La gastronomie russe est de retour en Israël
Alors que l'immigration en provenance d'Union soviétique a atteint un sommet dans les années 1990, sa gastronomie intègre lentement, mais sûrement, les menus israéliens
The Nosher via JTA — Lors d’un récent voyage en Israël, mon mari et moi avons pris un taxi pour aller à Bat Yam, une ville ouvrière située à deux pas, et à des années lumières, de la ville super tendance de Tel Aviv. Nous sommes allés découvrir la gastronomie russe dans une communauté composée à majorité d’immigrants d’ex-Union soviétique.
Le but ? Savoir si celle-ci est devenue partie intégrante de la riche gastronomie israélienne d’aujourd’hui.
Notre guide culinaire était Yan Gitcelter, un chef né à Bakou en Azerbaïdjan, qui s’est installé en Israël il y a 30 ans. Nous l’avons rencontré à Yorsh, un petit restaurant où le propriétaire officie également comme chef derrière les fourneaux.
Yan Gitcelter s’est chargé de commander à notre place : du hareng maison avec des pommes de terre à la vapeur et de l’aneth frais ; des crêpes avec des pommes de terre crémeuses et un plat de fête classique russe appelé chouba, composé de couches de harengs, de betteraves et de pommes de terre. Un petit sapin, vestige du Novy God, la fête laïque du Nouvel an russe, scintillait sur un comptoir à proximité.
Il y a un peu plus de trois ans, notre guide et trois autres immigrants de l’ancienne Union soviétique ont publié un livre de cuisine en hébreu intitulé : « Le livre de cuisine russe juive : souvenirs et recettes d’immigrants de l’ex-Union soviétique ». Le livre contient des recettes et de souvenirs de ces immigrants avant et après leur arrivée en Israël. Plus de 7 500 exemplaires du livre ont été vendus.
« La gastronomie russe entre lentement dans la norme culinaire, indique Yan Gitcelter. Des jeunes des différentes origines commencent à la consommer. C’est devenue une attraction. C’est différent ».
Novy God est la porte d’entrée
« Ces trois dernières années, Novy God est devenu populaire en Israël », se réjouit Yan Gitcelter.
Les médias israéliens parlent de plus en plus de cette fête chaque année.
« Tout comme la mimouna, la fête d’après Pessah des Juifs marocains, est maintenant célébrée par tous, c’est également le cas pour Novy God, a-t-il dit. Et la chouba, avec la salade Olivier, la salade russe composée de pommes de terre, de carottes, d’œufs durs, de cornichons et d’une bonne dose de mayonnaise, sont des plates incontournables de la fête russe ».
Certains restent sceptiques quant au succès futur de la gastronomie russe en Israël.
Janna Gur, une auteure israélienne spécialisée dans la gastronomie qui a écrit plusieurs ouvrages culinaires dont « Le livre de la nouvelle gastronomie israélienne » pense que les cuisines qui « ont réussi » en Israël viennent du Moyen-Orient et des alentours.
« Les gastronomies qui ont intégré la norme culinaire israélienne sont sur les mêmes longueurs d’onde gastronomiques géographiques de la région, indique-t-elle. Il suffit de penser au houmous et au sandwich irakien sabich ».
La gastronomie russe, que l’on rapproche depuis longtemps à des plats ashkénazes comme la soupe de poulet, le foie émincé et le gefilte fish, a mauvaise réputation, note Janna Gur, parce que « nous mangeons la recette des immigrés ».
« L’oie savoureuse grasse et les champignons sauvages de l’Europe de l’Est ne sont pas disponibles en Israël. La gastronomie ashkénaze provient d’un autre climat avec d’autres ingrédients que nous n’avons pas ici », explique-t-elle.
Janna Gur m’a donné le contact de Sabina Waldman qui, comme elle, est née en Lettonie et a emménagé en Israël il y a de nombreuses années. Cette dernière est une cheffe, auteure de recette, styliste et enseignante culinaire. Elle compte parmi les nombreux récents exemples de chefs de premier plan ayant intégré la gastronomie russe dans leur cuisine.
Quand le chef reconnu Haim Cohen a conçu un menu de fête pour le huitième anniversaire de son restaurant à Tel Aviv-Jaffa, il a intégré un plat kreplach – des raviolis farcies à la pomme de terre, marinées dans le beurre et surmontées de hareng, de caviar ou de tartare de poisson. Et à l’Académie culinaire Danon, où Sabina Waldman enseigne, le menu pour le dîner final des étudiants comprenait une soupe borsch blanche, du pain noir et des blinis servis en dessert avec une compote de fruits rouges. Le repas, que le public pouvait venir déguster, s’est vendu en une journée.
Enav Ezagouri, chef au Café Nordoy de Tel Aviv, considéré comme l’un des meilleurs de la ville, a récemment publié une photo sur Instagram d’un plat de kreplach farci aux pommes de terre braisées et aux oignons fris servi avec un consommé de bœuf et de raifort. Raifort ? Kreplach ? Incontestablement plus russe que le Levant. Faites défiler sa page Instagram et vous pourrez voir son intérêt pour les varenki ukrainiennes – une raviole farcie de fromage, accompagnée d’une pointe de caviar sur le dessus.
Notre dîner chez Yorsh s’est terminé avec des varenki, qui étaient servies ce soir-là avec une sauce au beurre et farcies de cerises amères. Peut-être que dans un futur proche, nous trouverons ce plat au menu d’un des chefs israéliens tendance avec une touche moyenne-orientale – les cerises seront remplacées par des grenades et des raisins.