Gantz défavorable à la demande de remise en liberté de 2 suspects juifs
Le ministre de la Défense a fait savoir que les deux hommes présentaient un « grand danger », comme un millier d’autres Palestiniens détenus pour des motifs semblables
Le ministre de la Défense, Benny Gantz, s’est adressé, mardi, aux 40 députés de droite qui demandent la libération de deux résidents d’implantations soupçonnés de crimes ultranationalistes, actuellement placés en rétention administrative. Il a fait savoir que leur demande « ne ferait qu’encourager le terrorisme ».
Ce dimanche, 40 députés de la coalition entrante ont écrit à Gantz pour demander la remise en liberté d’Avraham Yair Yered, âgé de 19 ans, et Elchai Carmeli, âgé de 21 ans, actuellent en rétention administrative.
Les signataires de la lettre sont des députés des partis du bloc dirigé par Benjamin Netanyahu – le Likud, le parti d’extrême droite HaTzionout HaDatit, Otzma Yehudit, Noam et les partis haredi Shas et Yahadout HaTorah.
La lettre, qui accuse Gantz « d’outrepasser ses pouvoirs et de fouler aux pieds la procédure judiciaire », est signée par des députés de tout premier plan, parmi lesquels le leader du parti HaTzionout HaDatit, Bezalel Smotrich, le dirigeant d’Otzma Yehudit, Itamar Ben Gvir et le dirigeant de Noam, Avi Maoz, aux côtés des députés du Likud Miri Regev, Yuli Edelstein et Nir Barkat, à l’exception notable du député du Likud Yoav Gallant, pressenti pour le poste de ministre de la Défense dans le futur gouvernement.
La détention administrative permet la détention de suspects en-dehors de toute inculpation, sans réelle limite de temps et sans accès possible aux éléments de preuve à charge.
Rarement utilisée contre des suspects juifs, elle l’est beaucoup plus avec les Palestiniens, et un millier d’entre eux font actuellement l’objet d’une détention administrative, a expliqué Gantz.
« La détention administrative s’utilise avec discernement, sur recommandation des plus hautes autorités de sécurité et des affaires juridiques », a précisé Gantz dans une lettre ouverte à la demande des députés.
« Au cas présent, j’ai pris connaissance de renseignement de la plus haute importance qui soulignent le niveau élevé de danger que représentent les détenus pour la sécurité de l’État et de la population », a ajouté le ministre.
Gantz a reproché aux députés d’avoir présenté cette demande sans avoir eu connaissance des renseignements à l’origine de la rétention.
« En votre qualité d’élus, vous avez une responsabilité. Tant que je serai ministre de la Défense, je ne permettrai pas que des manœuvres politiciennes mettent en danger la sécurité de l’État d’Israël », a écrit Gantz.
Les deux Israéliens juifs qui font actuellement l’objet d’une rétention administrative sont accusés de crimes contre les Arabes et l’un d’entre eux est en outre soupçonné d’avoir attaqué des soldats israéliens.
Carmeli est en effet soupçonné de s’en être pris à des soldats de Tsahal et à des Palestiniens à Huwara, en Cisjordanie, et d’avoir attaqué des Palestiniens dans le quartier de Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est.
Selon le quotidien Haaretz, Carmeli a déjà été condamné pour des infractions à caractère raciste et pour l’agression de participants à la Gay Pride à Ariel, en Cisjordanie, l’an dernier.
Carmeli aurait jusqu’à récemment vécu à Givat Ronen, avant-poste illégal de Cisjordanie peuplé de « jeunes des collines », ces résidents d’implantations ultranationalistes qui établissent illégalement des avant-postes et s’en prennent indistinctement aux Palestiniens comme aux forces de l’ordre israéliennes.
Yered serait soupçonné d’avoir pris part à un incendie criminel anti-arabe dans la ville d’Abu Ghosh, près de Jérusalem le mois dernier, a fait savoir le radiodiffuseur public Kan.
Selon Kan, il est le frère d’Elisha Yered, porte-parole du député d’Otzma Yehudit Limor Son Har-Melech.
On ignore quelles autres charges pèsent sur les deux hommes.
Selon le média de droite Israel National News, les deux suspects font l’objet d’une détention administrative décidée par Gantz suite à la décision d’un tribunal demandant leur remise en liberté.
Les autorités israéliennes assurent que la détention administrative permet de mettre les terroristes dangereux hors d’état de nuire, sans obligation de divulguer les renseignements sensibles qui ont conduit à leur rétention.
Des voix plus critiques considèrent que cette mesure a pour effet de priver les prisonniers d’une procédure normale. La prorogation des rétentions administratives doit être autorisée par un tribunal militaire tous les six mois. Sous le régime de la détention administrative, les détenus peuvent rester emprisonnés pendant des années.
La rétention administrative est surtout utilisée contre les Palestiniens, qui manifestent parfois leur opposition au traitement qui leur est réservé par des grèves de la faim qui peuvent leur être fatales et ne manquent pas d’alimenter les tensions entre Israël et les Palestiniens.
L’ONG de défense des droits Hamoked a fait savoir en octobre que le nombre de Palestiniens placés en rétention administrative n’avait cessé d’augmenter cette année, à la faveur de raids nocturnes menés par Tsahal en Cisjordanie suite aux attentats terroristes meurtriers qui ont endeuillé la population israélienne en début d’année.
Emanuel Fabian a contribué à cet article.