Netanyahu fustige la déclaration de l’ONU sur les implantations comme « entrave » à la paix
Le bureau du Premier ministre a estimé que les États-Unis n'auraient pas dû soutenir cette déclaration, soutenue par les 15 Etats-membres, mais qui n'a pas de portée contraignante
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Les membres du Conseil de sécurité des Nations unies ont publié lundi une rare déclaration commune condamnant une série d’annonces récentes d’expansion des implantations israéliennes, après que les États-Unis ont réussi à convaincre les membres de retirer une résolution plus contraignante sur la question.
Le Conseil de sécurité de l’ONU a dénoncé la légalisation de neuf avant-postes israéliens en Cisjordanie, estimant que c’était une « entrave » à la paix.
« La poursuite des activités de colonisation d’Israël met en péril la viabilité de la solution à deux Etats », a estimé le Conseil dans cette déclaration de la présidence, soutenue par l’ensemble des 15 membres mais qui n’a pas la portée contraignante de la résolution envisagée la semaine dernière.
Il « s’oppose fermement à toutes les mesures unilatérales entravant la paix, y compris, entre autres, la construction et l’expansion de colonies israéliennes, la confiscation des terres de Palestiniens, et la ‘légalisation’ de colonies, la démolition de logements palestiniens et le déplacement de civils palestiniens » .
Et il « exprime sa profonde inquiétude et sa consternation » concernant l’annonce israélienne de la légalisation des neuf avant-postes et de la construction de nouveaux logements dans les implantations existantes.
Bien qu’une déclaration présidentielle soit largement symbolique et assimilée par les médias israéliens à un « communiqué de presse glorifié », c’était la première fois qu’une déclaration était publiée concernant le conflit israélo-palestinien en neuf ans. Elle n’a cependant pas le caractère contraignant d’une résolution comme celle adoptée en 2016, qui condamnait plus fermement les implantations israéliennes.
La déclaration a également condamné « tous les actes de violence contre les civils, y compris les actes de terrorisme » et a appelé toutes les parties à condamner les actes de terrorisme, à s’abstenir d’inciter à la violence et à demander des comptes à ceux qui prennent les civils pour cible. Les membres ont également rappelé « l’obligation de l’Autorité palestinienne de renoncer au terrorisme et d’y faire face. »
Malgré ces deux derniers points, le bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahu a condamné lundi soir cette déclaration « unilatérale », affirmant qu’elle « nie le droit des Juifs à vivre dans notre patrie historique et ignore les attaques terroristes palestiniennes du mois dernier à Jérusalem, au cours desquelles 10 civils israéliens ont été assassinés ».
Le bureau du Premier ministre a déploré le fait que la déclaration « ferme les yeux sur le fait que l’Autorité palestinienne subventionne le terrorisme et paie les familles des terroristes, et minimise l’antisémitisme qui a conduit au meurtre de millions de Juifs ».
Formulant une rare critique à l’égard de l’administration Biden, le bureau de Netanyahu a conclu que « cette déclaration n’aurait pas dû être faite et les États-Unis n’auraient pas dû s’y associer ».
La semaine dernière, les États-Unis se sont retrouvés dans une situation délicate à l’ONU, où ils ont fait pression sur les membres pour qu’ils ne présentent pas de résolution contre la récente annonce de la légalisation d’avant-postes en Israël, à laquelle ils se sont eux-mêmes fermement opposés.
L’initiative avait provoqué le mécontentement des Etats-Unis qui ont le droit de veto au Conseil. Le département d’Etat avait ainsi dénoncé une résolution « peu utile au regard du soutien nécessaire aux négociations sur la solution des deux Etats ». Toutefois, l’administration Biden maintient depuis longtemps que l’ONU n’est pas le forum approprié pour statuer sur le conflit israélo-palestinien.
Après cette annonce du cabinet de sécurité israélien le 12 février, les Emirats arabes unis avaient fait circuler parmi les Etats membres du Conseil un projet de résolution condamnant « toutes les tentatives d’annexion, y compris les décisions et mesures d’Israël concernant les colonies » et appelant « à leur retrait immédiat ». Le texte réclamait également qu’Israël cesse « immédiatement et complètement ses activités de colonisation dans les territoires occupés, y compris Jérusalem-Est ».
Afin d’inciter l’Autorité palestinienne (AP) à retirer son soutien à la résolution rédigée par les Émirats arabes unis au nom de Ramallah. le secrétaire d’État américain Antony Blinken a dit au président de l’AP Mahmoud Abbas que Washington soutiendrait plutôt la déclaration présidentielle de niveau inférieur, ont déclaré deux responsables américains et palestiniens au Times of Israel. En outre, Blinken a déclaré à Abbas qu’il serait invité à rencontrer le président américain Joe Biden à la Maison Blanche dans le courant de l’année, une invitation que Netanyahu lui-même n’a pas encore reçue.
Israël a également averti l’Autorité palestinienne qu’elle ne mettrait pas en œuvre une série de mesures visant à faciliter la vie des Palestiniens avant le Ramadan si une résolution du Conseil de sécurité était adoptée, selon un fonctionnaire au fait de la question.
L’AP a accepté dimanche et les EAU ont retiré la résolution. La déclaration présidentielle n’a pas appelé à un arrêt immédiat des activités dans les implantations, mais a exprimé l’opposition du conseil aux « mesures unilatérales qui entravent la paix », notamment la confiscation de terres palestiniennes, la démolition de maisons palestiniennes et le déplacement de civils palestiniens.
Il a également appelé au maintien du statu quo sur les lieux saints de Jérusalem, une question qui a été remise en question par le nouveau gouvernement, dont font partie des responsables religieux qui ont longtemps fait campagne en faveur de l’autorisation de la prière juive sur le lieu saint.
Plus tard dans la journée de lundi, le Conseil de sécurité a tenu sa session mensuelle au cours de laquelle les membres sont informés de l’évolution du conflit israélo-palestinien.
Au cours de la session, l’envoyé des Nations unies pour le Moyen-Orient, Tor Wennesland, a exprimé son soutien à la déclaration présidentielle tout en exhortant les dirigeants israéliens et palestiniens « à assortir les efforts de sécurité de mesures politiques susceptibles de mettre un terme à la dérive négative et de restaurer l’espoir d’une fin du conflit et des perspectives d’une solution viable à deux États ».
Il a déploré les pertes de vies humaines dans les deux camps depuis la dernière réunion du Conseil. Au cours de la nouvelle année civile, 11 Israéliens ont été tués dans des attaques à Jérusalem-Est, dont plusieurs enfants, et 49 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie – la plupart dans des affrontements avec les troupes de l’armée israélienne, mais certains étaient des civils non impliqués.
Dans ses propres remarques au conseil, l’ambassadrice américaine aux Nations unies, Linda Thomas-Greenfield, a condamné « les attaques terroristes contre des sites religieux, les attaques de colons, les attaques contre les services de sécurité, les roquettes lancées contre des zones civiles, et d’autres formes de violence créent un cycle d’escalades de plus en plus dangereuses ».
Elle a également qualifié la déclaration présidentielle de « véritable diplomatie à l’œuvre, et nous pensons qu’elle signifie à toutes les parties le sérieux avec lequel ce Conseil prend ces menaces pour la paix. »
Pour sa part, l’ambassadeur israélien aux Nations unies, Gilad Erdan, a critiqué le Conseil de sécurité pour s’être intéressé aux « permis de construire [délivrés] dans des communautés déjà existantes… alors que les enfants juifs morts ne suscitent aucune réaction. C’est une honte ».
Au milieu de ses remarques au Conseil, Erdan a brandi une photo des frères Yaakov Yisrael et Asher Menahem Paley qui ont été tués dans une attaque à la voiture bélier par un Palestinien au début du mois.
« La réunion d’aujourd’hui aurait dû être entièrement consacrée aux Israéliens innocents récemment assassinés, mais comme ce conseil préfère se concentrer sur autre chose, je demande que le minimum de respect soit accordé aux victimes et à leur mémoire », a-t-il déclaré avant de lire les noms des 11 victimes tuées dans des attentats le mois dernier et de se lever pour observer une minute de silence.
Interrogé sur son éventuelle déception de la rétrogradation de cette possible résolution en une déclaration de la présidence, l’ambassadeur palestinien à l’ONU Riyad Mansour a souligné que l’important était d’avoir une « position unie » du Conseil.
« Isoler une partie est un pas dans la bonne direction », a-t-il déclaré à la presse.
En décembre 2016, pour la première fois depuis 1979, le Conseil de sécurité avait demandé à Israël de cesser la construction d’implantations dans les territoires palestiniens, dans une résolution permise par la décision des Etats-Unis de ne pas utiliser leur droit de veto.
Les Etats-Unis s’étaient abstenus lors de ce vote à quelques semaines de la passation de pouvoir entre Barack Obama et Donald Trump, alors qu’ils avaient toujours soutenu Israël jusqu’alors sur ce dossier sensible.
Ash Obel et l’AFP ont contribué à cet article.