Jet de pierre ayant tué une Palestinienne : Le caractère terroriste retenu
Le ministère de la Défense refuse de reconnaître Aisha Rabi comme victime du terrorisme, car elle n'était pas israélienne, privant sa famille d'indemnités ; son veuf va faire appel
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Les autorités israéliennes ont reconnu dimanche que le jet de pierre contre une voiture ayant tué Aisha Rab en 2018, était une attaque terroriste, mais ont refusé de reconnaître la Palestinienne mère de 8 enfants comme victime du terrorisme.
Les critères établis par le ministère de la Défense stipulent que pour être reconnu comme victime du terrorisme, il faut être un citoyen israélien ou titulaire d’une carte de séjour israélienne. Cela donne droit à une indemnisation de la part de l’institut de sécurité sociale israélienne.
Tuée par une pierre lancée par un jeune Israélien de 16 ans sur le pare-brise de la voiture où elle se trouvait avec son mari et leur fille, près de l’échangeur Tapuach dans le nord de la Cisjordanie, Aisha Rabi ne répond pas à ces critères.
Les avocats de la famille, Nabila Kaboub et Mohamad Rahal ont déclaré au Times of Israël qu’ils avaient l’intention de faire appel de cette décision pour garantir que la femme de 47 ans soit considérée, à titre posthume, comme victime du terrorisme.
Me Rahal a déclaré qu’il avait l’intention de se baser sur la décision de dimanche pour demander que le mari d’Aisha Rabi, Yakoub, et Rama, leur fille de 9 ans, soient reconnus comme victimes du terrorisme. Yakoub est titulaire d’une carte de séjour israélienne, ce qui devrait lui permettre d’être rapidement habilité en ce sens par les autorités israéliennes.
Mohamad Rahal a déclaré que la décision initiale de considérer le jet de pierre comme une attaque terroriste était, en soi, inédite. Il s’agit de la deuxième fois seulement que le caractère terroriste d’une agression visant un Palestinien non israélien est retenu. C’est la première fois que la victime n’est pas titulaire d’un permis de séjour israélien.
L’an dernier, Mahmoud Abu Asabeh a été reconnu victime du terrorisme. Abu Asabeh, 48 ans et originaire de la ville de Halhul en Cisjordanie, était en Israël avec un permis de travail quand l’immeuble d’Ashkelon dans lequel il se trouve a été frappé par une roquette durant un épisode de violence entre l’armée israélienne et les groupes terroristes de Gaza en novembre 2018.
Israël a également reconnu, à titre posthume, Muhammed Abu Khdeir, qui a été kidnappé et brutalement tué par trois extrémistes juifs en 2014, comme victime du terrorisme. Toutefois, Abu Khdeir était citoyen israélien et résident du quartier de Shuafat, à Jérusalem-Est. Sa famille a demandé à ce que son nom soit retiré du Mémorial des victimes d’actes terroristes au mont Herzl, mais que son statut de victime du terrorisme soit maintenu.
L’auteur présumé de l’attaque contre Aisha Rabi, un élève de la yeshiva Pri HaAretz, au nord de la Cisjordanie dans l’implantation de Rehelim, a été accusé l’année dernière d’homicide involontaire, de jet de pierre aggravé sur un véhicule en mouvement et de sabotage intentionnel d’un véhicule. Le suspect était mineur au moment de l’incident et ne peut être nommé.
Chacune des accusations a été qualifiée par le ministère public comme ayant été réalisée « dans le cadre d’un acte terroriste ».
Selon l’acte d’inculpation, le suspect a quitté la yeshiva Pri Haaretz en compagnie de plusieurs autres lycéens, tard dans la soirée du 12 octobre.
Le groupe est arrivé au sommet d’une colline située entre le carrefour de Rehelim et celui de Tapuah, surplombant la Route 60 — principale artère reliant le nord et le sud de la Cisjordanie. Le suspect s’est alors emparé d’une pierre d’environ deux kilos et préparé à la lancer sur un véhicule palestinien « pour un mobile idéologique reposant sur le racisme et l’hostilité envers les Arabes où qu’ils se trouvent », lit-on dans l’acte d’inculpation.
En mai dernier, le suspect, désormais âgé de 17 ans, a été assigné à résidence et doit porter un bracelet électronique, être sous la surveillance permanente de deux tuteurs adultes et n’a pas le droit d’être en contact avec des personnes hors de son cercle familial.
Nabila Kaboub a déclaré qu’elle avait l’intention de s’appuyer sur la décision de dimanche pour porter plainte au civil contre les étudiants ayant accompagné l’assaillant, ainsi que contre la yeshiva.
Elle a ajouté que la décision de dimanche aurait une influence lors de l’audience devant la Cour suprême prévue dans deux mois concernant une demande de l’équipe de défense de la victime de démolir le domicile de l’agresseur. Bien que l’adolescent israélien n’ait pas encore été condamné, la loi israélienne n’exige pas un verdict avant que les forces de sécurité n’appliquent la mesure punitive.
L’avocate a ajouté que bien qu’ayant survécu à l’attaque, le père et la fille souffrent de répercussions psychologiques sévères, notamment un syndrome de stress post-traumatique, qui leur coûtera plusieurs millions de shekels à faire soigner.
Pour sa part, Yakoub Rabi a confié au Times of Israël avoir du mal à trouver du travail depuis l’attaque, parce que de nombreux employeurs israéliens refusent de l’embaucher quand ils apprennent son identité.
Le veuf a dit avoir rencontré le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, qui a proposé de porter plainte auprès de la Cour pénale internationale. Ses avocats ont indiqué ignorer si l’affaire serait portée jusqu’à La Haye.
Yakoub Rabi a également rencontré le président Reuven Rivlin en juin dernier à la résidence présidentielle de Jérusalem, où le chef de l’État a présenté au veuf ses condoléances.
« Je veux seulement la justice, et être traité et indemnisé comme l’aurait été un Israélien s’il avait été victime d’une attaque terroriste palestinienne’, avait-il alors fait savoir.