Israël prépare sa riposte, mais le maintien de l’alliance menée par les Etats-Unis est une victoire
Alors que l'Iran s'est estimé obligé de répondre à la frappe contre ses généraux, Israël pourrait s'abstenir et sortir victorieux en préservant ses alliances alors que celles de Téhéran s'effritent
L’attaque aérienne sans précédent menée par l’Iran tôt dimanche a mis la balle dans le camp d’Israël. L’Etat hébreu doit maintenant choisir entre une réponse ferme et punitive, visant à faire réfléchir l’Iran à deux fois avant de lancer d’autres attaques mais qui risquerait de déclencher une conflagration plus importante, ou une réponse aux appels de ses alliés à se désengager et à laisser les combats s’apaiser pour l’instant.
À ce jour, si les propos de certains responsables et les fuites des discussions au sein du cabinet sont fiables, Israël semblerait privilégier certaines mesures de représailles, mais pas celles, dévastatrices, préconisées par les partisans de la ligne dure au sein du cabinet de sécurité israélien élargi, notamment le ministre des Finances Bezalel Smotrich et le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir.
Ces derniers ont tous deux préconisé une riposte sévère de la part d’Israël à l’attaque iranienne afin de rétablir son pouvoir de dissuasion. Ils n’ont cependant pas pris en compte les conséquences pour Israël que représenterait la perte du soutien des États-Unis et des autres pays qui sont intervenus pour défendre l’État dans la nuit de samedi à dimanche.
Bien que de nombreux Israéliens tremblent à l’idée que la plus grande attaque de missiles jamais lancée contre Israël restent impunie, certains experts estiment que le succès des systèmes de défense aérienne et des alliés, qui ont abattu la quasi-totalité des missiles et des drones lancés contre Israël, offre d’autres options à Jérusalem. Les États-Unis ont quant à eux fait savoir de manière claire qu’ils ne soutiendraient pas de représailles, ce qui signifie qu’une riposte mettrait en péril la poursuite de la coopération avec Washington et que d’autres des alliés de l’État juif suivrait les États-Unis.
Le cabinet israélien, qui est en train de se pencher sur la suite des événements, doit donc trouver un moyen de faire en sorte que l’agression iranienne ne reste pas impunie, tout en veillant à ce que les mesures prises ne contribuent pas à déclencher une conflagration régionale plus large. Il doit également trouver une option qui lui permette de conserver le soutien de ses alliés, en particulier des États-Unis.
La tâche ne sera pas aisée.
À quoi pourrait ressembler la réponse d’Israël ?
Selon Sima Shine, une ancienne responsable du Mossad qui dirige le programme sur l’Iran à l’Institute for National Security Studies (INSS), toute riposte israélienne se limitera probablement à une attaque contre des installations militaires iraniennes, similaire à celle menée par le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) de l’Iran contre la base aérienne de Nevatim lors de l’attaque de dimanche.
« Si Israël riposte, ce sera dans le cadre des mêmes paramètres, contre des sites militaires, pas des sites civils, ni probablement des sites économiques », a-t-elle indiqué. « Si Israël riposte, il visera différents dispositifs militaires, et nous disposons de nombreux renseignements sur ce qui se passe [sur le plan militaire] en Iran ».
Menahem Merhavy, chercheur à l’Institut Harry S. Truman pour la promotion de la paix de l’Université hébraïque, a déclaré qu’une frappe sur une installation militaire à l’intérieur de l’Iran éviterait probablement de viser des installations plus importantes ou plus sensibles. Il a émis l’hypothèse qu’Israël et l’Iran opéraient dans le cadre d’une sorte « d’accord tacite » visant à empêcher l’escalade du conflit, aucune des deux parties n’étant intéressée par une guerre totale.
Merhavy a souligné que les Iraniens ont annoncé leur attaque contre Israël avant même que leurs missiles n’atteignent leurs cibles, et qu’ils ont indiqué qu’ils considéraient l’affaire comme close, alors même que leurs drones et leurs missiles étaient encore dans les airs. L’Iran a clairement fait savoir qu’il voulait se venger de l’attaque du 1er avril qui a tué le général Mohammad Reza Zahedi et six autres personnes dans une annexe du consulat iranien à Damas, mais qu’il ne souhaitait pas une escalade du conflit avec Israël.
Contrairement à Israël, l’Iran n’a eu d’autre choix que de répondre, estime Meir Javedanfar, maître de conférences à la Lauder School of Government, Diplomacy and Strategy de l’université Reichman.
La force de dissuasion de l’Iran a été tellement compromise par cette attaque israélienne présumée au cœur même de Damas, ainsi que par ce que Javendafar a décrit comme la « sous-performance » de ses alliés et mandataires régionaux, que sa crédibilité en tant que puissance régionale risquait d’être remise en question s’il ne réagissait pas avec force à l’assassinat de Zahedi.
« Le Hamas a subi une grande défaite militaire à Gaza, de même que le Jihad islamique, le Hezbollah ne parvient pas à faire pression sur Israël pour mettre fin à la guerre à Gaza malgré ses efforts, et le régime iranien s’est senti obligé de réagir pour rétablir la dissuasion », a affirmé Javendafar en parlant des alliés et mandataires régionaux de l’Iran.
Merhavy estime, quant à lui, que Téhéran a été contraint de lancer une attaque pour faire taire ses détracteurs à l’intérieur du pays qui affirmaient qu’il avait accepté l’assassinat par Israël d’officiers du CGRI envoyés en Syrie, ainsi que plusieurs attaques menées au cours de ces derniers mois.
« Le message était davantage destiné à son propre peuple et à ses mandataires pour leur signifier que le régime ne se contente pas de prononcer des discours et d’envoyer les autres combattre ses guerres, mais qu’il livre lui-même ses batailles », a-t-il déclaré, ajoutant que le moral du CGRI était devenu problématique en raison des nombreuses assassinats ciblés visant des commandants de haut rang, et ce sans aucune réponse substantielle.
Javendafar a souligné que s’il avait laissé les milices qu’il soutient en Irak, au Liban, au Yémen et ailleurs continuer à prendre la tête des attaques contre Israël, il aurait au final pu paraître faible aux yeux de son propre peuple.
« L’Iran s’est toujours contenté de laisser ses mandataires faire le travail, mais là, il s’est senti défié et, a estimé que s’il ne réagissait pas, le peuple iranien risquait de le prendre pour un tigre édenté », a-t-il ajouté. « Et les régimes dictatoriaux n’aiment pas donner une telle image d’eux-mêmes à leur propre peuple, car cela risque d’encourager davantage d’instabilité », a-t-il déclaré.
Shine a observé que le régime iranien était devenu encore plus radicalisé ces dernières années, avec des éléments de la ligne dure soutenus par le CGRI et susceptibles de chercher à se venger, occupant des positions de pouvoir proches du Guide suprême Ali Khamenei.
« Le CGRI et l’entourage de Khamenei dominent [les pragmatiques] et ils ont dit que nous devions riposter, sachant qu’Israël riposterait à son tour…. Les dirigeants sont très monolithiques et très dépendants du CGRI », a-t-elle déclaré.
Le « cauchemar » iranien
Selon Merhavy, la force de dissuasion d’Israël est en revanche bien établie et, plutôt que de risquer de l’affaiblir en décidant de répondre à l’attaque iranienne, cette série de batailles l’aurait renforcée à deux égards majeurs.
Tout d’abord, le système de défense antimissile multicouche, qui a connu un succès extraordinaire face à l’attaque aérienne iranienne, a été mis en place. « L’Iran a appris que sa capacité à atteindre des cibles en Israël était très limitée, voire qu’il n’en a même pas les moyens », a-t-il expliqué.
Ensuite, la force de dissuasion israélienne a été renforcée par l’assassinat audacieux de Zahedi.
« À mon avis, des gens comme Zahedi se savent aujourd’hui être des cibles potentielles, et leurs successeurs l’ont bien compris. Le message a été envoyé et je ne pense pas que le barrage iranien y changera quoi que ce soit », a indiqué Merhavy.
L’attaque iranienne, qui s’est soldée par un échec, a également fait comprendre aux groupes soutenus par l’Iran que Téhéran n’avait ni la volonté ni la capacité d’intervenir pour les aider directement.
Ainsi, le Hamas a eu confirmation, après que Téhéran a clairement refusé de s’impliquer directement dans son attaque contre Israël après les atrocités du 7 octobre, que la République islamique n’est apparemment disposé qu’à se défendre elle-même, a ajouté Merhavy.
« Le Hamas et le Hezbollah ont appris que la capacité de l’Iran à attaquer Israël est très limitée », a-t-il ajouté. « Cela pose des problèmes au Hezbollah et donne à Israël un moyen de pression dans ses efforts pour amener le Hezbollah à se retirer du Sud-Liban. »
Selon Shine, en maintenant ses avions au sol, Israël pourrait s’assurer que l’Iran reste isolé sur la scène internationale et préserver l’alliance internationale qui a contribué à vaincre l’attaque aérienne de Téhéran, un résultat bien meilleur que tout gain possible d’une riposte massive telle que celle préconisée par Smotrich et Ben Gvir.
« Il serait bien plus dévastateur pour les Iraniens qu’Israël parvienne à modifier l’architecture du Moyen-Orient de manière à ce qu’il soit clair que l’Iran a ses mandataires, mais que tous les autres travaillent ensemble contre eux », a-t-elle déclaré.
Les forces américaines ont détruit 80 des 170 drones lancés par l’Iran sur Israël ; la Grande-Bretagne, la Jordanie et la France ont toutes contribué à intercepter l’armada de drones, et l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis auraient transmis des renseignements qui ont joué un rôle clé dans la mise en échec de l’attaque.
Le ministre Benny Gantz, membre du cabinet de guerre, a lui-même souligné l’importance de préserver cette alliance dans des remarques émises dimanche avant la tenue du forum, déclarant que le monde s’était « clairement rangé aux côtés d’Israël » contre l’attaque iranienne.
Il a qualifié la réponse internationale de « réussite stratégique », qu’il convient de renforcer.
« Cette alliance régionale est plus importante qu’une réponse à l’attaque iranienne, et nous ne devrions pas la compromettre », a affirmé Merhavy.
Les nations arabes impliquées ont pris le risque de participer à la défaite de l’attaque iranienne. Israël « ne doit pas pousser trop loin cette bonne volonté », a-t-il ajouté.
Le fait que 99 % des missiles et des drones aient été interceptés, selon Tsahal, et qu’une seule personne – une jeune bédouine – ait été blessée par le lancement des quelque 350 projectiles meurtriers, signifie qu’Israël n’a pas besoin de riposter immédiatement et qu’il peut prendrele temps de réfléchir soigneusement à la manière dont il va le faire, a affirmé Shine.
Elle a décrit l’alliance régionale dirigée par les États-Unis qui s’est portée à la défense d’Israël comme un échec stratégique pour Téhéran. « C’est le cauchemar de l’Iran », a-t-elle déclaré.
« La question, a-t-elle ajouté, est de savoir si les dirigeants israéliens sont capables d’attendre et de se contenter d’une revanche stratégique et non d’une attaque opérationnelle. »
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