Egypte : 2e jour du référendum pour prolonger la présidence de Sissi
Les ONG locales et internationales ont critiqué la révision constitutionnelle au centre du vote, estimant qu'elle va accroître la "répression" et "l'autoritarisme" dans le pays
Les bureaux de vote ont ouvert dimanche en Egypte pour le deuxième jour d’un référendum sur une révision constitutionnelle controversée destinée à prolonger la présidence d’Abdel Fattah al-Sissi, accusé de graves violations des droits humains.
Le scrutin, qui semble joué d’avance, se tient à travers le pays sur trois jours, jusqu’au lundi 22 avril.
Les 62 millions d’Egyptiens convoqués aux urnes ont de samedi à lundi, entre 09H00 à 21H00 locales, pour dire « oui » ou « non » à la réforme constitutionnelle.
Samedi après-midi, le porte-parole de l’Autorité nationale des élections, Mahmoud Chérif, a précisé lors d’une conférence de presse que « 80 organisations (non gouvernementales) suivent le référendum constitutionnel, dont 22 étrangères ».
La télévision et les journaux, très étroitement contrôlés par le gouvernement, diffusent depuis le début du scrutin samedi des images de grande affluence autour des bureaux de vote et se félicitent du bon déroulé des opérations, mais sans évoquer la réforme controversée sur le fond.
La révision constitutionnelle donne au chef de l’Etat la possibilité de rester au pouvoir jusqu’à 2030. Depuis son élection comme président en 2014, les ONG dénoncent régulièrement les arrestations et procès de masse ainsi que le musellement de la presse et de l’opposition.
Aucune place n’est accordée dans les médias de masse égyptiens à l’opposition ni aux ONG de défense des droits humains dénonçant ces changements constitutionnels renforçant le pouvoir de M. Sissi, qui s’expriment essentiellement sur Internet.
Comme lors de précédents scrutins, des électeurs ont fait l’objet d’incitations à voter, ont constaté des journalistes de l’AFP. Certains employés ont été invités par leur hiérarchie à se rendre aux urnes, d’autres ont reçu des coupons alimentaires à la sortie des bureaux de vote.
L’Egypte avait connu un profond bouleversement lors du Printemps arabe en 2011, quand une révolte populaire avait eu raison du président Hosni Moubarak, déchu après 30 ans au pouvoir.
Le président Sissi a régulièrement exprimé son mépris pour cette révolution, mettant en garde les pays de la région contre les mouvements populaires en cours, notamment en Algérie et au Soudan.
Arrivé au pouvoir un an après le renversement par l’armée du président islamiste Mohamed Morsi en 2013, l’ancien maréchal Sissi – chef du renseignement militaire sous Moubarak et ministre de la Défense sous Morsi – a été réélu en 2018 avec plus de 97 % des voix pour un second et, en principe, dernier mandat de quatre ans.
Au-delà de la prolongation de sa présidence, la révision constitutionnelle permet d’accroître son contrôle sur le système judiciaire. Elle octroie également un pouvoir politique à l’armée, pilier du régime de M. Sissi.
Les ONG locales et internationales, dont Amnesty International et Human Rights Watch, ont critiqué la révision constitutionnelle, estimant qu’elle allait accroître la « répression » et « l’autoritarisme » dans le pays.
Samedi, l’ONG Human Rights Watch a appelé l’Egypte à cesser le processus d’amendement de la Constitution, qui ne fait que « consolider le pouvoir autoritaire ».
Des ONG égyptiennes ont estimé cette semaine que le « climat » politique ne permettait pas la tenue d’un référendum avec des « garanties ne serait-ce que minimales d’impartialité et d’équité ».
Les défenseurs du texte estiment toutefois qu’une réforme était nécessaire pour assurer la stabilité politique, sécuritaire et économique de ce pays de quelque 100 millions d’habitants.
Les résultats seront annoncés d’ici au 27 avril, selon l’Autorité nationale des élections. Aucun chiffre de participation n’a été donné par les autorités à ce stade.
La consolidation attendue du pouvoir de M. Sissi en Egypte intervient alors qu’au Soudan voisin et en Algérie, des mouvements populaires sont venus à bout, après des mois de contestation, de chefs d’Etat au pouvoir depuis des décennies.
Omar el-Béchir, au pouvoir depuis 1989 à Khartoum, a été renversé le 11 avril. Abdelaziz Bouteflika, président depuis 1999, a démissionné le 2 avril.
En Egypte, l’opposition à la révision constitutionnelle reste presque exclusivement cantonnée aux réseaux sociaux. L’écrasante majorité des médias relaie le discours des soutiens du président Sissi, diabolisant toutes voix critiques.