Des Juifs israéliens à Nazareth pour vivre un Noël « européen »
Pour le visiteur Juif de la ville israélo-arabe, les voyages à l'étranger ont aiguisé l'appétit pour les biscuits et chants de Noël désormais disponible à proximité de la maison
Nous sommes le 24 décembre et la messe principale de Noël de Nazareth est sur le point de commencer. Les fidèles se rassemblent à l’entrée, tout juste après l’allumage des bougies de Hanoukka.
Les Juifs israéliens se pressent dans la ville natale de Jésus, arrivés de tout le pays, déterminés à vivre des scènes qui leur sont familières grâce à leur connexion à Netflix, mais absents de la majeure partie d’Israël.
« Nous voyons Noël tout le temps à la télévision, mais nous ne le voyons pas d’assez près et nous ne le vivons pas », explique Alex Gal, qui a fait un aller-retour de six heures depuis le kibboutz Tlalim, dans le désert du Néguev, pour voir les lumières et entendre les rires des pères Noël.
Nazareth est une ville mixte, musulmane et chrétienne, et Gal a parlé fort pour se faire entendre malgré les bruits de la rue – des chants de Noël en langue arabe combinés avec le son de l’appel à la prière de la mosquée. Sa femme, Rina, qui était debout avec leurs deux filles, a dit : « J’ai cherché sur Google ‘Noël en Israël’ et ça a donné Nazareth. Les gens vont à l’étranger pour le voir, mais nous venons juste d’arriver ici. Je voulais connaître l’ambiance. »

Tout près, un guide touristique pressait son groupe de quitter Nazareth. Il avait proposé une offre spéciale deux pour le prix d’un, qui comprenait également un séjour dans l’autre grande ville de Noël d’Israël : Haïfa.
Des dizaines de milliers de touristes juifs ont visité Nazareth ces derniers jours, selon le responsable de l’office du tourisme, Roz Hayek. Beaucoup obtiennent leur part de Noël en se rendant au grand sapin et au marché, qui sont au centre-ville, et au musée en plein air du village de Nazareth, qui est à 10 minutes à pied et qui honore « la vie, les jours et les enseignements de Jésus ». Mais certains vont plus loin, et veulent aussi faire l’expérience de l’église.
La messe principale, à l’église de l’Annonciation, est encore majoritairement suivie par les chrétiens locaux, mais il y a tellement d’intérêt de la part des autres qu’une billetterie a été mise en place.
Alors que la foule se rassemblait devant l’immense bâtiment illuminé de l’église, la kibboutznik Inbar Tal et son mari Chaim étaient excités. « Les gens qui sont là sont sur le point de célébrer un moment spécial, et même si c’est leur histoire, et non la mienne, ce sera toujours émouvant », a-t-elle dit.
Tal, 53 ans, qui vit au kibboutz Kfar Menahem dans le sud, a déclaré que ce genre d’aventure culturelle était inhabituel quand elle était jeune, « mais maintenant il y a beaucoup de gens qui veulent vivre des expériences comme celle-ci ». Son mari a fait un commentaire : « C’est le même changement qui fait que les Juifs israéliens affluent en Inde – aujourd’hui nous sommes vraiment ouverts au monde. »

Au centre d’information touristique de la ville, l’employée surchargée de travail, qui fait partie des 177 000 chrétiens d’Israël, essaie de rentrer chez elle pour se préparer aux fêtes de Noël avec sa famille.
« Il y a eu plus de visiteurs juifs que les autres années », a commenté Hayek, car les gens ont ignoré le panneau « Fermé » et continuent d’entrer dans l’office de tourisme. « Il n’y a pas une seule chambre d’hôtel », dit-elle. Mais aujourd’hui, personne n’a besoin de recourir à une étable – Airbnb se charge volontiers de ce travail supplémentaire.

Dans la boutique de El Mokhtar Sweets, le propriétaire Mohanda Oudah, un musulman fou de Noël, est en mesure de citer les listes d’ingrédients de chaque produit pour ses clients qui observent la casheroute. Il retourne le baklava trempé de sirop aussi vite qu’il le peut, mais la queue s’étend toujours jusqu’au trottoir.
« Chaque année, son activité augmente de 20 % à Noël », a dit Oudah, ajoutant que la plupart de l’augmentation est due aux visiteurs juifs.
Amer Zaher a lui aussi remarqué le changement depuis son poste dans la section chorale de l’église de l’Annonciation. Il y a eu des froncements de sourcils parmi les fidèles ces dernières années, car certains visiteurs juifs ont sorti de la nourriture ou laissé des enfants jouer avec des téléphones pendant la messe, mais Zaher ne dit pas de mal de ce contact interconfessionnel. « C’est une fête pour tout le monde, pas seulement pour nous », dit-il joyeusement, alors qu’il s’empresse de se préparer pour sa dernière répétition avant la messe.

D’intenses campagnes publicitaires à la télévision et à la radio en langue hébraïque ont contribué à stimuler le tourisme à Nazareth. Cette année en particulier, le fait que Noël tombe pendant les vacances scolaires de Hanoukka a aidé à faire avancer les choses.
Nazareth doit également à des compagnies aériennes à bas prix l’augmentation du nombre de visiteurs nationaux. Dans un café, trois jeunes de 18 ans de Givatayim mangeaient du baklava. « J’étais à Berlin il y a un mois et j’ai vu Noël pour la première fois, alors je voulais en voir plus », a déclaré Nir Freedman. Son ami Yonatan Harari a également profité de vols à prix abordables et a visité Prague, où il est devenu tout aussi curieux à propos de Noël.
Mais Nazareth ne répond pas aux attentes de tous. Debout près d’un panneau routier abandonné qui a été arraché du sol, Iris Shalint de Haïfa a dit que la ville est « négligée », et son amie Ethel Elidan de Tel Aviv était mécontente de la saleté et des trottoirs en mauvais état. Elidan a dit que si Nazareth doit être un aimant à touristes, elle doit améliorer son offre. « Je vais écrire au maire pour lui dire qu’il devrait arranger les choses », a-t-elle dit.
Mais les plaintes, la circulation et la lutte pour trouver un stationnement ne freinent pas la foule. Certains juifs israéliens ont même instauré une tradition annuelle.
« Nous venons ici chaque année pour Noël », a dit Maya Buskilla, 20 ans, qui faisait partie d’un groupe de quatre personnes, toutes vêtues du bonnet du Père Noël et discutant de l’endroit où elles allumeront les bougies de Hanoukka au cours des prochains jours. « C’est l’atmosphère la plus proche de l’Europe ou des Etats-Unis ». Elle a ajouté, en utilisant l’acronyme hébreu pour dire « à l’étranger », « C’est comme houl ici. »

Pour beaucoup d’Israéliens, il n’y a rien d’idéologique à visiter Nazareth – c’est un pur plaisir. Mais pour certains visiteurs, comme Michal Relles de Kfar Saba, sa présence là-bas est un message. « Nous voulions montrer notre respect pour une autre culture », a-t-elle dit, debout dans une boulangerie à côté des pères Noël en chocolat et des beignets de Hanoukka.
Elle rayonnait de fierté lorsque son petit-fils de 9 ans récitait un poème sur la coexistence, alors que les lumières de son chapeau de père Noël clignotaient. Relles a passé un certain temps comme émissaire en Amérique, où elle a participé à des projets de coexistence, et a voulu donner à son petit-fils une expérience de première main.
Nina Gluxman de Netanya dit qu’elle n’a jamais connu Noël sous le communisme. Bien qu’elle soit chrétienne, dès l’âge de 7 ans, elle a porté un badge de Lénine, et son enfance a été empreinte de beaucoup d’idéologie communiste, mais pas de religion.

Elle a rencontré son mari juif il y a 20 ans et a déménagé en Israël. En se rendant à sa première messe, Gluxman a dit qu’elle a été bouleversée par « l’atmosphère incroyablement festive ». Elle a dit qu’elle était tombée amoureuse de la combinaison d’une expérience religieuse intense et d’une foule diversifiée. « Je sens que c’est unique à Israël », a dit Gluxman.