Israël vit la pire crise de santé mentale de son histoire – ministre de la Santé
Lors d'une conférence à Tel Aviv, Uriel Buso a promis d'améliorer le système de santé mentale ; les survivants et les endeuillées encouragent à ne pas avoir peur d'obtenir de l'aide
Onze mois après le début de la guerre déclenchée par le pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre, le pays connaît la pire crise de santé mentale de son histoire, a déclaré le ministre de la Santé, Uriel Buso, lors de la conférence Enosh sur la santé mentale 2024, qui s’est tenue mercredi à Tel Aviv.
Parce que « notre réalité a changé », Buso a annoncé que l’aide du ministère aux caisses de santé pour traiter les problèmes de santé mentale sera doublée pour atteindre environ 600 millions de shekels en 2025.
« Nous vivons la plus grande crise de santé mentale que l’État ait connu depuis sa création », a affirmé Buso.
« Une crise qui nous oblige, en tant qu’État et société, à changer les perceptions et à moderniser le système public de santé mentale. »
Il a ajouté que le ministère « doit se concentrer sur des actions qui créent de la résilience ».
La Dr. Hilla Hadas, PDG d’Enosh, a organisé la conférence d’une journée en raison de la situation d’urgence nationale.
« Nous devons planifier à l’avance pour nous assurer que le pays est prêt pour le jour d’après », a déclaré Hadas.
« Nous ne résoudrons pas tous les problèmes et nous savons qu’il y aura toujours des surprises, mais nous devons être prêts. »
Un large éventail d’experts, y compris des représentants du monde universitaire, des ministères, des autorités locales, de l’armée, de la philanthropie et des organisations de santé mentale, se sont concentrés sur l’état actuel de la santé mentale et du bien-être dans le contexte de la guerre, ainsi que sur le besoin urgent de renforcer le système de santé mentale en Israël.
« Aujourd’hui, la santé mentale est la question la plus importante du système de santé », a déclaré Moshe Bar Siman-Tov, directeur-général du ministère de la Santé.
Plus de 400 personnes ont assisté à la conférence. L’ambiance était morose alors que la Première dame, Michal Herzog, a parlé de la douleur partagée par le pays après l’assassinat par leurs ravisseurs du Hamas de six otages, enlevés vivants le 7 octobre, et dont les corps ont été retrouvés samedi dans un tunnel du sud de la bande de Gaza.
Elle a déclaré qu’il s’agissait d’un « moment très difficile », ajoutant que les parents de Hersh Goldberg-Polin, l’un des six otages, « sont devenus nos amis ».
Elle a déclaré avoir appris d’un survivant du pogrom du 7 octobre – lorsque plus de 6 000 terroristes du Hamas ont fait irruption à la frontière depuis la bande de Gaza et se sont déchaînés de manière meurtrière dans les régions du sud, tuant près de 1 200 personnes – que de la « douleur naît la croissance ».
Reut Stoller, responsable stratégique dans le domaine de la résilience et du bien-être, a ajouté qu’il y avait eu un « changement majeur » dans le domaine de la philanthropie en faveur de la santé mentale.
« Nous ne cessons d’essayer de nouvelles initiatives. Nous ne pouvons pas [nous permettre de] perdre cet élan », a-t-elle déclaré.
Haïm Jelin, du kibboutz Beeri, ancien chef du Conseil régional d’Eshkol, a parlé de la façon dont les gens peuvent comprendre les catastrophes naturelles, les tremblements de terre par exemple, mais « cette monstruosité est inexplicable ».
Il a ajouté que lorsque les travailleurs sociaux, les « soldats de l’âme », demandent aux habitants des kibboutzim ce dont ils ont besoin, « nous ne sommes toujours pas en mesure répondre ».
« Malgré la douleur et la souffrance, aider les autres me donne de la force. L’espoir est contagieux et il peut aider à guérir », a-t-il toutefois ajouté.
Chen Goldstein-Almog a raconté d’une voix posée comment des terroristes ont déferlé sur sa maison du kibboutz Kfar Aza le 7 octobre, et ont abattu son époux, Nadav, et leur fille de 20 ans, Yam, avant de les kidnapper, elle et leurs trois enfants survivants, pour les emporter à Gaza.
Elle et ses trois enfants survivants sont restés captifs pendant les 51 jours suivants, jusqu’à ce qu’ils soient libérés le 26 novembre dans le cadre d’un accord de cessez-le-feu d’une semaine conclu fin novembre. « Il est important pour moi de parler de ce qui s’est passé », a affirmé Chen.
À ses côtés, Ofri Levy Zemach, dont le mari, Shachar, membre de l’équipe d’intervention rapide du kibboutz Beeri, a été tué lors de l’assaut barbare et sadique du Hamas, a déclaré que leurs deux enfants, qui ont aujourd’hui 3 et 5 ans, « s’arrêtent au milieu d’un jeu amusant et posent des questions très difficiles ».
« Ils me demandent : ‘Pourquoi Abba [papa] n’a-t-il pas dit au revoir ?’ Ou encore : ‘Pourquoi nous a-t-il quittés ?’ », a raconté Ofri.
Les deux femmes ont expliqué qu’elles recevaient « toutes sortes d’aide et d’activités psychologiques », mais, selon Ofri, « il s’agit d’un processus très difficile qui ne s’arrête pas ».
Hadas a déclaré au Times of Israel qu’en dépit de la « situation très compliquée », il est important de ne pas dire que « le pays est traumatisé ».
« Cela ne nous aide pas. Il est vital que nous examinions ce que nous pouvons faire, comment nous pouvons être proactifs. »
Yeshitu Shmuel, PDG de Wustet Zega, une organisation qui offre une aide psychologique aux personnes de différentes cultures, assistait à la conférence.
« Les Éthiopiens ne connaissent pas la psychologie occidentale », a-t-elle fait observer.
« Au lieu de dire qu’ils sont en détresse, ils diront qu’ils ont des vers dans la tête ou des fourmis sur les bras. »
Wustet Zega sert de passerelle pour expliquer aux travailleurs sociaux et aux psychologues comment atteindre les personnes de différentes cultures qui sont dans le besoin dû à la guerre et encourage les gens à ne pas avoir peur d’obtenir de l’aide.
La conférence a clairement démontré à son collègue, Roman Feriede, que « les organismes gouvernementaux ont besoin de nous pour atteindre les gens ». Selon elle, l’écoute des orateurs a mis en évidence l’ampleur des besoins.
« Cette prise de conscience nous aide à poursuivre notre travail. »