Ex-présidente de la Cour suprême : La refonte « va anéantir la démocratie »
Dorit Beinisch prévient que la refonte judiciaire causera "une atteinte irréversible aux droits et à nos valeurs ainsi qu’à la capacité du pays à affronter ses défis"
L’ancienne présidente de la Cour suprême, Dorit Beinisch, a critiqué les projets du gouvernement concernant la refonte du système judiciaire, avertissant qu’ils allaient « faire disparaître » la démocratie.
« Sous couvert de changement et d’amélioration, il y a une tentative de prise de pouvoir sur les institutions chargées de faire respecter la loi, de modifier substantiellement les institutions gouvernementales, de supprimer le principe de séparation des pouvoirs, de porter atteinte à l’indépendance du système judiciaire et, par la suite, à l’indépendance d’autres autorités et institutions et de les subordonner au gouvernement », a déclaré Mme Beinisch lundi lors d’un événement à Tel-Aviv, selon le site d’information Ynet.
Elle a prévenu que ces changements conduiraient à une concentration du pouvoir au sein d’une seule branche du gouvernement.
« Le public comprend qu’il s’agit là d’une recette pour anéantir la démocratie. C’est une atteinte irréversible aux droits et aux valeurs que nous partageons tous et à la capacité du pays à surmonter tous les défis auxquels il est confronté », a-t-elle déclaré.
Beinisch a rappelé les efforts déployés tout au long de l’histoire d’Israël pour créer un État juif qui soit à la fois démocratique et respectueux des droits de tous les citoyens, affirmant que la crise actuelle pourrait être la plus grave depuis la fondation du pays.
« Nous avons survécu aux guerres et aux attaques terroristes, nous avons absorbé des vagues d’immigrants et développé des systèmes éducatifs, économiques et scientifiques qui nous ont permis d’obtenir des succès au niveau international, qui sont notre plus grande source de fierté. Nous nous trouvons aujourd’hui confrontés au plus grand défi qui soit : renforcer le dénominateur commun qui nous permettra de continuer à exister en tant que pays démocratique dans l’esprit de la déclaration d’indépendance », a-t-elle déclaré.
Beinisch s’est également déclarée favorable à la tenue de débats publics sur la réforme du système judiciaire, mais pas tant que la coalition poursuit ses efforts pour faire passer les changements proposés dans la législation.
« Il ne s’agit pas ici de politiques de droite ou de gauche, mais plutôt de considérations sur les aspects les plus importants de notre régime constitutionnel », a-t-elle déclaré.
Mme Beinisch, qui a dirigé la Cour suprême de 2006 à 2012 et a été auparavant Procureure générale, s’est déjà prononcée contre le remaniement, rejoignant ainsi une longue liste d’anciens juristes de haut niveau qui ont mis en garde contre les changements prévus.
Ses propos interviennent alors que les législateurs poursuivent leur avancée. Ils ont voté cette nuit en faveur de l’adoption de la clause dite « dérogatoire » et, ce faisant, permettra à la coalition d’adopter la plus grande partie de ses propositions de base d’ici la fin du mois.
S’il est adopté comme prévu, l’ensemble des textes législatifs placerait le système judiciaire israélien largement sous contrôle du pouvoir politique, empêchant presque totalement la Cour suprême de justice de jouer un rôle de régulateur sur les pouvoirs exécutif et législatif, et conférant un pouvoir quasi illimité à la majorité au pouvoir.
Les partisans de ces réformes assurent qu’elles « corrigeront » l’équilibre des pouvoirs entre les élus et un pouvoir judiciaire activiste. Les détracteurs et le mouvement de manifestants grandissant dénoncent l’érosion de la démocratie car ces réformes mettent la quasi-totalité du pouvoir entre les mains de la majorité politique élue.
L’éventail complet des mesures actuellement en jeu comprend également une initiative visant à bloquer toute intervention de la Haute Cour dans les Lois fondamentales, à placer le département des enquêtes internes de la police directement sous le contrôle du ministre de la Justice, à retirer leur autorité aux conseillers juridiques du gouvernement et des ministères, à éliminer le pouvoir de la Haute Cour de réviser les nominations ministérielles et à protéger le Premier ministre d’une destitution forcée de son poste.