La Cour de Tel Aviv juge qu’il existe un lien étroit entre le Hamas et Al Jazeera
Le juge a pris note de la vidéo de comment détruire un char israélien, a estimé que la chaîne avait mis en danger les soldats et affirme que le Hamas "poursuit ses objectifs" grâce à elle
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
Le tribunal de Tel Aviv-Jaffa a conclu à l’existence d’un « lien étroit » entre la chaîne d’information Al Jazeera et le groupe terroriste palestinien du Hamas, et a estimé que le réseau qatari avait causé de « réelles atteintes » à la sécurité israélienne.
Ces conclusions ont été formulées dans une décision rendue mardi par le vice-président du tribunal, Shaï Yaniv, à la suite d’un examen de la décision du ministre des Communications, Shlomo Karhi, approuvée par le cabinet de sécurité le 5 mai, d’interdire la chaîne d’information en Israël.
Bien qu’il ait confirmé la décision d’interdire temporairement la chaîne, le juge a raccourci la période d’interdiction de 45 jours demandée par Karhi à 35 jours, en raison de problèmes de procédure de la Cour.
L’interdiction expirera donc à minuit ce dimanche 9 juin. Le bureau de Karhi a déclaré qu’il s’efforçait maintenant de prolonger l’interdiction pour une nouvelle période de 45 jours.
Les émissions d’Al Jazeera en Israël ont été interrompues le 5 mai, son site web a été mis hors ligne, son matériel saisi et ses bureaux mis sous scellés, conformément à une loi d’urgence adoptée en avril, qui permet de bloquer temporairement les médias étrangers considérés comme portant atteinte à la sécurité nationale.
Ces interdictions doivent être approuvées par le Premier ministre et le cabinet de sécurité sur recommandation d’au moins une agence de sécurité, et ont une durée maximale de 45 jours, bien que la durée puisse être renouvelée pour d’autres périodes tant que la loi d’urgence est en vigueur. Cette loi doit actuellement expirer le 31 juillet, bien qu’elle puisse également être prolongée.
Les décisions de fermeture d’une société étrangère doivent être examinées par un juge du tribunal.
Dans la décision de mardi, Yaniv a déclaré qu’il avait été convaincu qu’Al Jazeera avait porté atteinte à la sécurité nationale, une condition essentielle pour interdire un média étranger en vertu de la loi du mois d’avril, et a déclaré que, bien que la mesure porte atteinte au principe constitutionnel de la liberté de la presse, les démocraties ne sont pas tenues de souffrir d’une atteinte à leur sécurité en temps de guerre.
Yaniv a déclaré qu’il avait examiné les trois documents de synthèse classifiés qui lui avaient été soumis par les agences de sécurité dans le cadre de la demande et que les preuves présentées dans ces documents étaient fondées et incluaient des incidents qui s’étaient produits récemment.
« Ce qui se dégage des documents démontre catégoriquement [et] avec des preuves convaincantes, claires et sans ambiguïté le lien étroit et durable entre le groupe terroriste du Hamas et le réseau médiatique Al Jazeera, le groupe terroriste du Hamas avançant ses objectifs par l’intermédiaire de la chaîne », a écrit Yaniv. « Ces caractéristiques sont aussi éloignées que l’est de l’ouest des objectifs acceptés et des liens acceptés entre les médias et les sujets médiatiques. »
Le juge a ajouté qu’il avait vu des preuves montrant que la chaîne s’était également engagée dans l’incitation, bien qu’il n’ait pas fourni plus de détails.
En outre, le juge a déclaré qu’Al Jazeera avait « décrit en temps réel » le positionnement des troupes de Tsahal dans ses émissions, ce qui, selon lui, mettait en danger les soldats israéliens.
Yaniv a également évoqué une sequence diffusée sur Al Jazeera qu’il a décrit comme un « briefing sur la manière d’endommager un char israélien » et dont l’objectif était de « nuire aux forces de Tsahal en temps de guerre – ce qui signifie une atteinte réelle à la sécurité de l’État ».
Il a rejeté l’argument d’Al Jazeera selon lequel la vidéo sur le char d’assaut était simplement destinée à démontrer les capacités du véhicule militaire, et a déclaré qu’il en allait de même pour les séquences similaires diffusées par la chaîne sur les capacités du système de défense anti-missile du « Dôme de fer » contre les roquettes, ainsi que sur les drones.
« La vidéo indique les points faibles du char et explique comment agir pour endommager le char et le détruire », a-t-il poursuivi.
Il a explicitement cité le commentaire de la vidéo, qui dit : « Il a des points faibles et de simples outils peuvent l’endommager ou le détruire. Mais est-ce possible ? Voyons d’abord comment il est protégé. »
Yaniv a déclaré que la séquence décrivait ensuite comment le missile antichar « Yassin » utilisé par le Hamas pouvait pénétrer « les trois couches de protection » du char et « assurer sa destruction ».
« En résumé, l’image générale ne laisse aucune place au doute quant à la nature de la relation actuelle entre la chaîne Al Jazeera et le groupe terroriste, et quant au fait que le contenu diffusé sur cette chaîne sert le groupe terroriste Hamas et nuit considérablement à la sécurité de l’État, qui se trouve actuellement au milieu d’une guerre grave avec le groupe terroriste », a ajouté Yaniv.
Il a toutefois décidé qu’étant donné qu’Al Jazeera n’avait pas été entendue avant la demande d’interdiction, la période pendant laquelle la chaîne a été bloquée en Israël serait de 35 jours et non de 45 jours.
Yaniv a souligné les problèmes posés par l’interdiction d’Al Jazeera au regard du principe de la liberté de la presse, tout en rappelant une décision du Tribunal de l’Union européenne (UE) de juillet 2022 confirmant une décision du Conseil de l’UE interdisant la chaîne publique russe RT France, en raison de sa propagande en faveur du Kremlin et de son soutien à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
« La liberté de la presse et la liberté d’expression dans les médias font partie des valeurs les plus importantes et les plus centrales dans un État démocratique », a écrit Yaniv. Mais il a cité un arrêt de la Cour suprême de 2005 dans lequel il est dit « qu’une démocratie n’autorisera pas l’utilisation des droits qu’elle accorde pour provoquer l’autodestruction ».
Walid al-Omari, directeur des bureaux d’Al Jazeera en Israël, a répondu qu’Al Jazeera reprendrait ses activités en Israël lundi, si Karhi n’avait pas obtenu une extension de l’interdiction à cette date.
La chaîne a été interdite de diffusion en Israël et son site web a été mis hors ligne dans le pays le 5 mai, conformément à une loi d’urgence permettant de bloquer temporairement les chaînes étrangères considérées comme portant atteinte à la sécurité nationale.