaza et son autre brigade ont également leur quartier général. Le 7 octobre, des terroristes ont réussi à coincer toute la structure de commandement de la division en lançant un assaut massif sur la base, perturbant ainsi sa capacité à coordonner une réponse efficace à l’assaut multiforme du groupe terroriste palestinien du Hamas dans le sud.

Outre les effectifs, la puissance de feu sera également renforcée. Les drones explosifs du Hamas ont largement mis hors d’état de nuire les équipements de Tsahal déployés aux abords de la barrière pour surveiller la frontière et tirer à distance sur les suspects qui s’en approchent. Aujourd’hui, l’armée cherche à améliorer ces systèmes et à ajouter un grand nombre de drones d’attaque à la panoplie d’outils à la disposition des troupes, donnant ainsi aux soldats stationnés à la frontière la possibilité de déployer une puissance aérienne avant l’arrivée de l’armée de l’air.

Illustration : Un soldat israélien préparant le lancement d’un drone près de la frontière entre Israël et Gaza, dans le sud d’Israël, le 9 janvier 2024. (Crédit : Leo Correa/AP Photo)

En outre, Tsahal est en train de réorganiser son réseau de surveillance, en ajoutant des outils et en permettant aux troupes de contrôler divers systèmes de surveillance à partir de plusieurs endroits en même temps.

Un plan déjà sur le point d’être mis en œuvre est la création d’une force de réserve de réaction rapide contre le terrorisme, composée de résidents vivant près de la frontière de Gaza et ayant une expérience dans les forces spéciales. Cette unité s’inspire de LOTAR Eilat, une unité anti-terroriste composée de résidents de la ville de la mer Rouge et d’autres habitants de la région, qui a été appelée à plusieurs reprises pour répondre à des attaques terroristes avant que d’autres forces ne puissent arriver.

Les volontaires de l’unité s’entraînent une fois par semaine et suivent une formation avancée une fois par mois. Les équipes d’urgence permanentes de l’unité restent en place même lorsque d’autres sont appelées à combattre ailleurs, ce qui garantit une protection continue des civils.

Retour à 2002

Des soldats de l’armée israélienne lors d’un raid militaire dans le camp de réfugiés d’Al-Amari, près de Ramallah, en Cisjordanie, le 4 mars 2024. (Crédit : Flash90)

Le meilleur parallèle à la façon dont la défense dans le sud se présentera après la guerre pourrait être la Cisjordanie, où Tsahal protège les communautés de résidents d’implantations et sécurise la barrière avec Israël tout en mettant en œuvre des opérations offensives visant à désamorcer toute menace terroriste pouvant émerger des zones palestiniennes.

La situation à Gaza et du côté israélien de la frontière aujourd’hui n’est pas sans rappeler la fin de l’Opération « Bouclier défensif », une opération militaire de grande envergure lancée en 2002 en Cisjordanie pour endiguer le terrorisme de la Seconde Intifada, avec notamment de vastes incursions dans les villes palestiniennes.

À l’époque, comme aujourd’hui, Israël a dû se demander comment maintenir les acquis de l’opération une fois que les combats avaient pris fin et que les troupes s’étaient retirées. La différence est que le Hamas à Gaza est beaucoup plus fort et dispose d’une infrastructure terrestre qui n’existait pas en Cisjordanie en 2002.

Il est clair que même une fois la guerre achevée, les troupes devront continuer à opérer à l’intérieur de Gaza. Une fois la zone tampon établie, l’armée espère renforcer sa capacité de dissuasion en déployant une réponse immédiate à toute perturbation éventuelle, afin d’éviter que la situation ne devienne incontrôlable. Mardi dernier, par exemple, les soldats déployés à Khuzaa ont tiré à maintes reprises des coups de semonce sur des civils palestiniens qui tentaient d’atteindre des maisons situées dans la zone tampon.

Les troupes israéliennes déployées, à proximité du kibboutz Nir Oz, à la frontière entre Gaza et Israël, le 6 avril 2018. (Crédit : Menahem Kahana/AFP)

Le 7 octobre n’a pas commencé par cette matinée sanglante. Pendant des années, les Gazaouis ont ébréché la capacité de dissuasion d’Israël par des actes de moindre envergure, comme le lancement de ballons incendiaires et des émeutes bruyantes à la frontière.

Ces provocations ont dégénéré en un massacre au cours duquel le Hamas s’est déchaîné dans le sud du pays, assassinant près de 1 200 personnes, pour la plupart des civils, et en kidnappant 253 autres. Cette fois-ci, Tsahal n’a pas l’intention de faire de concessions.

« Le principe sera clair », a déclaré la source de la Défense. « Le rythme de destruction [des capacités du Hamas] et d’érosion de ses pouvoirs sera plus élevé que le rythme auquel il pourra les reconstituer. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons garantir que ce qui a été ne sera plus. »

La version en hébreu de cet article a d’abord été publiée sur le site jumeau en hébreu du Times of Israel, Zman Yisrael, ici.

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