Fans d’Orban ou non, les Juifs hongrois se réjouissent de sa visite en Israël
Les juifs hongrois, divisés, pensent aux relations d'Israël avec la diaspora et l'antisémitisme local alors que le Premier ministre sera en Israël le 18 juillet

BUDAPEST – Andras Heisler, président de la Fédération politiquement et religieusement progressiste des communautés juives de Hongrie (Mazsihisz), a eu sa part de frictions avec le gouvernement de droite du Premier ministre Viktor Orban.
Étonnamment, cependant, lorsqu’il s’agit du voyage du Premier ministre hongrois en Israël le 18 juillet prochain – qui fait suite à la visite du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à Budapest l’année dernière – Heisler ne déplore pas les avantages politiques qu’Orban en retirera sans doute chez lui grâce à ses relations toujours meilleures avec l’État juif.
En fait, Heisler a déclaré au Times of Israel la semaine dernière, que cette visite sera « bonne pour les Juifs ».
« C’est une bonne chose pour le gouvernement hongrois – Israël est un pays fort, et c’est une victoire pour la politique étrangère du Premier ministre Orban. C’est également une bonne chose pour Israël, si la Hongrie, un pays membre de l’UE, est pro-Israël. Si c’est bon pour la Hongrie et bon pour Israël, alors [étant] Juif hongrois – c’est bon pour moi et c’est bon pour la communauté juive », a expliqué M. Heisler.

« Quand le Premier ministre du pays fait ouvertement l’éloge de l’État juif et du dirigeant de l’État juif, je ne pense pas qu’il existe un autre outil plus efficace pour réduire l’antisémitisme de la population locale », a déclaré M. Köves au Times of Israel.
Les développements récents corroborent les tendances que Heisler et Köves constatent depuis la visite de Netanyahu l’année dernière : La Hongrie a défendu Israël à plusieurs reprises sur la scène internationale, et des études récemment publiées indiquent que l’antisémitisme est moins répandu dans le pays.
Antisémitisme en déclin
L’enquête récente, publiée par le sociologue Andras Kovacs, a révélé qu’en termes absolus, l’antisémitisme en Hongrie est en baisse depuis 1999, même si une minorité importante de la population continue d’avoir des opinions antisémites. Cette recherche faisait suite à l’étude phare menée par Kovacs il y a deux décennies et est considérée comme l’examen le plus fiable de l’état du judaïsme hongrois depuis la Shoah.
Les agressions physiques contre les Juifs sont presque inexistantes, peut-être en raison de ce que Köves a qualifié de politique de « tolérance zéro » en matière d’antisémitisme par le gouvernement Orban.
« La chose la plus importante est le bien-être physique de la communauté juive, le sentiment de sécurité dans notre vie quotidienne », a expliqué M. Köves.

M. Heisler, bien que plus nuancé, convient que l’année écoulée a connu une certaine amélioration alors que le gouvernement Fidesz s’efforce de mettre fin à l’antisémitisme dans ses propres rangs.
« Il y a des exemples de progrès, a indiqué M. Heisler. « Quand le vice-président de l’Assemblée nationale a voulu assister à une cérémonie dans une église en l’honneur de Miklos Horthy à l’occasion de la Journée internationale de la Shoah, après avoir subi des pressions, la cérémonie a été annulée. »
« Et les récents décrets de la Hongrie exigeaient que les autorités défendent les « valeurs chrétiennes », ce qui était un problème pour la communauté juive… nous avons porté ce problème à l’attention du gouvernement, et maintenant – pas plus tard qu’hier – le ministre des Affaires étrangères était à un événement du Jour de l’Indépendance à l’ambassade américaine, et il a parlé des valeurs judéo-chrétiennes », a-t-il fait remarquer.
Mais malgré la baisse numérique des incidents antisémites, l’étude indique que la communauté juive ressent subjectivement l’antisémitisme de façon plus aiguë et qu’elle le perçoit en fait comme étant en hausse.
Le problème concernant Soros
Le sujet de l’antisémitisme a longtemps hanté Orban. Au cours de l’année qui a précédé les élections d’avril dernier, Orban a lancé une campagne anti-immigration fortement axée sur le milliardaire juif George Soros qui a été perçu par beaucoup comme étant, au moins indirectement, antisémite. Elle présentait de nombreux panneaux d’affichage avec des photos diabolisant un Soros qui, selon Heisler, « ont déclenché de mauvaises émotions parmi nous, les Juifs ».

En tant que représentant d’un large éventail de Juifs hongrois, Heisler n’est pas du genre à taire son mécontentement. Quand Netanyahu et Orban ont fait une visite conjointe à la célèbre synagogue de la rue Dohany à Budapest l’année dernière, Heisler les a critiqués dans ses remarques introductives, disant que Netanyahu ne faisait pas assez pour combattre la campagne, et disant à Orban que « les Juifs de Hongrie [ont commencé] à vivre dans la peur ».
Certains, dont M. Köves, ont déclaré que les assertions antisémites indirectes pouvaient avoir des motivations politiques. Une étude menée chaque année par la Fondation Action et Protection (TEV) a révélé que seulement 2 % des Hongrois établissaient un lien entre Soros et les Juifs, et vice versa.
« Soros à leurs yeux n’est pas synonyme de juif, mais plutôt du capitalisme brutal », a souligné M. Köves.
Peut-être. Mais dans un discours prononcé avant les élections en mars dernier, Orban a joué sur des tropes antisémites historiques lorsqu’il a dit devant 100 000 personnes : « Nous combattons un ennemi qui est différent de nous. Pas ouvert, mais sournois ; pas franc mais rusé ; pas honnête mais malicieux ; pas national mais international ; qui ne croit pas au travail mais spécule avec de l’argent ; qui n’a pas de pays d’origine mais se sent propriétaire du monde entier ».

Avec des amis comme ceux-là
Orban a été accusé d’assurer et de maintenir sa popularité grâce à une combinaison de copinage, de contrôle rigide sur les médias et de sentiments de peur principalement centrés sur la question de l’immigration, entre autres choses. Les critiques disent aussi qu’Orban ferme les yeux sur l’antisémitisme et d’autres formes de racisme afin de ne pas exclure les électeurs d’extrême droite et nationalistes de sa base.
Mais malgré les critiques selon lesquelles il se lie d’amitié avec un dirigeant que l’on a surnommé « l’homme fort » de la Hongrie, Netanyahu récolte les fruits pour Israël en ce qui concerne son amitié naissante avec Orban.
Le 3 juillet, la Hongrie a parrainé une déclaration à la 38e session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies (CDHNU ou UNHRC en américain) condamnant l’antisémitisme. La déclaration a été co-parrainée par 21 autres pays.
Les États-Unis, longtemps considérés comme l’un des seuls alliés d’Israël dans cette instance, ont annoncé leur retrait du CDHNU le mois dernier en raison d’un parti pris permanent anti-israélien que le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a qualifié d’“exercice d’hypocrisie sans vergogne”.

Le Congrès juif mondial a contribué à la création et à la promotion de l’initiative, que le ministre hongrois des Affaires étrangères, Péter Szijjártó, a prise en coopération avec Heisler, qui est également vice-président du CJM.
En décembre, la Hongrie s’est abstenue lors d’un vote de l’Assemblée générale des Nations unies qui a condamné la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par Donald Trump, ainsi qu’un vote en mai au CDHNU qui a proposé la mise en place d’une enquête sur la violence le long de la frontière entre Israël et Gaza. Et, avec la République tchèque et la Roumanie, la Hongrie s’est efforcée de bloquer une déclaration de l’UE critiquant la décision de Trump de déplacer l’ambassade des États-Unis à Jérusalem.
Pour sa part, le ministère des Affaires étrangères israélien est revenu l’année dernière sur un appel à mettre fin à la campagne d’affichage anti-Soros menée par l’ambassadeur en Hongrie, Yossi Amrani.
« En aucun cas, cette déclaration ne visait à délégitimer la critique de George Soros, qui sape continuellement les gouvernements démocratiquement élus d’Israël en finançant des organisations qui diffament l’État juif et cherchent à lui refuser le droit de se défendre », a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Emmanuel Nahshon.
La grande fracture
Si la question de Soros divise les Juifs de Hongrie, elle n’est que le reflet de différences plus profondes au sein de la communauté.
« En surface, la division [orthodoxe-libéraux] concerne la question de savoir ce qui est bon pour la communauté juive. Mais en réalité, le problème se résume à ce qu’est la communauté juive », a déclaré M. Köves.
« Aux États-Unis, de nombreux Juifs s’opposent à Trump malgré le fait qu’il a amené les relations américano-israéliennes à un niveau jamais vu auparavant, parce qu’à leurs yeux, il est un homme de droite, un homophobe, un ennemi de la justice sociale. Et selon eux, l’identité juive est davantage liée à ces valeurs qu’au bien-être et au soutien d’Israël », a-t-il expliqué.

« Il y a un autre aspect de la communauté juive qui est plus traditionnel, plus conservateur, plus religieux, habituellement, qui a un lien émotionnel et idéologique plus fort avec Israël. Nous devons nous en tenir à nos valeurs, et le bien-être de l’État d’Israël et des valeurs juives traditionnelles sont au sommet de nos priorités », a déclaré M. Köves.
« Il ne s’agit pas d’un fossé entre la diaspora et Israël, mais plutôt d’un fossé religieux », a déclaré M. Köves. « L’essentiel de la question est de savoir ce que signifie être juif. Et c’est une question philosophique, éthique, métaphysique, et chacun a le droit de croire ce qu’il croit, et de se battre pour cela ».
Cette dichotomie se répercute également sur les relations entre Israël et la diaspora – un sujet mis en évidence par le prochain voyage d’Orban à Jérusalem.
L’année dernière, dans son discours d’introduction à la synagogue de Dohany, Heisler a fait référence aux caprices croissants du rabbinat israélien en ce qui concerne la décision de légitimer ou non les cérémonies religieuses organisées à l’étranger. « Pourquoi ne sommes-nous pas suffisamment bons pour Israël ? » demanda-t-il à Netanyahu.
La grande majorité des Juifs qui s’identifient ouvertement en Hongrie appartiennent au judaïsme néologue, une dénomination étroitement liée au mouvement réformé.
Le rabbinat orthodoxe d’Israël refuse de reconnaître la légitimité des cérémonies effectuées par toute communauté non orthodoxe – un problème pour les juifs de la diaspora du monde entier. Un sondage Harris de 2003 a révélé que les deux tiers des Juifs américains – une communauté dont la taille rivalise avec celle d’Israël – s’identifient comme des dénominations autres qu’orthodoxes. Seulement 22 % se sont identifiés comme orthodoxes.

Un an plus tard, Heisler a tempéré sa critique dans un entretien avec le Times of Israel.
« Mon intervention de l’année dernière portait sur l’importance du lien entre les deux pays, sur le fait que les communautés juives sont un pont entre les deux pays, et ma petite critique était que nous aimerions un peu plus de considération, en tant que Juifs de la diaspora, de la part du gouvernement israélien. Mais cette partie du discours a fini par attirer le plus d’attention », a précisé M. Heisler.
Heisler a indiqué qu’après son déplacement à Budapest, Netanyahu a réaffirmé l’engagement d’Israël envers les juifs de la diaspora dans un discours prononcé à Washington, DC.
En revanche, M. Köves ne voit pas la nécessité d’un changement dans les relations.
« Quand j’observe le gouvernement hongrois aujourd’hui, je vois qu’il y a des critiques à l’égard d’un soi-disant déficit démocratique et de la corruption, et toutes ces choses importantes, mais je vois aussi que la Hongrie est pratiquement le seul pays d’Europe où la communauté juive est physiquement en sécurité », a déclaré M. Köves.
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