Sur une affiche emblématique revisitée, Jésus, en route pour Jérusalem, est bloqué par un mur
Créée dans les années 1930 pour soutenir le tourisme juif en Terre sainte, cette image de “visitez la Palestine” est devenue le symbole du nationalisme palestinien
Dov Lieber est le correspondant aux Affaires arabes du Times of Israël
Il y a un peu plus de 2 000 ans, alors qu’ils se rendaient de Bethléem à Jérusalem, Marie, Joseph et le petit Jésus ont été arrêtés par un mur en ciment géant.
Ce n’est pas exactement le récit du Nouveau testament mais dans une version récemment réimprimée de l’affiche « Visitez la Palestine », c’est exactement ainsi que la scène est présentée.
Ces affiches, largement disponibles dans les boutiques touristiques du marché de la Vieille Ville de Jérusalem, constituent une critique peu subtile de la barrière de sécurité israélienne, dont les Palestiniens affirment qu’elle est une entrave injuste à leur liberté de déplacement.
L’affiche exploite également la tendance récente du nationalisme palestinien, selon laquelle Jésus de Nazareth est un Palestinien. L’affiche suggère que même Jésus, à l’époque contemporaine, n’aurait pu se rendre de Bethléem à Jérusalem.
Israël a commencé à construire la barrière, qui est partiellement un mur mais surtout une clôture, le long de la Cisjordanie et à l’intérieur de la région en 2002, à l’apogée de la Deuxième Intifada, pour mettre un terme aux attentats kamikazes et autres actes terroristes qui ont fait des centaines de morts du côté israélien. Les Palestiniens affirment que la barrière, qui comprend environ 7 % de la Cisjordanie, est une usurpation de terre qui vise à voler des parties de leur futur état.
Le poster avec Marie, Joseph et Jésus est l’une d’une série de remakes palestiniens de l’affiche « Visitez la Palestine », créée pour la première fois en 1936 pour promouvoir le tourisme juif en Terre sainte, avant la création d’Israël en 1948.
Selon un article paru en 2015 dans le Journal of Palestine Studies, l’affiche originale a été conçue pour l’Association du développement touristique de la Palestine par Franz Krausz, un immigrant juif autrichien en Palestine pré-étatique dans les années 1930, qui avait fui l’Allemagne avant la Shoah.
L’affiche avait été reprise en 1995 par l’Israélien David Tartakover, qui espérait que ce serait un « geste d’espoir » dans un environnement marqué par les pourparlers de paix d’Oslo, selon l’article.
Rapidement, l’affiche revisitée s’est propagée dans les territoires palestiniens, où elle peut être vue dans les bureaux de l’Autorité palestinienne, dans les librairies et dans les boutiques touristiques, précise l’article.
En 2009, l’artiste palestinien Amer Shomali a redessiné l’affiche pour enlever la vue sur la Veille Ville de Jérusalem en ajoutant la barrière de sécurité.
Sur le site internet où il vend son affiche, Shomali écrit que : « Après l’échec du processus de paix, le moment était venu d’une troisième version [de l’affiche], soulignant l’échec des deux précédentes. »
Le poster est dorénavant une affiche connue des artistes palestiniens désireux de critiquer la politique israélienne.
Dans l’une de ses versions, Jérusalem est remplacé par la bande de Gaza déchiquetée par une explosion, en référence aux frappes aériennes israéliennes sur le territoire pendant les conflits contre le groupe terroriste du Hamas, qui contrôle l’enclave palestinienne, et qui a lancé des milliers de roquettes et a creusé des tunnels sous la frontière.
Dans une autre version, Jérusalem est vu à travers un large trou dans la barrière de sécurité, qui semble être l’oeuvre des enfants de bande dessinée qui apparaissent dans les ouvrages de l’artiste britannique Bansky.
En 2005, c’est Bansky qui avait dépeint pour la première fois la barrière de sécurité comme un obstacle pour Jésus et Marie dans sa peinture « carte de Noël ».