Israël en guerre - Jour 502

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En Transnistrie sécessionniste, les quelques Juifs restants veulent s’enfuir

Même si la liberté de culte y est garantie et l'antisémitisme marginal, de nombreux Juifs de ce territoire disputé d'Europe de l'Est veulent en partir pour raisons économiques

La porte fermée de la seule synagogue en activité de Tiraspol, en Transnistrie. (Avec l'aimable autorisation de Roman Yanushevsky/Channel 9 via JTA)
La porte fermée de la seule synagogue en activité de Tiraspol, en Transnistrie. (Avec l'aimable autorisation de Roman Yanushevsky/Channel 9 via JTA)

TIRASPOL, Transnistrie (JTA) – Officiellement, cette bande de terre contestée entre l’Ukraine et la Moldavie est appelée la République moldave du Dniestr. Pour les visiteurs de la Transnistrie, une région séparatiste ayant déclaré son indépendance dans les années 1990, mais que la plupart de la communauté internationale considèrent comme faisant partie de la Moldavie, elle ressemble plutôt à un État soviétique – figé dans le temps.

À Tiraspol, les monuments communistes, disparus depuis longtemps du reste de l’ex-URSS, y restent omniprésents. Dans la capitale, un monument appelant au « pouvoir aux Soviétiques » domine une esplanade en bordure de rivière.

La Transnistrie est le seul endroit au monde dont le symbole national est encore le marteau et la faucille soviétiques. Des statues de Lénine et, plus controversé, de Staline trônent encore sur les places de la ville. Les soldats russes sont partout, assurant à Moscou une présence sur le territoire de cet État client, stratégiquement situé à la frontière occidentale de l’Ukraine.

« Ce n’est qu’une machine à remonter le temps », a déclaré Larisa Privalskaya, une universitaire juive de Moscou rentrée récemment d’un voyage de recherche pour y étudier la vie d’un rabbin transnistrien. « Une incroyable machine à remonter le temps. »

Pour les touristes suffisamment motivés pour obtenir un visa, un processus compliqué qui aboutit à l’obtention d’un permis d’entrée pour quelques heures seulement, il peut constituer un endroit passionnant. Mais pour les 458 000 citoyens de Transnistrie, la zone crépusculaire qu’ils appellent leur patrie est un lieu marqué de manière indélébile par l’histoire des turbulences politiques qui ont façonné ce morceau unique d’Europe.

Une femme traverse la route à Tiraspol, le 24 août 2019. (Avec l’aimable autorisation de Roman Yanushevsky/Channel 9 via JTA)

Depuis 1993, la Transnistrie a perdu un tiers de sa population, en grande partie parce qu’elle est si pauvre que 300 euros est considéré ici comme un salaire mensuel élevé. L’émigration a affaibli son économie et presque anéanti la communauté juive, autrefois la plus grande minorité non chrétienne de la région, qui ne survit plus que dans la Moldavie voisine. La Transnistrie n’a fait sécession de la Moldavie qu’au début des années 1990 dans une guerre d’indépendance menée par des séparatistes pro-russes, et la population juive des deux pays partagent une langue et une histoire communes.

Sur les 11 synagogues que comptait Tiraspol avant la chute du communisme, une seule subsiste. Logé dans un immeuble résidentiel, un groupe grisonnant d’une dizaine d’hommes et de femmes s’y réunit chaque dimanche. La jeune génération compte moins de 10 personnes.

De gauche à droite : Anna et Fiodor Kushnir, Marina Edakova et Musia Efimova à la synagogue en bois de Chișinău, Moldavie, le 26 août 2019. (Cnaan Liphshiz/JTA)

« Il est rare d’assister à la mort d’une communauté, mais c’est sous nos yeux en Transnistrie », constate Evgheni Bric, directeur de l’Institut Judaïca de Moldavie, une organisation à but non lucratif qui tente construire une identité commune chez les Juifs de Transnistrie et de Moldavie.

De nos jours, la liberté de culte est assurée aux Juifs de Transnistrie, et l’antisémitisme y est marginal, d’après les Juifs locaux. Mais beaucoup veulent néanmoins partir pour des raisons économiques. Les salaires ici sont moitié moins élevés que ceux proposés en Moldavie, la nation pourtant la plus pauvre d’Europe.

Musia Efimova, dentiste juive à la retraite de Tiraspol, a déclaré à la JTA que sa pension de retraite s’élevait à 65 euros par mois environ. Elle qualifie les monuments soviétiques bizarres de son pays « de signes de nostalgie pour des temps meilleurs. »

Le rabbin Shmuel Zalmanov à la synagogue Alte Shul à Chișinău, Moldavie, le 23 août 2019. (Cnaan Liphshiz/JTA)

Fiodor Kushnir, 26 ans, gagne moins de 200 euros par mois en travaillant à plein temps comme enseignant au lycée à Tiraspol. Sous le régime quasi-socialiste de Transnistrie, les enseignants ont droit à un logement gratuit dans les appartements du gouvernement, explique M. Kushnir. Mais ces appartements sont mal desservis par les transports en commun.

« Nous avons prévu plusieurs fois de faire notre alyah, mais il se passe toujours quelque chose qui retarde le départ », dit Fiodor Kushnir.

Dans un lieu largement tributaire des importations de nourriture, les salaires inférieurs à 200 euros ne suffisent guère à couvrir les besoins les plus élémentaires, selon Marina Edakova, une psychologue juive de 32 ans originaire de Bender, la deuxième plus grande ville de Transnistrie.

Un monument commémorant la Shoah à côté d’un bâtiment déserté au bord de la rivière à Tiraspol, le 24 août 2019. (Avec l’aimable autorisation de Roman Yanushevsky/Channel 9 via JTA)

« Et c’est tout aussi bien parce que de toute façon, il n’y a rien à faire ici après 21 heures. Tout est fermé. C’est un couvre-feu non officiel », déplore Marina, qui prévoit de partir après son mariage.

Un recensement de 1930 de la population de Bender a révélé que la moitié de ses résidents déclaraient que leur langue maternelle était le yiddish. Des milliers de non-Juifs parlaient aussi la langue en raison de leur travail étroit et de leur commerce avec les Juifs, selon Bric. La plupart des Juifs de la ville ont été tués pendant la Shoah, et les quelques survivants ont émigré dès qu’ils ont pu. Aucune des dizaines de synagogues de Bender n’est encore en activité.

Deux touristes au Fort de Bender à Bender, Transnistrie, le 24 août 2019. (Avec l’aimable autorisation de Roman Yanushevsky/Channel 9 via JTA)

D’autres villes de Transnistrie, comme Rybnitsa, jadis juive à un tiers, n’abritent plus de Juifs. L’un des plus connus (et le dernier) de la ville était Chaim Zanvl Abramowitz, un rabbin hassidique mort en 1995 aux États-Unis. Il faisait partie d’une poignée de Juifs orthodoxes qui, même sous Staline, étaient capables de mener une vie juive pratiquante, surtout grâce à sa popularité auprès de la population locale.

Comme en Transnistrie, la communauté juive de Moldavie a également été décimée par une émigration massive. Pourtant, la vie juive y a beaucoup mieux survécu, en partie parce qu’elle a absorbé une partie des milliers de Juifs ayant quitté la Transistrie. Chișinău, capitale de la Moldavie, compte quatre synagogues et une communauté juive d’environ 3 500 membres.

Pour Chaim Chesler, fondateur de Limmud FSU, qui gère des programmes éducatifs pour les Juifs russophones, la disparition de la majorité des minorités juives de Transnistrie et de Moldavie ne fait que l’encourager à organiser des événements pour les Juifs des deux pays.

Une statue de Lénine orne la Maison soviétique de Tiraspol. (Avec l’aimable autorisation de Roman Yanushevsky/Channel 9 via JTA)

« Certains disent qu’une communauté mourante est un mauvais investissement », indique M. Chesler. « Je pense que c’est une question cruciale. Nous n’abandonnons personne. »

L’émigration massive de Transnistrie, que la plus grande partie du monde considère comme faisant partie de la Moldavie, est visible partout. Le long des rives du fleuve Dniestr à Tiraspol, l’immobilier haut de gamme datant d’une époque plus prospère et les immeubles résidentiels ne sont que des carcasses.

Une femme traverse la route à Tiraspol, le 24 août 2019. (Avec l’aimable autorisation de Roman Yanushevsky/Channel 9 via JTA)

« Le communisme est parti, le capitalisme n’est pas encore arrivé, et nous sommes ici au milieu », dit Anastasia, une jeune mariée qui pose pour des photos avec son mari, Vitaly, le long du fleuve. Leur seul public est un photographe et la mère d’Anastasia, Tamara.

Sans qu’on ne le lui demande, Vitaly explique l’absence d’invités ainsi : tous les amis du couple sont partis ces dernières années pour trouver du travail à l’étranger.

« Un jour, dit Anastasia avec optimisme, ce sera une seconde Suisse. »

Anastasia et Vitaly posent pour des photos de mariage à Tiraspol, le 24 août 2019. (Avec l’aimable autorisation de Roman Yanushevsky/Channel 9 via JTA)

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