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Des groupes juifs américains utilisent la science pour lutter contre l’antisémitisme

Des organisations telles que l'ADL constatent que le fait d'attirer l'attention sur la haine des Juifs ne suffit pas à l'endiguer, et se concentrent désormais sur l'inversion active de cette tendance alarmante

Des manifestants lors d'une marche de solidarité juive, à New York, le 5 janvier 2020. (Crédit : Jeenah Moon/Getty Images via JTA)
Des manifestants lors d'une marche de solidarité juive, à New York, le 5 janvier 2020. (Crédit : Jeenah Moon/Getty Images via JTA)

JTA – Lorsque Matt Williams a fondé un centre de recherche pour l’Anti-Defamation League (ADL) en 2022, il s’est juré de « tester impitoyablement et systématiquement » ce que fait l’organisation. L’antisémitisme étant en hausse, il voulait que le Centre de recherche sur l’antisémitisme étudie scientifiquement ce qui pourrait fonctionner pour y mettre un terme.

Selon lui, la création de ce centre signifie que l’on admet que l’une des voix les plus importantes du monde contre l’antisémitisme a agi en s’appuyant sur trop peu de preuves.

« J’irais même jusqu’à dire que l’ADL veut être une organisation à but non lucratif sérieuse, mesurée en fonction de son retour social sur investissement, mais selon de nombreux critères, nous n’avons pas obtenu de bons résultats », a déclaré Williams dans une interview, citant la montée en flèche de l’antisémitisme, la montée de l’extrémisme et l’érosion des normes démocratiques dans le monde entier.

L’ADL a créé le nouveau centre sous la pression croissante des bailleurs de fonds et des administrateurs, a-t-il ajouté.

« Le niveau de tolérance à l’absence de solutions est actuellement très bas. Notre conseil d’administration tient absolument à ce que nous soyons impitoyablement tenus responsables de la résolution des problèmes que nous avons entrepris de résoudre. »

Voici comment la présidente du conseil d’administration de l’ADL, récemment élue, a présenté la situation : « Il est important de signaler, de surveiller et de mesurer l’antisémitisme. Mais cela ne suffira pas à inverser les tendances à l’extrémisme, aux préjugés et au radicalisme dans la société américaine ou mondiale », a déclaré Nicole Mutchnik dans un courriel adressé à la Jewish Telegraphic Agency.

Matt Williams, vice-président du Centre de recherche sur l’antisémitisme de l’Anti-Defamation League. (Crédit : JTA)

Aujourd’hui, avec une équipe de neuf personnes et environ 70 chercheurs affiliés à des universités dans tout le pays, le programme de recherche supervisé par Williams commence à déployer sa puissance scientifique. Il a récemment dévoilé, par exemple, la première étude scientifique réalisée depuis des décennies sur la discrimination anti-juive à l’embauche.

De précédentes études menées par le centre ont en effet montré que les attitudes antisémites sont plus fortement corrélées aux croyances conspirationnistes qu’à tout autre facteur. Il s’est donc associé à une équipe de chercheurs universitaires pour examiner si la correction des informations erronées peut faire la différence.

« Nous avons constaté que nous avions plus de chances de réduire l’antisémitisme en apprenant aux gens à faire face à la désinformation qu’en menant la plupart des activités de lutte contre les préjugés que nous avons réalisées jusqu’à présent », a souligné Williams.

« Le fait de considérer l’antisémitisme comme un problème d’alphabétisation numérique plutôt que comme un problème de droits civiques est un grand changement pour l’ADL. »

L’inquiétude suscitée par l’antisémitisme ces dernières années a entraîné un doublement des dons à l’ADL, qui ont dépassé les 100 millions de dollars en 2022, l’année la plus récente pour laquelle des données complètes sont disponibles. Elle a également suscité la création de dizaines de nouvelles organisations et initiatives, dont certaines critiquent directement l’approche de l’ADL ou tentent de combler les lacunes constatées.

Nombreux sont ceux qui, comme Bari Weiss, auteure de How to Fight Antisemitism (« Comment combattre l’antisémitisme »), préconisent d’embrasser le judaïsme et la fierté juive. D’autres se tournent vers la technologie pour trouver des solutions. Au moins un groupe se concentre sur la dénonciation des antisémites présumés en ligne. Selon l’auteure Dara Horn, la solution réside dans la dédramatisation de la Shoah et l’éducation du public sur les Juifs vivants et leur culture. Les organisations communautaires juives ont également investi des millions de dollars dans des mesures de sécurité physique dans les écoles, les synagogues et d’autres institutions juives.

En 2023, l’administration de Joe Biden a publié un plan comportant des centaines de recommandations détaillées, dont beaucoup s’inspirent de la plateforme de l’ADL. Ce plan propose, par exemple, de rationaliser le signalement des crimes de haine à tous les niveaux de l’application de la loi et de mieux prendre en compte l’observance de la religion juive sur le lieu de travail.

À droite, le projet Esther de la Heritage Foundation propose de réprimer les groupes anti-Israël une fois que Donald Trump sera de retour à la Maison Blanche. Parallèlement, des groupes de gauche comme Diaspora Alliance et Jews for Racial and Economic Justice (JREJ) affirment qu’une réponse efficace à l’antisémitisme passe par la construction d’une solidarité avec les Palestiniens et d’autres groupes qu’ils considèrent comme opprimés.

L’envoyé spécial adjoint des États-Unis pour combattre et surveiller l’antisémitisme Aaron Keyak (à gauche) et l’envoyée spéciale pour surveiller et combattre l’antisémitisme Deborah Lipstadt témoignant de la récente montée de l’antisémitisme et de sa menace pour la démocratie devant la commission Helsinki des États-Unis, dans le Dirksen Senate Office Building, sur Capitol Hill, à Washington, le 13 décembre 2022. (Crédit : Chip Somondevilla/Getty Images via AFP)

Même si les points de vue et les tactiques varient, la communauté juive s’accorde à dire que la lutte contre l’antisémitisme ne se limite pas à tirer la sonnette d’alarme. Par conséquent, la recherche de solutions fondées sur des données probantes, basées sur la recherche en sciences sociales, commence à prendre de l’ampleur.

« Nous devons consacrer davantage de ressources à la recherche sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas », a déclaré Holly Huffnagle, directrice de la lutte contre l’antisémitisme à l’American Jewish Committee (AJC), lors d’une interview.

« Nous sommes nombreux à en parler dans le monde juif. »

Huffnagle a déclaré que l’AJC, considérée comme un homologue de l’ADL en termes de taille et d’héritage, ne sponsorise pas actuellement la recherche universitaire évaluée par les pairs, mais qu’un tel programme pourrait transformer le travail de son organisation.

« Si nous constatons que nos interventions ne fonctionnent pas, nous devons être capables et disposés à nous éloigner de ce que nous faisions dans le passé », a-t-elle déclaré.

« Disposons-nous d’informations sur ce qui change réellement les cœurs et les esprits ? »

Pour répondre à cette question, deux politologues spécialisés dans ce qu’ils appellent le « deep canvassing » utilisent une subvention de l’ADL pour étudier quels types de récits sur les Juifs, lorsqu’ils sont présentés aux gens, peuvent être efficaces pour réduire les préjugés. Les chercheurs, David Broockman de l’Université de Californie à Berkeley et Josh Kalla de l’Université de Yale, ont déjà démontré l’efficacité de cette technique dans le contexte des préjugés à l’encontre des personnes transgenres.

Pour leur nouvelle étude, les chercheurs ont réalisé des séquences vidéo de deux minutes présentant huit types de récits sur les Juifs et les ont diffusées sur Internet auprès d’un public d’environ 23 000 personnes interrogées dans le cadre d’une enquête.

Jonathan Greenblatt, PDG de l’Anti-Defamation League, lors de la conférence « Never is Now », à New York, le 5 mars 2024. (Crédit : Autorisation)

Regarder chacun de ces huit types de narration a entraîné une baisse des préjugés, mais certains ont eu un effet beaucoup plus important que d’autres. Par exemple, le bipartisme – une vidéo montrant à la fois Trump et Biden condamnant l’antisémitisme – a eu plus d’impact qu’une vidéo montrant un personnage juif fictif souffrant, mais beaucoup moins d’impact qu’une vidéo présentant la souffrance comme le résultat d’une discrimination.

Un autre signe de la prise de conscience en cours est la multiplication des nouveaux programmes universitaires axés sur l’étude de l’antisémitisme. Le Gratz College, un établissement juif d’enseignement supérieur de Philadelphie, propose désormais un master sur le sujet. L’Université de New York, l’Université du Michigan et l’Université de Toronto ont toutes investi récemment dans le domaine des « études sur l’antisémitisme ».

Ayal Feinberg, politologue et créateur de la maîtrise sur l’antisémitisme à Gratz, estime que de nombreux autres programmes de ce type auraient dû être mis en place depuis longtemps. Selon lui, la vague de manifestations anti-Israël et la flambée de l’antisémitisme aux États-Unis après le pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre 2023 sur le sud d’Israël, au cours duquel plus de 1 200 personnes ont été tuées et 251 autres ont été prises en otage, ont soudainement fait apparaître la nécessité de mettre en place de tels programmes.

« Après le 7 octobre, de nombreux acteurs de ce domaine ont été pris à la gorge et se sont empressés d’investir dans des interventions significatives visant à réduire l’antisémitisme », a déclaré Feinberg lors d’une interview.

Le président américain Joe Biden (à droite) et le président élu Donald Trump, dans le bureau ovale de la Maison Blanche, à Washington, le 13 novembre 2024. (Crédit : Evan Vucci/AP)

« Mais ces interventions ne sont pas vraiment disponibles, car il n’y a pas eu de domaine consacré systématiquement à leur développement. »

Alors que Feinberg, dont les recherches quantitatives sont parrainées par le nouveau centre de l’ADL, développe le domaine par le biais d’une discipline spécifique, il y a également toute une série de professeurs issus de domaines académiques établis tels que l’économie, les sciences politiques et la sociologie qui s’intéressent depuis peu à l’étude de l’antisémitisme.

Selon Williams, le nombre d’universitaires a fortement augmenté, de même que leur niveau. Il cite l’exemple de Dean Karlan, éminent professeur d’économie à l’Université Northwestern et ancien économiste en chef de l’Agence des États-Unis pour le développement international.

« C’est la qualité de la recherche que nous obtenons aujourd’hui en tant que partenaire, ce qui, franchement, n’était pas le cas il y a cinq ou dix ans », a souligné Williams.

Le parrainage d’universitaires par l’ADL intervient à un moment où les relations de l’organisation avec les établissements d’enseignement supérieur sont controversées. Alors que les campus universitaires sont devenus l’épicentre du mouvement militant anti-Israël visant à mettre fin à l’aide militaire américaine à Israël et à qualifier de génocide les actions israéliennes contre le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza, l’ADL s’est impliquée de manière affirmée dans des débats brûlants sur la question de savoir où tracer la ligne de démarcation en matière de liberté d’expression. Le groupe affirme vouloir protéger les étudiants juifs contre le harcèlement et les comportements menaçants des manifestants anti-Israël. Dans le cadre de cette mission, il s’est montré hostile aux universités, accusant les administrateurs de ne pas s’opposer à l’antisémitisme et publiant un « bulletin de notes » controversé évaluant les établissements en fonction de leur réaction à cet égard.

Toutefois, par l’intermédiaire de Williams et de son équipe, l’organisation a également essayé de mieux comprendre ce qui se passe exactement sur les campus et pourquoi la situation y semble pire que dans d’autres contextes. Une étude parrainée par l’ADL et réalisée par un professeur de l’Université de Californie à Irvine a conclu que l’augmentation de l’antisémitisme sur les campus se produit là où il y a moins d’alliés sur le campus – et pas nécessairement là où il y a plus d’antisémites ou là où il y a une section du campus du groupe anti-Israël Students for Justice in Palestine (SJP).

« L’antisémitisme est davantage toléré tacitement en public parce qu’il y a moins de spectateurs disposés à intervenir. Le coût social perçu de l’antisémitisme est beaucoup plus faible qu’ailleurs et cela est plus prédictif pour nous que la présence d’un SJP sur le campus», a noté Williams.

Tout écart perçu entre les messages de l’ADL et les résultats de ses recherches peut rendre le programme de Williams – et les universitaires avec lesquels il s’associe – vulnérable à la remise en question et à la critique. C’est en partie la raison pour laquelle de nombreux observateurs considèrent son action comme audacieuse et risquée, même s’ils la soutiennent.

Illustration : La phrase « Zéro tolérance pour l’antisémitisme », écrite sur un carton lors d’un rassemblement. (Crédit : Andrii Koval/iStock)

« Il y a un risque de brouiller la ligne entre le plaidoyer et l’érudition à un moment où la crédibilité institutionnelle est faible, où la société est très polarisée et où tout est politisé », a déclaré James Loeffler, historien et directeur du programme d’études juives à l’Université Johns Hopkins.

« La recherche ne sera pas acceptée, car elle sera considérée comme défendant un point de vue politique. »

La carrière de Williams en tant qu’universitaire aurait pu prendre une autre direction s’il n’avait pas été convaincu du danger pressant de l’antisémitisme actuel.

Il a terminé sa formation doctorale en sciences sociales comportementales à l’Université de Stanford en 2012, puis a travaillé sur divers projets de recherche avant de rejoindre l’Orthodox Union (OU). En tant que plus grande agence de certification de la casheroute au monde, l’OU génère des millions de dollars de revenus, dont la plupart sont alloués à des causes caritatives. Williams a élaboré un programme de recherche fondé sur des données afin d’aider l’organisation à dépenser ces fonds de manière plus efficace.

Il s’intéresse également depuis longtemps à l’étude des préjugés, ce qui s’explique en partie par ses antécédents familiaux peu communs : son grand-père paternel, membre de la Choctaw Nation of Oklahoma, a épousé une femme juive séfarade originaire du Maroc.

En 2019, Williams, qui a grandi dans une famille juive pratiquante d’Atlanta et qui a toujours été conscient de la façon dont ses origines le distinguaient des autres, a pris connaissance de données montrant que les Américains devenaient moins tolérants à l’égard de la différence. Deux événements récents ont mis en évidence ce constat : la marche des néo-nazis à Charlottesville, en Virginie, en 2017, suivie de l’attentat meurtrier perpétré l’année suivante contre des Juifs à la synagogue Tree of Life de Pittsburgh.

Après chacun de ces événements, l’ADL est entrée en action, faisant appel à sa liste d’experts pour expliquer au public les explosions d’antisémitisme violent. Cependant, au cours des conversations privées que Williams a eues avec le groupe, l’une des organisations les plus importantes au monde dans la lutte contre la haine et l’extrémisme a pris conscience d’un fait qu’il aurait été gênant d’admettre publiquement : elle ne comprenait pas suffisamment bien l’antisémitisme ni la manière de le combattre. Un nouveau paradigme était donc devenu nécessaire.

« Nous manquions de ressources quand il était question de réfléchir à l’antisémitisme », a déclaré Williams.

Deborah Lipstadt, envoyée spéciale pour surveiller et combattre l’antisémitisme, prenant la parole lors du rassemblement de la Marche pour Israël, à Washington, le 14 novembre 2023. (Crédit : Daryl Perry)

« L’ADL était en quelque sorte devenue une organisation de défense des droits civiques. Et nous avons commencé, surtout après Charlottesville, à réaliser que nous avions besoin de plus de ressources pour lutter contre l’antisémitisme. La personne qui m’a embauché était du genre à dire ‘c’est bizarre que nous n’ayons pas ce genre de ressources’. »

Cette personne était Adam Neufeld, directeur des opérations de l’ADL, qui « a vu la nécessité de développer de nouvelles théories du changement et de les tester de manière empirique », a indiqué Williams.

Lorsque le Centre de recherche sur l’antisémitisme a été inauguré il y a environ deux ans et demi, son nom seul a suffi à attirer l’attention des historiens qui étudient l’antisémitisme et l’histoire juive américaine. Dans les premières décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, les groupes juifs américains, dont l’ADL, ont investi massivement dans la recherche universitaire sur les sources de l’antisémitisme.

« À l’époque, on pensait que les sciences sociales pourraient améliorer la vie des gens, que l’humanité pourrait être perfectionnée en appliquant des modèles de recherche scientifique aux problèmes sociaux », a déclaré Pamela Nadell, historienne à l’American University et auteure du livre à paraître Antisemitism, an American Tradition (« L’antisémitisme, une tradition américaine »).

Des personnes assistant à la manifestation « PAS DE PEUR : Rassemblement de solidarité avec le peuple juif », co-parrainé par l’Alliance pour Israël, l’Anti-Defamation League, l’American Jewish Committee, le B’nai B’rith International et d’autres organisations, à Washington, le 11 juillet 2021. (Crédit : Susan Walsh/AP)

Grâce à des subventions accordées par des groupes juifs, des psychologues sociaux, des sociologues et d’autres chercheurs ont étudié les liens entre l’antisémitisme et le totalitarisme, la religion et d’autres formes de stéréotypes raciaux et ethniques. Il s’agissait d’une tentative organisée pour comprendre le psychisme des antisémites.

À cette fin, l’ADL a commandé une étude d’opinion publique dans l’espoir de comprendre la nature des préjugés et de déterminer s’ils sont liés, par exemple, à l’âge ou au niveau d’éducation.

Les historiens ignorent toujours pourquoi et quand l’investissement dans ce type de recherche a pris fin. Cela est en partie dû au fait que l’ADL n’a pas encore rendu ses archives particulièrement accessibles aux chercheurs, contrairement à d’autres groupes comme l’American Jewish Committee, l’American Jewish Congress et le Bnai Brith International, qui ont soit remis des documents à une bibliothèque, soit créé leur propre dépôt ouvert, dans certains cas en numérisant même de grandes parties de leurs archives.

Selon Williams, le programme de recherche de l’ADL s’est essoufflé dans les années 1980 parce que la menace de l’antisémitisme était considérée comme étant en déclin.

« La plupart des gens avaient une attitude positive à l’égard des Juifs, les taux d’incidents étaient – de l’avis de la plupart – beaucoup plus faibles, la demande de solutions réelles et tangibles était moins forte », a-t-il noté.

À l’époque, aux États-Unis, plus la personne moyenne était âgée, plus elle était susceptible d’avoir des attitudes antisémites. Il n’y avait pas de corrélation démographique plus forte que celle de l’âge et de l’antisémitisme. En 1992, une étude de l’ADL a d’ailleurs noté que « l’afflux constant d’Américains plus jeunes et plus tolérants dans la population adulte » était le principal facteur de la baisse de l’antisémitisme depuis 1964. Il semblait presque que le pays était en train de s’affranchir du problème en vieillissant.

En 2014, selon Williams, le type d’antisémitisme intense que l’on croyait appartenir au passé refaisait surface et, finalement, s’accélérait à tel point que l’ADL devait revoir son ancienne stratégie en matière de recherche en sciences sociales.

« Je dirais que la principale différence est que nous travaillons davantage sur les interventions que sur la description du phénomène », a précisé Williams, comparant sa génération aux chercheurs du boom de l’après-Seconde Guerre mondiale. « Mais l’un ne va pas sans l’autre. Nous nous appuyons sur leurs recherches. »

Le second gentleman Douglas Emhoff (au centre), époux de la vice-présidente Kamala Harris, prononçant un discours lors d’une table ronde sur la montée de l’antisémitisme, dans l’Indian Treaty Room de l’Eisenhower Executive Office Building, à Washington, le 7 décembre 2022. (Crédit : Chip Somodevilla/GETTY IMAGES NORTH AMERICA/Getty Images via AFP)

En réponse à une demande d’informations de la part de la JTA, le PDG de l’ADL a rejeté l’idée que l’organisation ait fondé le Centre de recherche sur l’antisémitisme en raison d’un nouvel engagement ou d’un engagement renouvelé.

« À l’ADL, nous avons toujours cherché à fonder notre travail sur des preuves et à façonner nos approches sur la base de la recherche », a déclaré le PDG du groupe, Jonathan Greenblatt, dans une réponse écrite à une série de questions.

« Nous suivons l’évolution de l’antisémitisme depuis des décennies, en mesurant les attitudes et en suivant les incidents, et les enseignements tirés de ce travail ont contribué à informer et à façonner les politiques et les programmes. »

Toutefois, Greenblatt a également reconnu que les événements récents imposent de profonds changements au sein de l’ADL.

« Après le 7 octobre, rien ne sera plus jamais comme avant. C’est pourquoi l’ADL nous a obligés à prendre du recul, à nous regarder dans le miroir et à nous poser des questions difficiles sur la manière dont nous en sommes arrivés là, et sur ce que nous allons faire différemment en réponse à cette situation. »

Greenblatt poursuit : « En toute honnêteté, je pense que chaque organisation juive devrait entreprendre ce type de processus compte tenu du 7 octobre. Pour l’ADL, cela signifie prendre un temps d’arrêt et examiner nos politiques, évaluer nos programmes, nous efforcer de mesurer l’efficacité de nos activités et prendre des décisions difficiles sur la base de ce que nous apprenons. Le Centre de recherche sur l’antisémitisme nous a aidés à le faire. »

L’introspection de l’ADL au cours des dernières années s’inscrit dans un contexte de critiques croissantes quant à l’inefficacité des approches traditionnelles de lutte contre l’antisémitisme. Les critiques viennent aussi bien de la droite que de la gauche.

La droite a eu tendance à reprocher à l’ADL d’être trop laxiste à l’égard du mouvement anti-Israël ou de se laisser distraire de sa mission principale de défense des Juifs par des idées progressistes sur la race et l’identité.

Jonathan Greenblatt participant à une table ronde lors du sommet du mois du patrimoine des TAAF, au Glasshouse, à New York, le 5 mai 2023. (Crédit : JP Yim/Getty Images via AFP)

L’ADL a également été affectée par la méfiance qui règne dans la société à l’égard des institutions héritées du passé, en particulier de celles qui sont perçues par la droite comme ayant un parti pris de gauche. Fondée en 2018, une organisation appelée StopAntisemitism s’est positionnée comme une alternative populaire à cet égard. Plongeant tête la première dans la mêlée chaotique des réseaux sociaux, le groupe a rapidement acquis des abonnés qu’il a envoyés sur une multitude de cibles qu’il accusait d’avoir un comportement anti-juif et anti-Israël.

À certains égards, le courant dominant s’est déplacé vers la droite lorsqu’il est question de lutter contre l’antisémitisme. Lorsque Kenneth Marcus et le Brandeis Center for Human Rights Under Law ont commencé à utiliser des tactiques juridiques agressives pour lutter contre l’antisémitisme sur les campus universitaires, il y a plusieurs années, de nombreux dirigeants communautaires juifs ont rejeté ses efforts. Aujourd’hui, ils sont beaucoup moins enclins à dire à Marcus que ses tactiques sont contre-productives qu’il établit un amalgame entre la critique d’Israël et l’antisémitisme. Au contraire, ils commencent à s’associer à lui dans le cadre de poursuites judiciaires.

Parallèlement, l’ADL est souvent accusée de se préoccuper principalement de l’antisémitisme, dans la mesure où celui-ci peut être utilisé comme une arme dans son plaidoyer en faveur d’Israël. Enracinée dans le concept d’intersectionnalité, la gauche soutient que toutes les formes d’oppression sont imbriquées et doivent donc être combattues en tandem. L’un des résultats de cette pensée est une attention critique portée à un certain type de rhétorique de l’ADL, comme lorsque Greenblatt a moralement assimilé les groupes anti-sionistes à des suprémacistes blancs ou lorsqu’il a semblé comparer le keffieh – le foulard arabe censé protéger du soleil et du sable qui est devenu un symbole du nationalisme palestinien – à la croix gammée nazie, bien qu’il ait précisé plus tard qu’il ne pensait pas que le keffieh était un symbole de haine.

Un groupe qui illustre cette critique est l’Alliance de la diaspora, qui affirme que les craintes des Juifs sont exploitées à des fins pro-Israël au détriment des normes démocratiques protégeant la société civile et la liberté d’expression. Emma Saltzberg, directrice des campagnes stratégiques du groupe aux États-Unis et critique de l’ADL, accuse Greenblatt de s’engager dans une rhétorique qui sape souvent ce qu’elle considère comme l’expertise précieuse du personnel technique de l’organisation. Elle s’attend à ce que le nouveau programme de recherche de l’ADL s’inscrive dans la même dynamique.

Gisele Kahalon, une étudiante juive de l’Université Drexel qui travaille avec le groupe d’étudiants orthodoxes Olami, entourée de la représentante républicaine Nancy Mace de Caroline du Sud (à gauche), du personnel d’Olami et d’autres étudiants juifs, plaidant en faveur de changements dans le système de signalement de l’antisémitisme du Titre VI lors d’une conférence de presse devant le Capitole des États-Unis, à Washington, le 19 mars 2024. (Crédit : Olami)

« Je pense qu’il est possible que de bonnes choses sortent de recherches financées par des acteurs aux agendas politiques douteux », a déclaré Saltzberg lors d’une interview.

« Dans le même temps, Jonathan Greenblatt, porte-parole et dirigeant de l’ADL, a fait preuve d’un mépris constant à l’égard des experts internes de l’organisation, de sorte que les universitaires qui s’associent à l’organisation risquent de nuire à leur réputation de chercheurs sérieux. »

Williams a défendu Greenblatt, rejetant l’idée que ses déclarations publiques aient servi à saper le travail technique de l’organisation. Il a déclaré qu’il travaillait avec toute une série de chercheurs qui n’étaient pas d’accord avec l’ADL sur tous les points et qu’il ne s’inquiétait pas des personnes dont l’opposition à l’ADL était irréductible. Il a toutefois ajouté qu’étant donné la difficulté du travail de Greenblatt, l’ADL peut toujours s’améliorer.

« Nous devons impérativement reconnaître – pour ne citer qu’un exemple – que de nombreuses personnes adoptent des positions anti-Israël en raison d’un engagement et d’un dévouement humanitaires réels », a admis Williams.

« Il faut le reconnaître et, en même temps, présenter les preuves que de nombreuses personnes sont blessées par des méthodes qui les distinguent en tant que Juifs en raison d’un soutien présumé, et encore plus manifeste, à Israël. »

Le travail de Williams à l’ADL ne fait que commencer, mais il est déjà parvenu à une conclusion fondamentale dans la lutte contre l’antisémitisme.

« La grande leçon à retenir, c’est que nous pouvons réellement le faire reculer. »

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