Face au risque de représailles de l’Iran, des milliers de Bédouins vulnérables aux roquettes
Quatre mois après l'attaque iranienne qui a blessé une fillette, les habitants des communautés non reconnues du Neguev se sentent en danger, faute d'abris anti-roquettes et de protection par le Dôme de fer
Dans la nuit du 13 au 14 avril, Amina Hassouna, jeune bédouine âgée de 7 ans, était grièvement blessée à la tête par des éclats d’obus provenant de l’interception d’un missile balistique venu d’Iran, lors d’une attaque sans précédents composée de missiles et de drones.
Seule personne grièvement blessée en Israël lors de cette attaque, elle est sortie de l’hôpital Soroka de Beer Sheva il y a de cela deux semaines après plusieurs neurochirurgies complexes.
Ce qui lui est arrivé a permis d’évoquer le sort des communautés bédouines non reconnues du Neguev, qui ne disposent d’aucune protection contre les missiles, alors que se confirment les craintes d’une attaque à grande échelle de la part de la République islamique en représailles à l’assassinat à Téhéran du chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh.
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« Les gens sont inquiets », confie Atiya al-Asam, directeur d’un conseil officieux de hameaux bédouins non reconnus, lors d’un entretien téléphonique avec le Times of Israel.
« Depuis l’attaque d’avril dernier, rien n’a changé. À ce moment-là, les gens se sont réfugiés sous les ponts routiers ou dans des passages souterrains, mais ce n’est pas une solution. Comment abriter plus de deux familles sous un pont ? », questionne al-Asam.
« Il n’existe toujours pas de protection pour les populations bédouines des villages non reconnus, et même dans certains villages reconnus, il n’y a ni abris anti-roquettes ni infrastructures appropriées », ajoute-t-il.
Hassouna a été blessée chez elle, alors qu’elle se trouvait avec ses parents et frères et sœurs à Al-Fura, au sud de Beer Sheva, un peu avant de sortir se réfugier à bord de leur voiture.
Comme la plupart des communautés bédouines non reconnues du Neguev, Al-Fura manque d’infrastructures élémentaires, à commencer par l’électricité, l’eau courante ou des routes goudronnées. Dans la mesure où ces hameaux ne sont pas officiellement reconnus par le gouvernement, il est illégal de construire des maisons en dur et ces habitations sont en permanence menacées de démolition.
Ces communautés manquent également de sirènes et d’abris anti-roquettes et se trouvent en dehors de la zone de couverture des défenses antimissiles du « Dôme de fer », lesquelles n’interceptent que les roquettes tirées vers les zones urbaines enregistrées, à l’exclusion des « zones ouvertes ».
Le 7 octobre dernier, 21 Bédouins trouvé la mort lors du pogrom perpétré par le Hamas dans le sud d’Israël. Certains d’entre eux ont été abattus alors qu’ils travaillaient en secteur juif non loin de la frontière avec Gaza, d’autres ont été tués par les roquettes du Hamas dans leur village. Quatre garçons de la famille Al-Qur’an ont péri de cette manière dans le village non reconnu d’Al-Bat.
Six membres de la minorité bédouine ont été pris en otage à Gaza, dont deux adolescents libérés à la faveur du cessez-le-feu de novembre dernier.
Un total de 320 abris : une goutte d’eau dans l’océan
Après le 7 octobre, quelques ONG et organisations locales se sont unies pour bâtir des abris anti-roquettes dans ces communautés non reconnues.
Grâce à des dons privés, Ajeec, organisation mixte arabo-juive du Neguev, a installé près de 320 abris anti-roquettes en divers endroits ces 10 derniers mois, avec le concours d’autres ONG. La cofondatrice d’Ajeec, la militante canado-israélienne Vivian Silver, a été assassinée chez elle, au kibboutz Beeri, par des terroristes du Hamas, le 7 octobre dernier.
Le PDG d’Ajeec, Ilan Amit, explique au Times of Israel que ces 320 abris ne sont qu’une « goutte d’eau dans l’océan », car on estime à 11 000 le nombre d’installations nécessaires pour protéger les 100 000 Bédouins qui vivent dans les communautés non reconnues du Neguev.
Les abris ont été installés à proximité des jardins d’enfants et de ce qui sert d’école. Le principal objectif de cette campagne est de faire passer le message aux autorités qu’il est possible de régler le problème du « déficit de protection ». Un abri a également été installé non loin de la maison d’Amina Hassouna.
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Selon Amit, les organisations de la société civile sont intervenues auprès du commandement du Front intérieur de Tsahal pour que les communautés non reconnues soient incluses dans la zone de protection du Dôme de fer.
L’armée israélienne en aurait accepté le principe en janvier, mais Amit évoque plusieurs cas dans lesquels des roquettes non interceptées seraient tombées sur les communautés non reconnues, signe peut-être que la couverture n’est toujours pas appropriée, même si ces attaques n’ont, cette fois, pas fait de victime.
L’armée israélienne n’a pas souhaité s’exprimer sur la question, invoquant le secret de la politique de défense aérienne, mais a souligné que le Commandement du front intérieur était en contact permanent avec les autorités locales, le ministère de l’Égalité sociale – chargé d’améliorer le sort des minorités – et l’agence gouvernementale de l’Autorité bédouine.
Selon certains militants, la situation sur le terrain ne se serait pas améliorée depuis avril.
« Il y a 100 000 habitants – enseignants, chauffeurs de bus, employés de banque, personnels de santé de l’hôpital Soroka – toujours sans défense. Les communautés bédouines ont droit à un avenir exempt d’inégalités en matière de protection vis-à-vis de leurs voisins juifs. Mais ce n’est clairement pas là que ce gouvernement concentre ses ressources et ses fonds », regrette Amit.
« Il en va de même pour les ressources en matière de santé mentale. Rien n’est fait pour aider les Bédouins traumatisés par le pogrom du 7 octobre, ni pour les proches des soldats bédouins ou des otages. La question est totalement occultée », poursuit-il.
Le chef de la communauté, al-Asam, est d’avis que si des solutions temporaires peuvent fournir un abri aux membres de sa communauté pour la guerre actuelle, il faut malgré tout des mesures de plus long-terme.
« Le commandement du front intérieur nous dit de nous allonger au sol et de nous couvrir la tête avec nos mains. Ce n’est pas une solution », affirme-t-il.
« Si le gouvernement nous délivrait des permis de construire, nous pourrions construire des mamads [acronyme hébreu qui désigne les pièces sécurisées et renforcées] à l’intérieur de nos maisons », souligne al-Asam. « Mais bien au contraire, il ne fait qu’émettre des ordres de démolition, ce qui prive les populations de toute protection. »
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