France : quatre fois plus d’actes antisémites recensés en un an – Crif
D'une quarantaine chaque mois sur la période estivale, les actes antisémites sont passés à 563 en octobre, 504 en novembre et 175 en décembre
Une multiplication par quatre en un an : le nombre d’actes antisémites recensés en France a bondi l’an dernier, à 1 676 contre 436 en 2022, selon un rapport qui déplore une « explosion » après le 7 octobre, date des attaques du Hamas contre Israël.
Jamais un tel niveau n’avait été atteint en France, pays qui compte la plus importante communauté juive d’Europe (environ 500 000 personnes), déclare à l’AFP Yonathan Arfi, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif). Il rappelle « qu’on avait quelques dizaines d’actes par an dans les années 90, quelques centaines sur la période 2000-2022 ».
Dans six cas sur dix (57,8 %), les actes recensés l’an dernier ont été des atteintes aux personnes (violences physiques, propos et gestes menaçants…) plutôt qu’aux biens, selon ce rapport compilant des chiffres « recensés par le ministère de l’Intérieur et le Service de Protection de la communauté Juive (SPCJ) ». Mais ces chiffres ne reflètent « qu’une partie » des actes antisémites, ceux qui ont fait l’objet d’une plainte ou d’un signalement à la police, rappelle le Crif.
Selon le rapport, dans plus de 40 % des cas, il s’agissait de « propos et gestes menaçants ». Et s’ils ont été surtout commis dans la sphère privée (32 %) et sur la voie publique (20,4 %), 7,5 % ont été recensés sur internet.
Autre point inquiétant pour le Crif, 12,7 % des actes ont eu lieu en milieu scolaire, dont une majorité au collège. « On assiste à un rajeunissement des auteurs d’actes antisémites. L’école n’est plus un sanctuaire de la République », déplore-t-il.
« Pour la première fois depuis longtemps, les générations qui arrivent sont plus poreuses aux préjugés antisémites que les générations précédentes », explique Yonathan Arfi, en identifiant « trois carburants » à ce phénomène : « la haine d’Israël, l’islamisme et le complotisme ».
Le Crif constate une « explosion » (+1 000 %) des actes antisémites après l’attaque du Hamas le 7 octobre sur le sol israélien, qui a entraîné la mort de plus de 1 140 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l’AFP à partir de données officielles.
Israël a juré « d’anéantir » le Hamas et a lancé une vaste opération militaire qui aurait tué 25 700 Palestiniens, en grande majorité des femmes, enfants et adolescents, selon le ministère de la Santé du mouvement islamiste. Les chiffres publiés par le groupe terroriste sont invérifiables, et ils incluraient ses propres terroristes et hommes armés, tués en Israël et à Gaza, et les civils tués par les centaines de roquettes tirées par les groupes terroristes qui retombent à l’intérieur de la bande de Gaza.
« Le 7 octobre a servi de catalyseur à la haine, en activant un antisémitisme latent, et en désinhibant le passage à l’acte », estime Yonathan Arfi, selon qui la vision des civils israéliens massacrés a joué un rôle déclencheur dans ce phénomène.
Car « dès le 7, le jour même quasiment, nous avons vu l’augmentation des actes antisémites », a dit sur CNews le président du Consistoire central israélite Elie Korchia.
Le grand rabbin de France Haïm Korsia a lui témoigné jeudi sur franceinfo et s’est dit « pétrifié de voir cette forme de rejet » et cet « antisémitisme du quotidien que les gens me racontent ». « Ce n’est pas un titre de gloire de dire ‘on est les plus menacés’, c’est une véritable angoisse », a insisté le grand rabbin. « C’est paradoxal : il y a eu à la fois, après le 7 octobre et ces assassinats horribles, un mouvement de solidarité, des vrais appels de fraternité, et en même temps une sorte de libération de la violence », a ajouté Haïm Korsia. Aux yeux du grand rabbin, « deux chiffres (sont) particulièrement inquiétants : celui des atteintes aux personnes et la montée incroyable de ces violences dans les écoles, chez des tout petits parfois qui transposent ce qu’ils entendent chez eux ». Face à ce phénomène, Haïm Korsia estime que « le soutien de pouvoirs publics a été ferme » et que « la police a fait un travail incroyable ». « Maintenant, on demande que les sanctions soient fermes.
En 2012 déjà, après l’attentat contre une école juive de Toulouse où Mohammed Merah avait tué par balles l’enseignant juif Jonathan Sandler et deux de ses enfants, Gabriel, 3 ans, et Aryeh, 6 ans, ainsi qu’une autre petite fille de 8 ans, Myriam Monsonégo dans le collège-lycée Ozar Hatorah, à Toulouse, après avoir abattu Imad Ibn Ziaten, Mohamed Farah Chamse-Dine Legouad et Abel Chennouf à Toulouse et à Montauban les jours précédents, une hausse de 200 % des actes antisémites avait été constatée. La progression avait été de 300 % après l’attaque jihadiste contre le supermarché HyperCacher, en 2015.
D’une quarantaine chaque mois sur la période estivale, les actes antisémites sont passés à 563 en octobre, 504 en novembre et 175 en décembre.
Une décrue en fin d’année « difficile à analyser » pour le président du Crif, qui reste prudent : « il y a eu les vacances, sans doute une baisse d’intensité… » « On reste très loin des chiffres d’avant le 7 », souligne-t-il, en déplorant le « manque de réprobation sociale de l’antisémitisme ».
Rappelant que certains ont pu être tentés de masquer ce qui pourrait les désigner comme Juifs – une mezouza à la porte, un nom sur la boîte aux lettres… -, Yonathan Arfi s’inquiète : « le risque à la fin est celui d’une invisibilisation des Juifs dans l’espace public. C’est une victoire qu’il est hors de question de servir aux antisémites. »
Le Crif précise que le rapport a été réalisé « grâce aux remontées des commissariats et des gendarmeries », et avec des « échanges mensuels avec le ministère de l’Intérieur et le SPCJ ».