Heurts entre manifestants anti-refonte et policiers devant le domicile de Levin
Des manifestants ont tenté de bloquer la voiture du ministre de la Justice ; un grand rassemblement aura lieu plus tard devant la Cour suprême avant une audience clé mardi
Des manifestants opposés à la refonte du système judiciaire menée par la coalition ont affronté la police devant le domicile du ministre de la Justice, Yariv Levin, à Modiin, lundi matin, à la veille d’une audience très attendue de la Haute Cour sur le premier texte de loi adopté dans le cadre de la refonte.
Les manifestants ont déroulé une banderole géante sur laquelle on pouvait lire « Il y a des juges à Jérusalem », une citation attribuée à l’ancien Premier ministre Menachem Begin, le fondateur du Likud du Premier ministre Benjamin Netanyahu, un parti auquel appartient également Levin.
Levin est l’architecte du programme gouvernemental visant à affaiblir le système judiciaire.
La police a déclaré dans un communiqué que les manifestants se trouvaient trop près de la maison du ministre et qu’ils troublaient l’ordre public. Les échauffourées ont éclaté lorsque les policiers ont commencé à déplacer les manifestants.
Selon certaines informations, quatre manifestants ont été arrêtés. La police n’a pas confirmé cette information.
Sur des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, on peut voir des manifestants tenter d’empêcher le véhicule de Levin de descendre la rue. On peut voir des policiers éloigner les manifestants de la trajectoire de la voiture, tandis que d’autres marchent à côté pour tenter de tenir les manifestants à distance.
שר המשפטים יריב לוין בורח ברכבו מהמפגינים סמוך לביתו pic.twitter.com/uuhIlff8Bb
— aviad glickman (@aviadglickman) September 11, 2023
La manifestation était dirigée par le groupe de réservistes Frères et Sœurs d’armes, qui a déclaré dans un communiqué qu’il lançait un « appel clair au Premier ministre pour qu’il cesse de permettre à Levin de fonctionner comme Premier ministre de facto, et qu’il mette de côté les lois du coup d’État ».
« La loi dictatoriale sur le « caractère raisonnable » met en danger la position d’Israël dans le monde et rend les soldats de l’armée israélienne [aux poursuites] devant la Cour internationale de justice de La Haye », peut-on lire dans la déclaration, qui fait écho aux préoccupations des responsables de la défense selon lesquelles la refonte affaiblit grandement l’armée. Dans le passé, le fait qu’Israël soit perçu comme ayant un système judiciaire solide a protégé les soldats de Tsahal d’éventuelles poursuites à La Haye.
La manifestation a eu lieu quelques heures avant un rassemblement de masse qui devait se tenir à partir de 18 heures devant la Cour suprême à Jérusalem, avant l’audition, mardi, des recours contre la loi sur le caractère raisonnable. Des milliers de personnes devaient manifester devant la Cour suprême, avant de se rendre à la résidence de Netanyahu à Jérusalem.
Des manifestations plus modestes étaient prévues dans plusieurs endroits du pays.
מוחים הורחקו מבית שר המשפטים יריב לוין שבמודיעין אל מתחם מוסדר, בחשד להפרת הסדר הציבורי ותנאי מחאה. לטענת המשטרה המפגינים לא עמדו במרחק הנדרש על פי הפסיקה בנושא@OrRavid
???? מחאת המילואימניקים אחים לנשק pic.twitter.com/fDbCxgwO5I
— החדשות – N12 (@N12News) September 11, 2023
La loi, premier texte législatif majeur adopté dans le cadre du plan de réforme, interdit à la Cour d’annuler une décision du cabinet ou d’un ministre sur la base de son « caractère extrêmement déraisonnable ».
Un panel inédit de 15 juges de la Haute Cour devrait entendre les recours contre la loi mardi. On ne sait pas encore quand la Cour rendra sa décision, et il est probable que le fait d’avoir une composition élargie du tribunal allonge la durée de la procédure.
Plusieurs ministres du gouvernement et d’autres personnalités ont mis en garde contre le chaos qui pourrait résulter de l’annulation de la loi par la Cour, ce qui provoquerait une crise constitutionnelle.

La semaine dernière, le président de la Knesset, Amir Ohana, a prononcé un discours suggérant que la coalition pourrait ne pas respecter une décision de la Cour. Il a averti qu’une décision de justice annulant la loi sur le caractère raisonnable pourrait « nous plonger dans l’abîme » et a juré que la Knesset « ne se laissera pas marcher sur les pieds ».
Netanyahu a ensuite relayé les remarques d’Ohana, membre du Likud, sur les réseaux sociaux. Le Premier ministre s’est déjà montré réticent lorsqu’on lui a demandé directement s’il accepterait un jugement de la Haute Cour invalidant la législation.
En mars, Levin avait déclaré que si les juges invalidaient son projet de loi visant à remanier la commission sélection des juges, il n’accepterait pas leur décision. L’intervention de la Cour, si elle devait abroger la législation, « serait totalement injustifiée. À mon avis, elle marquerait le franchissement de toutes les lignes rouges. Nous ne l’accepterons certainement pas », avait prévenu Levin.
Dimanche, seuls trois ministres du gouvernement, dont le ministre de la Défense Yoav Gallant, ont déclaré que les décisions de la Haute Cour de justice devaient être respectées.
Les partisans des plans du gouvernement visant à affaiblir le système judiciaire ont fait valoir que la Haute cour n’était pas habilitée à annuler la législation, étant donné qu’elle a été adoptée en tant que Loi fondamentale quasi-constitutionnelle, dont aucune n’a jamais été annulée par les juges. Le processus d’adoption des Lois fondamentales est le même que celui des autres projets de loi au sein du Parlement monocaméral israélien, sans qu’aucune majorité spéciale ne soit nécessaire.

Dans un document déposé vendredi en prévision de l’audience du 12 septembre, le gouvernement a fait valoir que la Cour n’avait pas l’autorité statutaire pour statuer contre une loi fondamentale et que tout verdict de ce type serait basé sur des « principes de base » non légiférés et peu clairs. Le chef de l’opposition, Yair Lapid, a répondu en jetant le doute sur le statut de la récente législation en tant que loi fondamentale.
La loi sur le « caractère raisonnable », adoptée par la Knesset en juillet, interdit aux tribunaux d’examiner l’action du gouvernement en utilisant la norme judiciaire du caractère raisonnable, qui permet de déterminer qu’une décision est invalide parce qu’elle a été prise sans évaluer correctement des considérations essentielles ou en utilisant des considérations inappropriées.
Les opposants à cette loi font valoir qu’elle pourrait potentiellement porter atteinte à l’indépendance des hauts responsables de l’application de la loi, étant donné que sans le critère du caractère raisonnable, il sera difficile de contester les licenciements arbitraires de fonctionnaires.
Les ministres et les députés de la coalition estiment, pour leur part, que la loi était nécessaire pour empêcher la Haute Cour d’imposer sa propre vision du monde sur les décisions et les actions du gouvernement, et ont déclaré que le licenciement des hauts responsables de l’application de la loi serait toujours soumis à d’autres outils du droit administratif.
Cette loi est le seul élément du vaste programme de réforme judiciaire de la coalition qui ait été adopté par la Knesset jusqu’à présent. Comme d’autres parties du programme de réformes radicales, elle a été confrontée à une opposition massive de la part des groupes de protestation et des partis d’opposition.