Gerard Richter prête des tableaux inédits sur la Shoah à un musée de Berlin
Cette série de tableaux en quatre parties consacrée à Birkenau s'appuie sur des photos prises secrètement dans le camp de la mort par un prisonnier juif, en 1944

Un musée de Berlin devrait accueillir plus de cent peintures de l’artiste allemand Gerard Richter, et notamment son ouvrage monumental en quatre parties de 2014, Birkenau, qui s’est appuyé sur des photos qui avaient été secrètement prises au camp d’extermination d’Auschwitz par un prisonnier juif pendant la Shoah, en 1944.
Richter a, dans les faits, donné ces œuvres dans le cadre d’un prêt à long-terme au musée via une fondation qu’il a lui-même créée, après avoir juré qu’il ne vendrait jamais cette série, peinte en 2014, pour éviter de les retrouver sur le marché de l’art.
Cette donation a été faite par Richter, qui est âgé de 89 ans et qui est l’un des artistes les mieux payés, au Museum der Moderne, qui est actuellement construit à Berlin. Il devrait ouvrir ses portes en 2027. Les tableaux seront temporairement hébergés par la Neue Nationalgalerie, qui se trouve dans la capitale allemande, dans l’intervalle et à partir de 2023.
« Il m’est apparu clairement que je ne pouvais pas me permettre de vendre les tableaux de Birkenau, et je ne le veux pas », a dit Richter à la chaîne Deutschlandfunk (DLF), a fait savoir le Guardian, la semaine dernière. « Puis j’ai eu l’idée de créer une fondation qui prendrait en charge ces œuvres ».
« Le musée métropolitain de New York les voulait mais nous avons dit : ‘Non, ils restent en Allemagne. C’est là qu’ils doivent être’, » a ajouté Richter.

Sur ces quatre tableaux qui font 2,6 mètres sur deux mètres, l’artiste « s’interroge : l’art est-il capable – et comment – de s’attaquer à l’histoire de la Shoah ? », selon le Met.
Cette série de toiles « reflète l’intérêt qu’il a toujours porté à la capacité de l’art de se pencher sur les questions d’identité et de mémoire collective, particulièrement dans le contexte de l’Allemagne post-Seconde Guerre mondiale », a noté le musée.
Les tableaux sont actuellement et temporairement à découvrir à la Alte Nationalgalerie à Berlin, aux côtés des quatre photographies originales, se reflétant dans un miroir.
Richter avait découvert les photographies qui dépeignaient le processus d’assassinats de masse perpétrés dans les chambres à gaz après leur publication dans le journal Frankfurter Allgemeine Zeitung en 2008 dans le cadre d’un réexamen du livre de Georges Didi-Huberman, Images in Spite of All.
Les quatre photographies avaient été les seules à être sorties du camp. Elles auraient été prises par des membres de l’unité Sonderkommando à Auschwitz-Birkenau. Si elles sont floues, les images montrent des prisonnières nues emmenées dans les chambres à gaz, des gardiens des camps et des cadavres au sol.
Richter avait travaillé à mettre les images sur des toiles et il avait appliqué une couche de couleur après l’autre en plusieurs phases, en utilisant notamment sa technique de signature au racloir.
Richter a reçu le prix Wolf en 2014-2015, une récompense internationale qui est accordée par Israël à des scientifiques et à des artistes. La fondation avait écrit à l’époque que Richter « réinvente la peinture d’aujourd’hui, transcendant ses lois mêmes afin d’oser imposer la beauté ».