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Des Juifs allemands s’enthousiasment pour un carnaval catholique traditionnel

Pour la première fois depuis les années 1930, quand les nazis ont interdit aux Juifs d'y participer, un club juif a défilé à Cologne sous ses propres couleurs

  • Le char des frères juifs, Patric et Frank Levy. (Toby Axelrod)
    Le char des frères juifs, Patric et Frank Levy. (Toby Axelrod)
  • Les frères Patric et Frank Levy, à bord de leur char au carnaval de Cologne, "Rosenmontag". (Toby Axelrod)
    Les frères Patric et Frank Levy, à bord de leur char au carnaval de Cologne, "Rosenmontag". (Toby Axelrod)
  • Amit Beumling et son père, Dieter Beumling, portant ses couleurs, à la soirée de lancement de Kölsche Kippa Köpp dans la synagogue de la Roonstrasse de Cologne. (Toby Axelrod)
    Amit Beumling et son père, Dieter Beumling, portant ses couleurs, à la soirée de lancement de Kölsche Kippa Köpp dans la synagogue de la Roonstrasse de Cologne. (Toby Axelrod)
  • Aaron Knappstein, avec son chapeau bleu et blanc, regarde le carnaval de Cologne avec des amis. (Toby Axelrod)
    Aaron Knappstein, avec son chapeau bleu et blanc, regarde le carnaval de Cologne avec des amis. (Toby Axelrod)

COLOGNE (JTA) – Il n’y a pas de lien religieux direct entre Pourim et les carnavals, qui ouvrent la période catholique du Carême. Mais certaines comparaisons peuvent être faites : les deux fêtes consistent à se déguiser, à organiser des concours de beauté, à partager des friandises et à boire de l’alcool.

Au moins à Cologne, en Allemagne, ces liens sont encore plus étroits maintenant qu’un club de carnaval juif a été créé, avec ses membres se joignant pour la première fois depuis les années 1930 à la fête sous la bannière de leur propre club.

La Kölsche Kippa Köpp (littéralement, la kippa de Cologne, ou keppele, pour les yiddishophones), a été officiellement lancée ce mois-ci avec un repas et des discours à la synagogue Roonstrasse.

Le club juif a même son propre couvre-chef spécial : un béret bleu et blanc avec un rabat qui se soulève pour révéler une étoile de David et la prière des voyageurs sur un fond rouge.

Pour l’instant, le club compte 14 membres, affirme son président, Aaron Knappstein, 48 ans. Les demandes affluent.

Cette célébration annuelle attire des centaines de milliers de personnes dans les rues et les pubs de Cologne et au défilé de Rosenmontag, l’un des plus importants d’Europe. Des centaines de chars associés à différents clubs se faufilent dans les rues bondées ; des participants costumés perchés sur les chars lancent des bonbons vers les bras tendus – ou les fenêtres – des spectateurs du défilé.

Aaron Knappstein, avec son chapeau bleu et blanc, regarde le carnaval avec des amis. (Toby Axelrod)

« Presque tous ceux qui ont une fonction à Cologne dans la politique, la culture, l’économie sont membres d’un club de carnaval, parce que cela fait partie de la culture générale de la ville », a déclaré Knappstein, qui travaille pour une organisation venant en aide aux réfugiés et fait du bénévolat au Centre de documentation sur le nazisme de Cologne.

Le jour, les rues sont remplies de gens de tous âges et de toutes origines, certains portant des perruques aux couleurs vives, d’autres déguisés en animaux. Un homme en costume de kangourou avec un bébé kangourou dans sa poche ventrale ; un groupe de religieuses et de prêtres au sexe difficile à distinguer ; un homme juché apparemment sur l’épaule de Donald Trump.

« Il y a quelques années, j’ai vu quelqu’un porter un costume de juif orthodoxe », se souvient Knappstein, qui a enfilé un kilt écossais pour le Rosenmontag.

Pour les membres du club juif, le carnaval était une répétition générale pour Pourim, qui a eu lieu cette année le 21 mars.

« Il faut se déguiser, libérer son esprit et montrer qu’il n’y a rien de mal à être différent », a déclaré Robert Katona, 47 ans, originaire de Cologne, bière à la main, lors du lancement du club, la veille du défilé. « C’est aussi de cela dont il s’agit à Pourim : on a survécu et on montre qu’on est heureux ».

« J’ai grandi à Cologne et je me demandais pourquoi la communauté juive ne célébrait pas le carnaval comme je le fais », explique Dieter Beumling, 58 ans, un graphiste qui a créé le chapeau du nouveau club. « J’ai découvert que certains Juifs font vraiment la fête comme moi ! »

Amit Beumling et son père, Dieter Beumling, portant ses couleurs, à la soirée de lancement de Kölsche Kippa Köpp dans la synagogue de la Roonstrasse de Cologne. (Toby Axelrod)

« L’idée d’un club juif, que mon père et d’autres ont créé, me rend très fière », dit Amit, 25 ans, la fille de Beumling. « Les Juifs n’avaient pas le droit d’en faire partie sous les nazis. Et aujourd’hui, nous avons nos propres couleurs ».

Le club juif n’a pas encore son propre char, mais tout viendra en temps voulu, dit Knappstein.

« C’est un miracle que nous existions », a-t-il dit.

« Nous ne voulons pas être associés uniquement à l’antisémitisme », a déclaré Bettina Levy, membre du conseil d’administration de la synagogue, déguisée de façon convaincante en Frida Kahlo, la célèbre artiste mexicaine. « Nous voulons aussi nous amuser ».

Une « force motrice » du club juif, a déclaré le vice-président Patric Levy, n’est pas juif : Christoph Kuckelkorn, président du comité des fêtes du carnaval, qui dirige son entreprise familiale de pompes funèbres, est un fan d’Israël et est très proche de la communauté juive.

« Il connaît beaucoup de carnavaliers juifs dans différents clubs et a essayé de les réunir », explique Levy.

Une histoire plus sombre était présente dans l’esprit de tous les membres.

La relation entre les Juifs et le carnaval remonte à l’époque du lancement de l’événement public en 1823, a déclaré l’historien Marcus Leifeld aux participants du rassemblement. David Levy Elkan, artiste juif du 19e siècle, a publié ses lithographies du défilé, contribuant ainsi à la renommée de l’événement. Au début des années 1920, l’artiste de cabaret juif Hans David Tobar a écrit et mis en scène des revues de carnaval très populaires.

Le char des frères juifs, Patric et Frank Levy. (Toby Axelrod)

Mais en 1923, alors que l’Allemagne traversait une crise économique après la Première Guerre mondiale, les Juifs devinrent des boucs émissaires et furent exclus des grands clubs de carnavals. C’est à cette époque que le carnavalier juif Max Salomon cofonda le Kleinen Kölner Klub (Petit Club de Cologne), qui fut au départ un club de bowling juif (Kegel). Le Kleinen Kölner Klub organisa même des bals masqués à l’époque. (Les initiales malheureuses du nouveau club KKK sont un hommage au Kleinen Kölner Klub, soulignent les membres, et non au Ku Klux Klan.)

Mais après 1930, les Juifs disparurent des archives du carnaval. Sous les nazis, la seule référence aux Juifs était dans les chars antisémites (une tradition nauséabonde relancée plus tôt cette année lors d’un défilé d’un carnaval belge).

Plusieurs membres du premier club juif de Cologne furent déportés et assassinés par les nazis. D’autres, comme Tobar et les frères Salomon Max et Willi, émigrèrent aux États-Unis ou en Palestine et firent même perdurer les traditions du carnaval une fois en exil.

Cette année, les 18 et 19 mars, des plaques commémoratives en forme de pavés – des blocs de laiton gravés, un projet lancé en 1995 par l’artiste Gunter Demnig de Cologne – ont été placées sur les trottoirs des dernières adresses de Tobar et des frères Salomon à Cologne.

Le premier carnaval de l’après-guerre a eu lieu il y a 60 ans, à Cologne, dévastée par les bombardements.

« Les gens se tenaient sur des monticules de gravats pour regarder », raconte Leifeld.

Les frères Patric et Frank Levy, à bord de leur char au carnaval de Cologne, « Rosenmontag ». (Toby Axelrod)

« Chaque fois que vous décidez de vivre dans une société donnée, vous en faites partie », a déclaré Katona, petit-fils de survivants de la Shoah en Europe de l’Est. « Ça ne veut pas dire qu’on oublie. Nous l’avons toujours en tête. Mais nous devons continuer nos vies et montrer que c’est le cas. »

Le montrer, c’est ce qu’ils ont fait : le matin du Rosenmontag, les frères Patric et Frank Levy – vêtus des costumes bleus à double boutonnage et des chapeaux à plumes de leur club Blaue Funken (Etincelles bleues) – montent à bord de leur char et se préparent à jeter quelque 2 500 caramels au chocolat et autres friandises et des centaines de bouquets à un public qui en redemande.

Au fur et à mesure que le char se frayait un chemin sous la porte médiévale de Severin près de Chlodwigplatz, au début du défilé, les applaudissements se sont intensifiés. Les habitants de Cologne se pressaient dans les rues, s’asseyaient sur le rebord de leurs fenêtres, les jambes pendantes. Certains tenaient des paniers ou des filets de pêche : « Caramels, caramels ! » Avec un large sourire, les frères donnèrent généreusement.

À environ 1,5 kilomètre de là, Knappstein avait organisé une fête sur son balcon surplombant le parcours du défilé. Pendant quatre heures, des chars sont passés devant ; la collecte de friandises fut considérable.

À un moment du défilé, un chef d’orchestre remarqua la bannière suspendue au balcon de Knappstein : Kölsche Kippa Köpp, en allemand et en hébreu. Il tendit la main pour arrêter la musique, leva les yeux vers le balcon et salua : « Shalom ! » Puis poursuivit sa route.

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