Féminicides : Une femme blessée par 18 balles déplore le manque d’aide de l’Etat
Lamis Abu Laban, 26 ans, vit séparée de ses trois enfants et déménage constamment pour des raisons de sécurité, ses agresseurs étant toujours en liberté

Une femme qui a été visée et touchée par 18 balles au début de l’année et qui a, contre toute attente, survécu, a déclaré que la police et le gouvernement ne font pas assez pour la protéger ou l’aider alors que ses agresseurs sont toujours en liberté.
Lamis Abu Laban, 26 ans, mère de trois enfants et récemment divorcée de son mari violent, a été la cible d’assaillants masqués alors qu’elle se rendait en voiture au domicile de ses parents, une nuit de février.
« Mon cas est douloureux. Dix-huit balles et je suis encore en vie », a-t-elle déclaré à la Douzième chaîne dans une interview diffusée mercredi.
Après de multiples opérations chirurgicales et une convalescence de plusieurs mois, elle a été placée sous protection et, depuis quelques mois, elle change régulièrement d’appartement par mesure de sécurité. Elle dit ne pas être en mesure de travailler.
« J’ai toujours eu l’impression que quelque chose allait m’arriver un jour », a-t-elle déclaré. « J’avais un pressentiment, mais je ne m’attendais pas à cela. Être touchée par 18 balles ce n’est pas normal », a-t-elle ajouté.
Abu Laban s’est mariée très jeune et a donné naissance à ses trois enfants avant ses 18 ans. La jeune femme de 26 ans a déclaré que si ses autres enfants ne comprenaient pas bien la situation, « ma fille de 11 ans comprend tout ».

Abu Laban a subi des violences physiques de la part de son mari et a finalement été obligée d’emménager dans un foyer pour femmes. Elle a décidé de divorcer, même si certains membres de sa famille s’y opposaient.
Se rappelant les instants où elle a été touchée par les balles en février, Abu Laban a dit qu’elle pensait qu’elle ne survivrait pas.
« Je suis rentrée à 11 heures du soir et je suis entrée dans le parking de la maison. Une Chevrolet noire est arrivée derrière moi, rapidement. Il y avait deux hommes – l’un conduisait et l’autre est sorti de la voiture », a-t-elle dit.
« Ma famille a entendu les coups de feu. Mon père était dans un sale état et criait ‘ne meurs pas’. À ce moment-là, j’ai senti que je ne reviendrais pas. J’ai levé les yeux, il pleuvait et je me suis souvenue de mes enfants. C’était un moment difficile. J’ai commencé à me demander qui allait s’occuper d’eux », a-t-elle déclaré.
Abu Laban dit qu’elle est encore profondément traumatisée par l’attaque.

« Je prends des somnifères car je ne peux généralement pas m’endormir avant 7 ou 8 heures du matin. Je fais constamment des cauchemars », a-t-elle déclaré.
Elle dit craindre pour sa sécurité et celle de son entourage, et ne voit donc ses enfants que par appels vidéo.
La femme a critiqué la police et l’État, affirmant qu’ils ne faisaient pas assez pour l’aider.
Elle a déclaré qu’elle ne pouvait pas travailler en raison de sa santé physique et mentale, ainsi que pour des raisons de sécurité.
« Ils devraient m’appeler et venir me voir, mais ils ne le font pas. Ils ne demandent pas de mes nouvelles, ils ne décrochent pas le téléphone », a-t-elle déclaré, ajoutant qu’elle a le sentiment que l’État l’a négligée.
« Je n’ai rien reçu de l’Institut national d’assurance [bituach leumi]. Ils ne comprennent pas ce que je vis. Je mène ma vie dans la peur. J’ai traversé quelque chose d’assez difficile et je veux que l’État me remarque. Je ne me sens pas en sécurité », a déclaré Abu Laban.
Abu Laban a dit qu’elle connaissait Rabab Abu Siyam, une enseignante d’école primaire de 30 ans qui a été abattue la semaine dernière à Lod devant sa fille de 2 ans.

« Je connaissais Rabab et sa famille, c’est douloureux », a-t-elle dit. « Cela m’a fait penser à moi – nous étions dans la même situation ».
En réponse au reportage, l’Institut national d’assurance a déclaré qu’il avait essayé de joindre Abu Laban, mais qu’il n’y était pas parvenu. « Les représentants ont essayé de joindre [Abu Laban] et ses proches à plusieurs reprises par le biais d’appels téléphoniques, de SMS et de courriers », a déclaré l’Institut national d’assurance dans un communiqué, ajoutant avoir « l’intention de fournir à [Abu Laban] toute l’étendue de ses droits ».
Quelques-uns de ses amis ont lancé une campagne de collecte de fonds intitulée « Saving Lamis » sur le site Give Back.
Parallèlement, l’enquête de police sur la fusillade n’a jusqu’à présent donné aucun résultat significatif.
L’ex-mari d’Abu Laban a été arrêté peu après l’incident mais a été relâché le jour même.
La police s’est ensuite tournée vers le frère d’Abu Laban, qui aurait contacté un inconnu au sujet de la tentative de meurtre. Son avocat a déclaré à l’époque qu’il se trouvait au cinéma avec d’autres membres de la famille lorsque la fusillade a eu lieu.
Il a finalement été libéré et assigné à résidence, une mesure qui a pris fin depuis.
Trois autres suspects ont été arrêtés depuis lors, et tous ont finalement été relâchés également.
L’enquête sur la tentative de meurtre d’Abu Laban est toujours en cours.
Les militants se plaignent depuis longtemps que l’on ne fait pas assez pour prévenir la violence contre les femmes en Israël, en particulier dans les cas connus des autorités.
Une étude de l’Observatoire israélien du féminicide, basé à l’Université hébraïque, portant sur le premier semestre 2022, a révélé une augmentation de 71 % des féminicides par rapport à la même période de l’année précédente – soit 12 meurtres contre 7.