Des universitaires israéliens ayant signé une lettre accusant Israël d’un « génocide plausible », critiqués
Une vingtaine d'universitaires appellent les États-Unis à cesser d'armer Israël dans sa guerre contre le Hamas à Gaza ; les étudiants du sud dévasté du pays exigent leur renvoi
![Les chars de Tsahal sécurisent la zone alors que les Palestiniens fuient les zones de combat de Khan Younès à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 26 janvier 2024. (Crédit : Atia Mohammed/Flash90) Les chars de Tsahal sécurisent la zone alors que les Palestiniens fuient les zones de combat de Khan Younès à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 26 janvier 2024. (Crédit : Atia Mohammed/Flash90)](https://static-cdn.toi-media.com/fr/uploads/2024/04/04.15-Rafah-1024x640.jpg)
JTA – Un professeur d’une université israélienne sera mis en congé sans solde suite à la demande d’étudiants de le renvoyer pour avoir signé une pétition affirmant qu’Israël « pourrait être » coupable de génocide.
Regev Nathansohn, qui enseigne la communication au Sapir College, fait partie de la vingtaine de professeurs israéliens qui ont signé une pétition appelant les Etats-Unis à cesser d’armer Israël dans sa guerre contre le Hamas. La pétition, signée par plus de 1 000 universitaires du monde entier, qualifie la conduite d’Israël de « génocide plausible ».
« Nous appelons le président Biden à faire en sorte que les États-Unis n’entrent pas dans l’histoire en tant que facilitateur d’un génocide », peut-on lire dans la pétition signée par un groupe qui se nomme Academics4Peace et qui compte plus d’un millier de signataires. « Respectez les obligations des États-Unis en vertu du droit international et de la morale élémentaire. Le seul moyen de mettre fin à la famine de deux millions de personnes, dont plus de 100 otages israéliens, est de mettre un terme à cette guerre ».
Sapir est situé à la frontière de Gaza, près de la ville de Sderot, qui a été attaquée lors de l’attaque d’Israël par le Hamas le 7 octobre, au cours de laquelle près de 1 200 personnes ont été massacrées et 253 ont enlevées vers la bande de Gaza, où 129 seraient toujours aux mains du Hamas.
De nombreux étudiants et membres du personnel de l’institut sont originaires de la région. Des centaines d’étudiants ont signé une lettre demandant à l’administration de l’école de renvoyer Nathansohn pour avoir apposé sa signature sur la pétition. Israël rejette catégoriquement les accusations de génocide et affirme prendre des mesures pour éviter les pertes civiles.
« Nous ne tolérerons aucun enseignant qui incite à la haine et appelle au boycott de notre pays, pas plus que ceux qui calomnient nos soldats », lit-on dans la lettre des étudiants.
Nathansohn n’a pas été licencié. Mais l’école a publié un communiqué de presse condamnant la pétition qu’il avait signée, se distançant de son contenu et déclarant qu’elle avait demandé à Nathanson de ne pas utiliser son affiliation universitaire pour faire des déclarations politiques. Par la suite, le professeur et l’administration se sont disputés sur les obligations de l’université envers ses membres, sur la question de savoir si et comment ces derniers devaient être protégés et, plus généralement, sur la question de savoir jusqu’où la liberté académique devait s’étendre.
Nathansohn, qui a obtenu son doctorat à l’université du Michigan, est l’un des cinq signataires israéliens qui ont suscité de vives réactions de la part des étudiants, selon l’instigatrice de la pétition, Shira Klein, professeure d’histoire israélo-américaine à l’université Chapman, en Californie.
Les autres signataires sont Eran Fisher, de l’Université ouverte d’Israël, et trois universitaires de l’Université Ben Gurion à Beer Sheva : Michal Givoni, Maor Zeev-Wolf et Uri Mor. Klein a fait état de publications d’étudiants les dénonçant sur les réseaux sociaux et dans une pétition en ligne, ainsi que, dans un cas, d’une manifestation sur le campus.
Au total, plus de 20 académiciens israéliens ont signé la lettre, sur un total dépassant les 1 000 signataires. En dehors d’Israël, les signataires comprennent deux lauréats du prix Nobel et de nombreux spécialistes de la Shoah et de l’histoire juive. Klein est une spécialiste de la Shoah et a étudié l’antisémitisme contemporain.
Les conflits dans les universités sont particulièrement importants en Israël. Les établissements d’enseignement supérieur, dont Sapir, font partie des rares endroits où les Israéliens juifs et arabes interagissent. Depuis le 7 octobre, plusieurs conflits sont survenus dans d’autres établissements d’enseignement supérieur à travers le pays.
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« Nous condamnons fermement la rhétorique contre les soldats de Tsahal et prenons très au sérieux l’offense ressentie par les étudiants », peut-on lire dans le communiqué de Sapir. « Dans un souci de clarté, nous tenons à préciser que la pétition et ses signataires ne représentent en aucun cas Sapir ».
« Tout en respectant les principes fondamentaux de la liberté académique et de la liberté d’expression, que l’université respecte depuis sa fondation, l’université a demandé de manière non-équivoque au conférencier de ne pas utiliser le nom de l’université dans des contextes personnels et/ou politiques et lui a clairement fait comprendre qu’il ne représentait pas l’université dans ces contextes, » poursuit le communiqué.
Nathansohn a estimé que l’université aurait dû faire plus pour défendre son droit à la liberté d’expression. Il a déclaré que, suite à la publication de la lettre des étudiants dans la presse israélienne, il avait reçu des appels téléphoniques anonymes et des messages le condamnant de la part de ses collègues enseignants.
Dans une lettre adressée aux administrateurs de Sapir le 28 mars, Nathansohn a écrit qu’ils n’avaient rien fait pour « empêcher que se crée une atmosphère de travail hostile au sein de l’université ». Il a déclaré qu’il ne serait pas en mesure d’enseigner au semestre de printemps, qui devait commencer le 1er avril, et a demandé un congé.
Les administrateurs ont compris son courriel comme une demande de congé sans solde, et ont indiqué que l’octroi d’un congé payé ne serait de toute façon pas possible en vertu du règlement de l’école. Ils ont donc proposé un congé sans solde de six mois, selon la correspondance examinée par la Jewish Telegraphic Agency. Les administrateurs ont également nié ses accusations, et ont affirmé qu’ils avaient vigoureusement défendu le maintien de l’emploi de l’enseignant au nom de la liberté académique.
« Nous avons, ces derniers jours, défendu sans équivoque votre droit à exprimer votre opinion en tant que citoyen privé, face à toute une série de fronts auxquels nous sommes confrontés – du corps étudiant aux agences gouvernementales », peut-on lire dans une lettre datée du 1er avril et émanant de la présidente de Sapir, Orna Gigi, et du recteur Omri Herzog. L’université n’a pas répondu à une demande de commentaire de JTA.
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Nathansohn a finalement accepté de prendre un congé sans solde, une décision contre son gré, a-t-il précisé. Il a ajouté que les restrictions imposées à l’utilisation de son affiliation universitaire dans les pétitions étaient injustes et que, si elles ne s’appliquaient qu’à lui, elles pourraient constituer un système illégal de deux poids, deux mesures.
« Ils m’ont placé devant un choix de type mafioso : soit reprendre l’enseignement sans protection et avec une liberté d’expression plus limitée, soit rester en congé sans solde, ce qui affecte considérablement mes moyens de subsistance », a expliqué Nathansohn.
Un journaliste de la Quatorzième chaîne israélienne a publié sur X les noms des signataires de la récente pétition qui travaillent dans des collèges et des universités israéliens. Cette publication a suscité l’indignation de nombreux utilisateurs, et certains ont accusé les universitaires de trahison.
Cette pétition est la quatrième organisée par Academics4Peace. La première, mise en ligne en août, avant la guerre entre Israël et le Hamas, visait à attirer l’attention sur le traitement réservé par Israël aux Palestiniens dans le cadre de manifestations de masse contre les efforts déployés par le gouvernement pour affaiblir le système judiciaire. Les trois suivantes portaient sur le 7 octobre et ses retombées.
Outre les lettres lui demandant de faire face aux conséquences de ses actes, Nathansohn a reçu le soutien de plusieurs associations universitaires et de professeurs. Un collègue universitaire a écrit dans un email adressé à la direction de Sapir que Nathansohn « a fait l’objet d’une persécution politique et d’un traitement injuste de la part d’acteurs au sein de la communauté du Sapir Academic College et plus particulièrement de la part de sa direction ».
Herzog a répondu que Sapir avait essayé de défendre ses valeurs dans un environnement toujours plus complexe.
« Nous jouons le rôle de gardien, avec toutes les subtilités dont vous pouvez ou non être conscients », a-t-il écrit. « Je suis fier du travail que nous accomplissons dans les salles de classe et sur le campus. »
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