Face à la refonte, les Israéliens fuient vers la Grèce, berceau de la démocratie
Avec l'incertitude liée au système judiciaire israélien beaucoup de Sabras sont attirés par Hellas pour sa proximité, ses prix immobilier bas et la qualité de vie méditerranéenne
ATHÈNES – Dès la première manifestation organisée contre la refonte du système judiciaire israélien, les coups de fil et les messages sur les réseaux sociaux ont commencé à pleuvoir pour Asi Doron, un agent immobilier d’origine israélienne basé à Athènes.
« Je n’ai jamais été aussi occupé, ces derniers mois ont été complètement fous. Les problèmes en Israël me donnent du travail, ce qui est une bonne chose, même si je préférerais qu’Israël reste une démocratie », a déclaré Doron, qui vit dans la capitale grecque depuis cinq ans.
« On me disait : ‘Aidez-moi à sortir l’argent d’Israël’ ou ‘J’ai besoin d’un plan B parce que j’ai une famille et que je vois mon pays se transformer sous mes yeux en une dictature' », a confié Doron.
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Le programme Golden Visa du pays – un permis de résidence permanente offert aux résidents non européens tant qu’ils investissent un minimum de 250 000 euros en Grèce – et les vols courts et directs entre Athènes et Tel Aviv en ont fait une destination très attrayante pour les Israéliens. Les prix de l’immobilier, nettement plus abordables, sont également un argument de poids et attirent de nombreux sabras à la recherche d’un autre lieu de vie.
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« C’est l’une des autres raisons pour lesquelles les gens choisissent la Grèce », explique Doron. « Pour le même prix en Israël, vous ne pouvez pas vraiment acheter quoi que ce soit, ou alors un endroit très petit. Ici, on peut trouver de très bons logements pour le même prix. »
La demande a tellement augmenté que Doron a désormais du mal à trouver suffisamment de logements à louer ou à acheter pour ses clients à Athènes.
Amitai Weissman vient d’arriver dans la ville. La situation politique en Israël et les conditions de vie attrayantes en Grèce l’ont incité à commencer une nouvelle vie à Athènes il y a quelques mois.
« Depuis les dernières élections, j’ai senti que c’était trop pour moi, cette coalition. On les appelle les partis fascistes. Mais ce qui m’a vraiment fait craquer, ce sont les manifestations », affirme Weissman. « Je me suis dit que je ne voulais plus rester là-bas. »
Weissman a également cité l’inflation élevée en Israël et la possibilité de conserver son emploi et de travailler à distance parce que la Grèce se trouve dans le même fuseau horaire qu’Israël parmi les raisons qui l’ont motivé à quitter le pays.
« La vie en Israël est devenue très chère, le pays n’est plus sûr, ce ne sera bientôt plus une démocratie… Je pense que ce sera un vrai bordel à l’avenir, alors dans quelle mesure pouvons-nous lutter contre tout cela ? »
Loin des bombes et des attentats qui le traumatisent encore, Amitai Weissman loue aujourd’hui un appartement dans le centre d’Athènes, avec vue sur l’Acropole. Il se donne du temps pour voir comment les choses se passent, mais il envisage déjà d’acheter un appartement.
« Jusqu’ici, je suis très heureux. Je me sens plus en sécurité et il y a une grande communauté israélienne », a-t-il déclaré.
Une tendance à long-terme ?
Edith Markovits aide elle aussi les Israéliens à investir dans l’immobilier à Athènes. Elle a constaté une augmentation de son activité depuis la pandémie de coronavirus, mais affirme que la demande s’est encore accrue cette année avec l’instabilité politique en Israël.
« De nombreux Israéliens ont une deuxième nationalité européenne en raison de leur histoire, ce qui facilite le processus », explique-t-elle. Aussi, des lois permettant aux Juifs de récupérer leur nationalité s’ils peuvent prouver que leurs ancêtres ont été expulsés de pays tels que l’Autriche, l’Espagne et le Portugal, existent.
Markovits dit avoir de nombreux types de clients, des familles en passant aux jeunes nomades numériques. Ils ont tous des raisons différentes pour acheter.
« Nous avons des gens qui achètent uniquement pour investir et qui ne pensent même pas à venir ici. D’autres achètent une maison de vacances, et enfin, il y a des gens qui veulent vraiment s’enfuir et venir vivre en Grèce », a-t-elle déclaré.
Pour Markovits, la question est de savoir s’il s’agit d’une tendance à long terme.
« Est-ce une simple aventure ou vont-ils rester ici pour de bon ? », dit-elle. « La demande restera-t-elle élevée ? C’est un grand point d’interrogation. »
Pour David, qui a demandé à ce que son vrai nom ne soit pas utilisé, la réponse est claire. Après avoir réfléchi pendant plus d’un an et demi à la possibilité de quitter Tel Aviv pour Athènes, les récentes manifestations ont précipité sa décision.
« Je suis tombé amoureux d’Athènes il y a huit ans, mais, plus sérieusement, c’est en raison de la situation en Israël depuis les dernières élections. La situation est très mauvaise à tous points de vue : social, économique, politique et sécuritaire », a-t-il déclaré.
Son départ à la retraite étant prévu dans quelques mois, David va quitter son pays natal pour la Grèce en septembre. D’abord en location, puis dans une propriété qu’il a l’intention d’acheter.
« Je suis sûr qu’il y a beaucoup de gens qui aimeraient le faire, mais qui ne le peuvent pas. J’ai toute ma famille, mon fils et mes amis là-bas [en Israël], mais ça ne suffit pas. Je pense que je mérite mieux. Et si quelqu’un ou quelque chose me manque, il me suffit de prendre l’avion et j’y suis en deux heures », a-t-il déclaré.
Hausse des prix de l’immobilier
Les investissements étrangers et les nouveaux arrivants, ainsi que le tourisme de masse, ont entraîné une hausse significative des prix à Athènes, à tel point que de nombreux Grecs ne peuvent plus trouver de logement abordable dans le centre-ville.
« En Grèce, les perspectives sont complètement différentes pour les résidents permanents qui dépendent du marché local et pour les étrangers. Les revenus de la population locale stagnent alors que les prix de l’immobilier augmentent. Il est donc de plus en plus difficile de trouver un logement », explique Thomas Maloutas, professeur de géographie sociale à l’université Harokopio d’Athènes.
Pour remédier au manque de logements abordables, certains pays européens ont décidé de durcir les réglementations relatives au programme Golden Visa ou de le supprimer complètement. La Grèce offre toujours la résidence pour un investissement de 250 000 euros, mais ce chiffre devrait passer à 500 000 à la fin du mois de juillet.
« La situation devient critique car nous commençons à assister à une sorte d’embourgeoisement, en particulier dans le centre d’Athènes. Le gouvernement n’offre aucune protection. Si la situation continue de s’aggraver, la pression deviendra plus forte », a déclaré Maloutas.
« Cette situation touche les jeunes Grecs de manière disproportionnée », a déclaré Maloutas, qui n’est pas sûr que la modification des critères d’attribution du Golden Visa ou l’imposition de réglementations supplémentaires aura un impact positif sur la situation.
En 2021, la Grèce s’est classée au dernier rang de l’UE en ce qui concerne le nombre de ménages surchargés par le coût du logement, avec 32,4 % de la population consacrant 40 % ou plus de leurs revenus au logement, contre une moyenne de 10,4 % dans l’ensemble de l’UE.
Doron, quant à lui, s’attend à une demande encore plus forte dans les semaines à venir, car il craint des changements dans le programme Golden Visa et une instabilité politique persistante en Israël. Il ne cesse de répéter le même conseil aux personnes qui viennent lui poser des questions.
« Les prix ont déjà beaucoup augmenté », dit-il, « cela ne va pas durer éternellement ». « Je pense que, si c’est vraiment ce que vous voulez, c’est le moment de le faire ».
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