La famille d’Ahmad Erekat dépose un recours à la Cour Suprême
Le père affirme que ce sont des "considérations politiques" qui ont conduit au refus israélien de rendre le corps après l'attaque présumée
Le père d’Ahmad Erekat, qui a été abattu par la police des frontières après avoir mené une attaque à la voiture-bélier près de Jérusalem le mois dernier, a déposé un recours à la Cour suprême israélienne. Il souhaite obliger Israël à restituer la dépouille de son fils pour l’enterrer alors que son corps est depuis conservé par Tsahal.
Erekat, un résident de 27 ans d’Abu Dis, a approché un check-point le 23 juin avant d’accélérer brusquement et de lancer sa voiture vers un groupe de policiers, en blessant légèrement une officière.
Les images vidéos de la scène montrent qu’au moment où Erekat sort de son véhicule, il semble s’éloigner des officiers de police qui l’abattent.
La famille d’Erekat a nié l’idée qu’il aurait tenté de mener une attaque à la voiture-bélier. Certains membres de sa famille ont laissé entendre que l’incident s’est produit alors qu’il se dépêchait de passer le barrage pour aller chercher sa soeur avant son mariage le même jour.
L’agente de la police des frontières blessée dans l’incident affirme au contraire que son action était délibérée. Shani Orr Hama Kadosh a déclaré dans un entretien accordé à la télévision israélienne : « Je lui ai fait signe de s’arrêter, la voiture a commencé à ralentir, et je suis allée dans sa direction. Il a vu que j’avançais d’un pas, il m’a regardée dans les yeux, il a braqué le volant et m’est rentré dedans, alors j’ai été projetée de l’autre côté » du terre-plein.

Moustafa Mousa Erekat, qui a déposé l’appel avec l’organisation d’aide juridique Adalah mardi, a déclaré que le corps de son fils était conservé par Tsahal depuis l’attaque présumée, bien que l’armée israélienne eut promis au départ de restituer le corps.
Dans un communiqué, la famille a demandé « la restitution du corps de notre fils Ahmad Erekat afin que nous puissions lui donner un enterrement convenable et digne, pour permettre à notre famille de lui dire adieu et de faire notre deuil en paix ».
« Quand on voit le visage de son père, ses yeux, on sent qu’il a complètement perdu les mots à cause de la douleur et de la peine. Il veut juste le retour de la dépouille de son fils. C’est le droit naturel de tout le monde, partout dans le monde, mais les Palestiniens n’ont même pas le droit de dire au revoir », a déclaré Dalal Erekat, le cousin d’Ahmad, au Times of Israël.
Selon les plaignants, Tsahal aurait commencé par dire à la famille que la dépouille d’Ahmad Erekat leur serait restituée dans le nuit du 24 juin, le lendemain de l’attaque pésumée. La famille a alors commencé à préparer un enterrement dans sa maison à Abu Dis.

Quelques heures plus tard, les plaignants ont affirmé, dans des recours déposés au tribunal, que la famille avait de nouveau été contactée. On lui avait annoncé que la dépouille serait conservée à cause de « considérations politiques ».
Les corps de plus de 50 Palestiniens tués alors qu’ils auraient commis des actes terroristes sont actuellement détenus par Tsahal, selon l’organisation israélienne de défense de droits de l’homme B’Tselem.
En 2019, la Cour suprême israélienne a statué que Tsahal pouvait conserver les dépouilles de terroristes présumés pour préserver la sécurité nationale. Les funérailles de terroristes rassemblent les foules. Les dépouilles de terroristes du Hamas sont utilisées comme monnaie d’échange dans des négociations avec le groupe terroriste basé à Gaza.
En décembre 2019, le ministre de la Défense de l’époque Naftali Bennett avait annoncé que tous les corps des terroristes seraient conservés, qu’ils soient affiliés ou non au Hamas. Cette politique controversée se reposait sur des bases juridiques peu solides, dans la mesure où la décision de la Cour suprême permet seulement de conserver les dépouilles pour des raisons de sécurité nationale. La semaine dernière, le site d’information Ynet a rapporté que le ministre de la Défense Benny Gantz avait ordonné une politique similaire.
Dans la vidéo de l’incident, on peut voir une voiture conduite par Erekat s’approcher du barrage à Abu Dis, avant d’accélérer brusquement en direction d’un groupe de police. La voiture percute une officière de police – qui est projetée en l’air – avant de rentrer dans une cabine et d’être arrêtée. Erekat est ensuite abattu par la police après être sorti du véhicule.
« Il a attendu un bon moment, il s’est écarté de la voie afin de prendre un meilleur angle pour blesser l’officière et a ensuite accéléré. Il a tourné sa voiture de 90 degrés et s’est lancé sur les officiers », a rapporté un communiqué de la Police aux frontières.
Pourtant, Saeb Erekat, le cousin d’Ahmad et cadre de l’OLP, a déclaré que la police des frontières l’avait exécuté « de sang-froid ».
Sa cousine Dalal Erekat a déclaré au Times of Israël qu’Ahmad n’aurait pas mené d’attaque.
« Ahmad était un homme normal, un jeune homme, qui n’appartenait à aucune organisation politique, il n’était pas particulièrement religieux, il avait un cercle proche de relations sociales… Il n’avait aucun motif, ni la moindre raison qui auraient pu le pousser à faire une telle chose », a-t-elle déclaré.
Dans une deuxième vidéo qui est apparue après l’attaque présumée, on peut voir Erekat dans sa voiture en train de parler de rumeurs selon lesquelles il collaborerait avec les forces de sécurité israéliennes tout en jurant qu’il n’est « pas une balance ». Certains médias israéliens ont déclaré que la vidéo avait été tournée peu avant l’incident. Pourtant selon la chaîne publique Kan, la famille d’Erekat a déclaré qu’il s’agissait d’une vieille vidéo.
En réponse à une demande de commentaire sur l’affaire, Tsahal a déclaré au Times of Israël que la réponse du gouvernement serait soumise à la Cour suprême « selon la procédure adaptée ».