Israël en guerre - Jour 373

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Opinion

Il y a déjà un avant et un après 7 octobre

Beaucoup de questionnements suite à cette tragédie de ce samedi noir et ce qu'il a révélé depuis

Stéphanie est la rédactrice en chef du Times of Israël en français.

Une manifestation organisée pour marquer le premier mois qui s'est écoulé depuis le massacre du Hamas du 7 octobre devant la Knesset. (Crédit : Yoram Shpirerl)
Une manifestation organisée pour marquer le premier mois qui s'est écoulé depuis le massacre du Hamas du 7 octobre devant la Knesset. (Crédit : Yoram Shpirerl)

On dit souvent qu’une fois qu’on a passé la période des shloshim, on accepte plus le deuil, on a un peu mieux digéré la perte, on s’est quelque part habitué à l’absence. La période des trente jours s’est achevée dimanche pour les proches et les familles des 1 400 Israéliens massacrés le 7 octobre dernier. Mais je ne crois pas que ce soit plus facile pour eux aujourd’hui – ni pour les proches des otages.

Car en plus de l’effroi, de la douleur indicible, de ce trou béant qui ne les quittera pas un seul instant, il faut ajouter ceux qui n’y croient pas et qui hurlent effrontément au mensonge et ce, en dépit des nombreuses preuves cruellement exhibées par les terroristes eux-mêmes. Ceux qui s’en fichent ni plus ni moins, les gens ou les pays qui se réjouissent de ce pogrom – et ils sont nombreux, preuves à l’appui – à en faire ouvertement l’apologie sur les réseaux dits sociaux. Il y a aussi cet impardonnable « oui, mais » des pays et des gens qui nous font la leçon sur comment donner suite à un innommable carnage barbare et antisémite en 2023 et légitiment le pire massacre depuis la Shoah, car vous comprenez « il y a un contexte ». Il y a enfin ceux qui nous accusent de perpétrer un « génocide », ceux qui arrachent, avec un sourire épouvantable, les affiches des otages accrochées dans les rues européennes et américaines et il y a les pays qui rappellent leurs ambassadeurs en Israël.

Il a fallu du temps avant de pouvoir mettre en mots tout ce qui s’est passé depuis ce samedi noir, un samedi qui devait pourtant être synonyme de joie avec Simhat Torah. Il a fallu du temps pour répondre à cette myriade de questions suscitées par la nature sans précédent des crimes.

Du sang sur le sol d’une chambre, au kibboutz Beeri, le 11 octobre 2023. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)

En effet, quoi d’autre qu’une totale sidération pour tenter de comprendre comment cette haine viscérale a poussé une horde de 3 000 terroristes assoiffés de sang à venir exécuter – avec une violence sadique – au petit matin des bébés, des enfants, des adolescents, des jeunes hommes et des jeunes femmes venus s’amuser lors d’une rave, des moins jeunes et des plus vieux. Des civils pour l’essentiel – certains brûlés, d’autres mutilés ou décapités, ou encore violées. Puis, aussi, une autre incompréhension majeure : le temps de réaction des autorités. Enfin, une déplorable affliction face à la banalisation du terrorisme, face à la banalisation de la haine qui élimine de fait toute boussole morale et fait surgir des équivalences inacceptables. Beaucoup de médias comme la BBC, ou des agences de presse comme l’AFP, refusent même d’utiliser le mot « terrorisme ». (Ce n’est pas nouveau d’ailleurs, c’était déjà le cas pour l’État islamique.) Ces médias préfèrent aussi se demander pourquoi Israël a choisi de montrer à la presse les preuves des atrocités au lieu de se demander pourquoi elles ont eu lieu. La cruauté des images nous plonge précisément dans la terreur – il n’y a pas d’autres mots, justement – et c’est le devoir du journaliste que de raconter les faits face à ceux qui les nient. Selon nos confrères du Figaro, aux yeux de l’AFP, la vidéo de 44 minutes que l’armée a montrée à la presse ne nécessitait pas d’être relayée car « elle n’apportait rien de nouveau »… La part de responsabilité de certains médias dans l’incompréhension du conflit est inexcusable.

Beaucoup se demandent souvent comment ils auraient réagi s’ils avaient vécu pendant la Shoah. Ces victimes, elles, ont dû répondre à cette question quand des terroristes, qui n’ont absolument rien à envier aux nazis, sont venus les traquer jusque chez eux pour les abattre sauvagement.

Moshe Ridler. (Autorisation)

Mais 78 ans après la libération d’Auschwitz, 78 ans après la création du concept juridique de crimes contre l’Humanité, Moshe Ridler, un survivant de la Shoah, qui avait déjà dû répondre à cette terrible question, a été assassiné en Israël parce que juif.

Mais alors comment continuer à vivre avec des voisins prêts à tout pour anéantir le peuple juif ? Comment faire en sorte qu’Israël puisse continuer à être ce refuge existentiel pour les Juifs du monde entier ? (Nombre de victimes étaient des olim hadashim ou détenteurs d’un passeport étranger.) Un accord politique, comme ils disent. Et avec qui au juste Israël conclurait cet accord politique : les terroristes du Hamas, dont l’un des responsables a calmement expliqué lors d’une interview que ses dirigeants n’étaient pas responsables de la protection des deux millions de civils dans l’enclave, dont la moitié sont des enfants, et que les 500 km de tunnels d’attaques creusés n’étaient pas là pour protéger les civils des frappes de représailles de l’armée israélienne mais pour servir de base à leurs attaques ? Qui d’autres alors ? Les terroristes du Jihad islamique, ceux du Front populaire de Libération de la Palestine ? La branche terroriste de l’Autorité palestinienne, des Tanzim ? Ou alors, l’Autorité palestinienne dont les Palestiniens ne veulent pas, qui n’a même pas condamné les massacres, qui nous accuse, devant le secrétaire d’État américain, de mener un « génocide », alors qu’elle octroie des indemnités financières aux terroristes et à leurs proches ? Avec qui conclure cette « solution » à deux États dont Israël a désespérément besoin pour continuer à être un havre de paix pour les Juifs du monde ? À qui donner un État qui impliquerait d’avoir une armée ? Quel pays accepterait d’avoir pour voisins des terroristes qui tirent constamment des déluges de roquettes et mutilent ses citoyens en toute impunité ?

À LIRE – Meshaal : Le Hamas « conscient des conséquences »; la « libération exige des sacrifices »

Mais d’abord, s’agit-il vraiment ici d’une question géopolitique non résolue ? Non. Il s’agit d’antisémitisme pur et simple, aussi vieux que le monde. Demandez-vous pourquoi l’on observe une telle flambée des actes antisémites à travers la planète, demandez-vous pourquoi les manifestations anti-Israël ont commencé au lendemain du carnage et non après la riposte menée contre le Hamas, demandez-vous pourquoi ce conflit génère autant d’émotions auprès de gens qui n’y comprennent (vraiment) manifestement pas grand-chose…

Comme les Arabes en 1947, les terroristes du 7 octobre, à l’instar du Hezbollah libanais, des Houthis au Yémen ou de l’Iran, ne veulent pas d’un État juif et ils l’ont bien fait comprendre lors de leurs récentes interviews : ils continueront jusqu’à la destruction d’Israël. Qu’en est-il des nombreux manifestants qui, sous couvert de défendre la cause palestinienne, défilent sous le cri de ralliement « Israël assassin » ou en entonnant le fameux mot d’ordre « De la rivière à la mer, la Palestine sera libre » ? Qu’en était-il pour ces kibboutznikim massacrés et largement réputés pour être du côté de la paix ?

Les bénévoles au sein du centre communautaire de Rahat trient des produits et font des colis, au mois d’octobre 2023. (Autorisation)

Il faudra beaucoup de temps pour panser ses blessures, repenser l’avenir et retrouver un sentiment de sécurité, que ce soit pour les Israéliens ou les Juifs de Diaspora. Il y a déjà un avant et un après 7 octobre. La seule lueur d’espoir qui jaillit de toute cette noirceur se reflète dans la beauté éclatante de la solidarité et des innombrables initiatives de la société civile pour aider l’armée à en finir une fois pour toutes avec les tortionnaires du Hamas.

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