Des organisations soutiennent l’interdiction des masques aux manifestations à New York
Depuis Manhattan, les dirigeants des groupes de défense des Juifs et des Noirs ont lié la montée de l'antisémitisme depuis le 7 octobre et les actions passées du Ku Klux Klan
Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël
New York Jewish Week via JTA – Les organisations de défense des Juifs et des Noirs se sont réunies pour annoncer leur soutien à l’interdiction des masques lors des manifestations dans l’État de New York, établissant un lien entre l’antisémitisme actuel des agresseurs masqués et les actions passées des membres du Ku Klux Klan (KKK) vêtus d’une capuche pointue masquant l’intégralité du visage, à l’exception des yeux.
Les appels à l’interdiction des masques ont pris de l’ampleur ces dernières semaines, puisqu’un projet de loi a été déposé à Albany et que l’idée a été approuvée par la gouverneure Kathy Hochul ainsi que par le maire Eric Adams. Cette semaine, le maire de Los Angeles a proposé une interdiction similaire après les affrontements entre militants pro-palestiniens et pro-Israël à l’extérieur d’une synagogue.
Cette initiative est motivée par la montée de l’antisémitisme à New York et par les manifestations de rue pro-palestiniennes, souvent organisées par des manifestants portant des masques, qui ont mis la communauté juive en émoi. Les forces de l’ordre ont déclaré que le port de masques par les manifestants avait entravé les poursuites judiciaires pour les délits liés aux manifestations, comme l’occupation d’un bâtiment de l’Université de Columbia au début de l’année.
« Il ne s’agit pas de discours politique », a déclaré Jonathan Greenblatt, président de l’Anti-Defamation League (ADL), lors d’une conférence de presse organisée jeudi devant l’Université de Columbia pour annoncer l’initiative commune visant à interdire les masques lors des manifestations.
« Ce dont nous parlons aujourd’hui, ce ne sont pas des militants, ce sont des antagonistes », a souligné Greenblatt, accusant les manifestants de « cacher leur identité derrière des masques afin de pouvoir menacer leurs concitoyens américains en toute impunité ».
Le projet d’interdiction des masques a fait son chemin à New York, notamment à la suite d’un incident survenu au début du mois, lorsque des manifestants masqués ont scandé « Levez la main si vous êtes sioniste » dans un wagon de métro. Le même soir, des manifestants, dont beaucoup étaient masqués, ont manifesté devant une exposition commémorant le massacre du Festival Supernova, lors d’un rassemblement largement condamné comme antisémite.
« Les gens ont le droit d’être en sécurité dans les transports publics, dans les rues, dans leurs lieux de culte », a rappelé Hochul lors d’une interview accordée à MSNBC.
« Personne ne devrait pouvoir se cacher sous un masque presque intégral pour commettre ces atrocités contre ses concitoyens new-yorkais. C’est là que nous devons fixer des limites. »
Des groupes pro-palestiniens et de gauche se sont opposés à cette initiative, la qualifiant d’atteinte au droit à la liberté de réunion et de risque pour les personnes immunodéprimées. Le groupe de défense progressiste Jews for Economic and Racial Justice (JFREJ) a annoncé une initiative appelée Jews for Mask Rights pour s’opposer à la législation.
« En plus d’offrir à la police de New York une raison supplémentaire d’arrêter et de harceler les gens, l’interdiction des masques donne à la police de New York une excuse supplémentaire pour prétendre que les arrestations effectuées sur un coup de tête sont justifiées », a déclaré Audrey Sasson, directrice exécutive de JFREJ, dans un communiqué publié jeudi. « Cette proposition de loi n’est pas une question de sécurité, mais de contrôle de l’autonomie corporelle et de marginalisation accrue de ceux qui ont des opinions politiques impopulaires. »
La coalition de groupes de défense des Noirs et des Juifs en faveur de l’interdiction, baptisée « Unmask Hate NY », soutient la législation visant à interdire la plupart des masques lors des manifestations, qui a été introduite à l’Assemblée de l’État de New York par Jeffrey Dinowitz, membre de l’Assemblée du Bronx, qui est juif. Cette initiative bénéficie du soutien de l’ADL, du Jewish Community Relations Council of New York, de la NAACP, du pasteur Johnnie Green de Harlem, de la National Urban League, de l’UJA-Federation of New York et d’autres législateurs de l’État.
Dans une déclaration, Hazel Dukes, présidente de la conférence de l’État de New York de la NAACP, a cité les capuches pointues blanches du Ku Klux Klan pour appuyer l’interdiction des masques. Plusieurs États ont adopté des mesures d’interdiction des masques dans le passé afin d’entraver les activités de ce groupe de haine.
« Les communautés noires ne savent que trop bien que les individus qui cachent leur identité dans l’intention de terroriser, d’intimider ou de harceler constituent une menace pour notre sécurité à tous et n’ont pas leur place à New York », a souligné Dukes dans un communiqué. « Le rétablissement des lois new-yorkaises sur le port du masque protégera les New-Yorkais de certaines des périodes les plus terrifiantes de notre histoire, lorsque le Klan menaçait les Noirs américains, le visage couvert, sans avoir à rendre compte de ses actes. Nous ne pouvons pas laisser l’histoire se répéter. »
Le projet de loi de Dinowitz, qui est encore en cours de finalisation, vise à « lever le voile de l’anonymat pour les individus qui commettent des actes agressifs à l’encontre d’autres personnes au cours d’un rassemblement ou d’une émeute licite ou illicite ». La législation proposée prévoit des exemptions pour les masques et les couvertures faciales portés pour des raisons médicales et religieuses.
L’État de New York disposait d’une loi anti-masques remontant aux années 1800, mais il l’a supprimée en 2020, lorsque le port de masques s’est généralisé pour contribuer à endiguer la propagation du COVID-19. Le Ku Klux Klan a contesté en vain la loi précédente devant la Cour d’appel des États-Unis en 2004.
Le projet de loi de Dinowitz n’a pas encore été soumis au vote de l’Assemblée de l’État, mais il espère qu’il sera adopté d’ici le début de l’année prochaine.
« Depuis le 7 octobre [lors de l’assaut barbare et sadique du groupe terroriste palestinien du Hamas sur le sud d’Israël], l’antisémitisme n’a pas [simplement] augmenté, il a grimpé en flèche, et nous ne pouvons pas permettre aux personnes haineuses de dissimuler leur identité », a-t-il déclaré lors de la conférence de presse de jeudi, ajoutant que la loi n’était « pas axée sur un groupe particulier ».
Les législateurs de l’État de New York Brian Cunningham (Brooklyn) et Nily Rozic (Queens), qui est israélienne, se sont également prononcés en faveur de la loi lors de la réunion de jeudi.
Les forces de l’ordre ont déclaré que le port du masque avait entravé certaines enquêtes sur les agissements criminels des manifestants. La semaine dernière, le bureau du procureur de Manhattan a abandonné les poursuites contre la plupart des manifestants qui avaient pris possession d’un bâtiment de l’Université de Columbia en avril. L’une des raisons de cet abandon est le manque de preuves contre les individus qui portaient des masques, ce qui les rendait difficiles à identifier sur les images de sécurité, a déclaré le bureau du procureur à la New York Jewish Week.
Outre le JFREJ, d’autres groupes de gauche et pro-palestiniens – ainsi que des défenseurs de la liberté d’expression – se mobilisent pour protester contre une éventuelle interdiction.
Un groupe de militants anti-Israël a annoncé un rassemblement samedi devant le bureau de Hochul, qualifiant la proposition de « violation évidente des droits du peuple ». Les groupes d’activistes encouragent souvent leurs adeptes à porter des masques lors des manifestations, et nombre d’entre eux portent des keffiehs – le foulard arabe censé protéger du soleil et du sable qui est devenu un symbole du nationalisme palestinien.
« Pas d’interdiction des masques. Pas de collaboration sioniste. Développez l’été de la résistance [nom que se donnent les groupes terroristes islamistes anti-Israël] », pouvait-on lire dans une publicité pour le rassemblement. « Mettez votre masque, apportez votre rage et votre solidarité. »
La Fondation pour les droits individuels et l’expression (FIRE), un groupe de défense de la liberté d’expression qui a également critiqué certaines activités de protestation pro-palestiniennes, a également exprimé son inquiétude, affirmant que l’anonymat était au cœur des protections de la liberté d’expression prévues par la Constitution.
« Le Ie amendement protège le droit de s’exprimer anonymement, protégeant les individus des représailles pour avoir exprimé des idées dissidentes ou impopulaires », a déclaré Aaron Terr, directeur de la défense publique de FIRE, au New York Jewish Week.
« Si certaines personnes peuvent porter des masques pour dissimuler leur identité tout en se livrant à des activités illégales, cela ne justifie pas une interdiction trop large des masques qui criminalise des activités d’expression légales. »
Marc Morial, président de la National Urban League et ancien maire de la Nouvelle-Orléans, a déclaré au New York Jewish Week que les craintes des manifestants d’être victimes de « doxxing » n’étaient pas « déraisonnables » et que « personne ne devrait perdre son emploi, sa position, son statut parce qu’il exerce son droit constitutionnel ».
Mais il est favorable à l’interdiction des masques, qu’il associe à l’époque où le Ku Klux Klan s’en prenait à sa famille pendant son enfance dans le Sud.
« Le KKK a pulvérisé ses insignes sur notre maison », a-t-il déclaré, ajoutant que sa famille avait reçu des menaces de mort de la part d’agitateurs cagoulés. « Le Ie amendement et le droit de se réunir pacifiquement ne devraient pas impliquer le port de masques ou de déguisements lors des manifestations.
Greenblatt a déclaré que la comparaison entre cette expérience et les manifestations d’aujourd’hui l’avait touché.
« Cela ressemble beaucoup à ce que nous voyons ici à New York, ici et maintenant, avec ces manifestants masqués qui descendent Broadway, et je pense que les parallèles sont là », a-t-il déclaré. « Nos communautés ont toujours été des partenaires. »
Le pasteur Johnnie Green, de l’église baptiste Mount Neboh à Harlem, a déclaré que son soutien à la législation n’était pas une « approbation » de la guerre contre le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza et qu’il soutenait la lutte contre les masques par solidarité avec la communauté juive.
« Nous sommes ici pour soutenir nos amis juifs qui ont été attaqués par des individus masqués », a déclaré Green. « Je n’ai pas peur des répercussions. »
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