États-Unis : deux obstacles majeurs à l’accord ; Netanyahu « complique » les choses
Selon un responsable américain, les points de contention sont l'identité des prisonniers palestiniens à libérer et la présence de l'armée à la frontière entre Gaza et l'Egypte
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Un haut responsable de l’administration Biden a indiqué mercredi que deux principaux obstacles entravaient la conclusion d’un accord sur les otages entre Israël et le groupe terroriste palestinien du Hamas : les prisonniers sécuritaires palestiniens que le Hamas veut faire relâcher et la question du retrait des troupes israéliennes du corridor de Philadelphi, le long de la frontière entre l’Egypte et la bande de Gaza.
Selon ce responsable, les déclarations répétées du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui a affirmé vouloir maintenir une présence israélienne indéfinie dans le corridor, compliquent les négociations.
Lors d’une conférence de presse, le responsable américain a présenté le cadre de l’accord et fait le point sur l’état actuel des négociations.
L’accord comporte trois volets : les conditions de l’échange d’otages et de prisonniers ; les modalités de l’acheminement d’aide humanitaire et de la réhabilitation de la bande de Gaza ; et les conditions du cessez-le-feu, incluant le retrait des troupes israéliennes de Gaza.
Israël et le Hamas ont approuvé 14 des 18 points de l’accord, a précisé le responsable. Parmi les quatre points restants, l’un est très technique et nécessite un consensus, tandis que les trois autres points, relatifs à un échange otages contre prisonniers, sont encore en cours de négociation. « En gros, nous avons trouvé un consensus sur 90 % de l’accord, et ce dans des termes que même le Hamas avait inclus dans [sa propre proposition]. »
Le responsable a également indiqué que les négociations menées à Doha au cours de la semaine avaient principalement porté sur le volet relatif à l’échange otages-prisonniers, avec des progrès notables.
Cette partie de l’accord prévoit la libération de centaines de prisonniers sécuritaires palestiniens, dont des terroristes condamnés à perpétuité, en échange des 101 otages encore en captivité. Israël cherche à maximiser le nombre de vétos qui lui seraient accordés pour déterminer la liste des prisonniers palestiniens à libérer.
Environ 500 Palestiniens purgent des peines de prison à perpétuité dans les établissements pénitentiaires israéliens pour des infractions terroristes, a expliqué le responsable, ajoutant qu’une petite fraction d’entre eux sera libérée au cours de la première phase de l’accord, en échange d’otages considérés comme « humanitaires » tandis qu’un plus grand nombre sera libéré au cours de la deuxième phase, en échange d’otages masculins de moins de 50 ans.
« Les Israéliens ont répondu aux exigences du Hamas du mieux qu’ils pouvaient », a affirmé le haut responsable de l’administration Biden, ajoutant que cette partie des négociations était devenue « un processus assez frustrant » en raison des demandes du groupe terroriste.
« Le Hamas a soumis des demandes totalement inacceptables concernant l’échange, qui ne correspondent pas à ce qui avait été convenu il y a quelques mois », a-t-il précisé. « Tant que cette question ne sera pas résolue, il n’y aura pas d’accord. »
Lors d’une conférence de presse mercredi soir, Benjamin Netanyahu a été interrogé sur la question de savoir si le corridor de Philadelphi était le seul obstacle à un accord. Il a rejeté cette idée, soulignant que d’autres obstacles demeuraient, notamment le nombre entre otages et terroristes qui seraient libérés, ainsi que la demande d’Israël d’opposer son veto à la libération de certains terroristes et d’en exiler d’autres.
« Le Hamas a tout rejeté », a-t-il déclaré. « Nous essayons de trouver un terrain d’entente pour entamer les négociations, mais ils refusent. »
Les exécutions d’otages remettent en question la volonté du Hamas de parvenir à un accord
L’exécution par le Hamas de six otages israéliens la semaine dernière a contribué à compromettre davantage le processus, a indiqué le responsable américain. Il a expliqué que les négociations avaient été basées sur une liste d’otages qui s’était depuis réduite.
Les gardiens des six otages auraient été avertis de l’approche de soldats israéliens et auraient exécuté les otages dans le tunnel où ils étaient détenus à Rafah. Les corps, criblés de balles, ont été récupérés par Tsahal et rapatriés en Israël, y compris celui de Hersh Goldberg-Polin, un Américain-Israélien.
L’exécution « totalement scandaleuse des six otages est la raison pour laquelle nous nous concentrons depuis toujours sur la responsabilisation du Hamas », a précisé le responsable américain.
Les assassinats ont « changé le ton des discussions et ont introduit un sentiment d’urgence dans le processus, mais ils ont également suscité des doutes sur la volonté du Hamas de conclure un accord, quel qu’il soit », a-t-il ajouté.
Le responsable a par ailleurs indiqué que moins d’otages vivants seraient libérés au cours de la première phase de l’accord, en raison de l’exécution par le Hamas de six captifs la semaine dernière.
« Un certain nombre de prisonniers palestiniens doivent être libérés pour chaque otage, ce qui signifie qu’il y aura moins d’otages libérés dans la première phase de l’accord », a expliqué le responsable. « C’est tragique et terrible, et cela nous affecte tous. »
Cette partie de l’accord prévoit également l’évacuation de Gaza des blessés, tant civils que les terroristes du Hamas, afin qu’ils puissent être soignés à l’étranger, conformément aux exigences du groupe terroriste, a ajouté le responsable.
Netanyahu complique les choses avec Philadelphi
Concernant la partie de l’accord relative au cessez-le-feu et au retrait des effectifs de Tsahal, le responsable américain a réaffirmé que l’armée israélienne se retirerait de toutes les zones densément peuplées de Gaza au cours de la première phase de 42 jours.
Le point de contention reste le retrait des troupes israéliennes du corridor de Philadelphi pendant la première phase. Le haut fonctionnaire a précisé que ce tronçon frontalier de 15 kilomètres n’était pas mentionné dans le texte de la proposition.
En juillet, deux cartes ont été soumises : l’une concernant le déploiement de Tsahal dans le corridor de Wadi Gaza, au nord de la bande de Gaza, qui a été acceptée, et l’autre concernant le corridor de Philadelphi, pour être ajoutée en annexe de l’accord.
« Un différend est apparu concernant le corridor de Philadelphi, qui est en réalité une route à la frontière de Gaza et de l’Egypte, pour déterminer s’il s’agit ou non d’une zone densément peuplée », a déclaré le haut fonctionnaire.
Ces dernières semaines, Israël a présenté une proposition qui prévoit une réduction significative de sa présence militaire le long du corridor de Philadelphi, ce qui, selon le haut fonctionnaire américain, « est techniquement compatible avec l’accord ».
Mais le Hamas a rejeté la nouvelle demande concernant le corridor de Philadelphi, qui ne faisait d’ailleurs pas partie de la proposition initiale d’Israël en mai, pas même sous forme de carte.
« C’est une question qui est restée en suspens et qui s’est transformée en un débat politique en Israël », a expliqué le responsable, faisant référence à l’insistance récente de Benjamin Netanyahu sur la nécessité pour Israël de maintenir ses positions dans le corridor.
Le responsable a ajouté que les déclarations répétées de Netanyahu selon lesquelles Israël envisageait de rester indéfiniment dans le corridor de Philadelphi avaient compliqué les négociations en cours sur les otages.
« Je n’ai jamais participé à des négociations où, chaque jour, il y a de nouvelles déclarations publiques sur les modalités des négociations. Cela ne facilite pas les choses. Moins on en dit sur certaines questions, mieux c’est », a-t-il expliqué.
« Prendre des positions concrètes en plein milieu des négociations, ce n’est pas toujours très utile », a ajouté le représentant, émettant l’une des premières critiques des propos de Netanyahu concernant le corridor de Philadelphi. Jusqu’à présent, les responsables américains ont évité de se prononcer plus directement sur les déclarations du premier ministre.
Le fonctionnaire a également critiqué certains ministres israéliens, vraisemblablement les députés d’extrême droite Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, qui ont affirmé que « l’accord actuellement négocié sacrifie d’une certaine manière la sécurité d’Israël ».
« C’est fondamentalement et totalement faux. Nous avons pris en compte les préoccupations d’Israël en matière de sécurité dans ces négociations, et en réalité, ne pas participer à cet accord représente une plus grande menace pour la sécurité à long terme d’Israël que de conclure l’accord, et cela inclut la question du corridor de Philadelphi », a affirmé le haut responsable américain.
Les deux ministres ont promis de s’opposer au gouvernement et de le faire tomber si le cadre défini par les États-Unis en mai est avancé.
Israël est toutefois tenu de se retirer totalement du corridor dans la deuxième phase de l’accord, a précisé le représentant. Netanyahu a indiqué qu’il était prêt à le faire, mais il a exprimé son scepticisme quant à la capacité des médiateurs à proposer une force alternative pour remplacer Tsahal, qui, sans une telle alternative, ne pourra se retirer du corridor de Philadelphi.
Concernant les critiques de Netanyahu à l’égard de l’Egypte, accusée d’avoir permis la contrebande d’armes à travers le corridor de Philadelphi, le responsable américain a souligné que Le Caire souhaitait sécuriser sa frontière avec Gaza et ne voulait pas que des activités de contrebande y aient lieu.
L’administration Biden a indiqué qu’une « force de sécurité alternative » ne serait pas nécessaire pour sécuriser le corridor de Philadelphi.
Interrogé sur les arrangements à long terme pour sécuriser la frontière entre l’Egypte et la bande de Gaza, le responsable a indiqué que les États-Unis travaillaient depuis des mois avec l’Egypte pour trouver des solutions.
« Nous pensons pouvoir répondre pleinement aux besoins d’Israël en matière de sécurité le long de ce corridor de façon quasi inédite, sans avoir besoin d’une force de sécurité alternative », a affirmé le haut fonctionnaire.
Il n’a pas précisé s’il parlait de la première ou de la deuxième phase, mais il a semblé parler de cette dernière.
S’expliquant sur l’absence de nécessité d’une force de sécurité le long du corridor, le haut représentant américain a souligné que la zone située au nord-ouest du point de passage de Rafah est « très sécurisée » et que des mesures seraient prises pour détecter les tunnels dans l’ensemble de la zone. La zone située au sud-est du point de passage de Rafah jusqu’au point de passage israélien de Kerem Shalom est moins préoccupante car elle est moins densément peuplée, a-t-il dit.
En dehors des questions relatives au corridor de Philadelphi et à la libération des prisonniers du Hamas, les deux parties sont parvenues à un consensus sur la majorité des points de l’accord, a affirmé le responsable américain
Le consensus s’est étendu au volet humanitaire de l’accord
Alors que l’accord précédent sur les otages, conclu en novembre, prévoyait l’entrée de 200 camions d’aide par jour dans la bande de Gaza, l’accord actuellement négocié prévoit l’entrée de 600 camions d’aide par jour, dont 50 camions de denrées alimentaires.
La bande de Gaza recevra du matériel pour déblayer les décombres, du matériel pour la remise en état des hôpitaux, dispensaires, boulangeries, et routes, ainsi que pour le rétablissement de l’électricité, de l’eau, des égouts et des lignes de communication dans toutes les zones de la bande de Gaza. Des fournitures seront également fournies pour aider les personnes déplacées, incluant au moins 60 000 maisons temporaires et 200 000 tentes.
Les civils jouiront également d’une totale liberté de mouvement, et les Nations unies (ONU) et les autres organisations humanitaires auront un accès illimité à toutes les zones de la bande de Gaza, a ajouté le responsable.
Le responsable a ajouté que des dispositions avaient également été prises pour permettre la réouverture du point de passage de Rafah entre Gaza et l’Egypte dans le cadre de la première phase de l’accord. Ce point de passage est fermé depuis qu’Israël a pris le contrôle de la partie palestinienne en mai, et Le Caire a refusé de rouvrir son côté tant qu’Israël ne se serait pas retiré.
« Nous considérons toujours cet accord comme l’option la plus viable, voire la seule viable, pour sauver la vie des otages, arrêter la guerre, apporter un soulagement immédiat aux Gazaouis et garantir la sécurité d’Israël », a affirmé le fonctionnaire.
« Nous restons déterminés à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour tenter d’y parvenir, mais je ne ferai aucune prédiction », a-t-il ajouté.
Le responsable a indiqué que la proposition de rapprochement que les États-Unis ont présenté le mois dernier et qu’ils continuent à adapter comprenait pour la première fois les noms des otages et des prisonniers devant être libérés.
Une trentaine d’otages auraient dû être libérés au cours de la première phase, dans les trois catégories suivantes : les femmes, y compris les soldates, les hommes de plus de 50 ans, les malades et les blessés.
Sur les 251 otages enlevés par le Hamas le 7 octobre dernier, 97 se trouveraient toujours à Gaza, y compris les dépouilles d’au moins 33 d’entre eux, dont la mort a été confirmée par Tsahal.
Le Hamas a libéré 105 civils au cours d’une trêve d’une semaine fin novembre, et quatre otages avaient été libérées avant cela. Huit otages ont été secourus par les troupes vivantes, et les corps de 37 otages ont également été retrouvés, dont trois tués par erreur par l’armée alors qu’ils tentaient d’échapper à leurs ravisseurs.
Le Hamas détient également deux civils israéliens entrés dans la bande en 2014 et 2015, ainsi que les corps de deux soldats de Tsahal tués en 2014.