La start-up israélienne Redefine Meat lance son alternative au bœuf imprimée 3D
La start-up, qui clame être "Précisément la même, entièrement différente" dévoile ses produits haut de gamme à base de plantes, imprimés en 3D, lors d'une dégustation à Tel Aviv
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
Ces dernières années, la technologie israélienne s’est fait un nom dans le domaine des protéines alternatives, en proposant des solutions variées pour remplacer la vraie viande, dont la production contribue fortement au dérèglement climatique.
Pour l’essentiel, les substituts de viande sont fabriqués soit à partir de matières végétales, soit à partir de la multiplication de véritables cellules prélevées sur des animaux sans leur faire de mal.
En tant que végétarienne depuis 2012 et végane à 95 % depuis quatre ou cinq ans (désolée, mais le lait d’amande ne me suffit pas pour une vraie tasse de thé à l’anglaise), j’ai suivi de près les évolutions.
J’ai renoncé à la viande pour des raisons morales et environnementales, mais je salive encore secrètement devant les merveilleuses odeurs qui émanent de la cuisine lorsque mon fils le plus carnivore se fait griller un steak.
C’est pourquoi j’ai accepté une invitation à un événement prestigieux organisé par Redefine Meat à Tel Aviv la semaine dernière pour lancer leur première série de produits carnés alternatifs à base de plantes.
L’atmosphère était chic, le message était qu’il s’agissait d’un produit de qualité. Les compositions florales étaient véritables (de nos jours, on ne sait jamais), le bar était grand et somptueusement approvisionné, il y avait des tatouages gratuits (mon fils carnivore ne me pardonnera jamais de ne pas l’avoir emmené) et plusieurs « restaurants » pop-up élégants présentaient des plats de dégustation avec beaucoup de style.
L’entreprise combine des protéines de soja et de petits pois, de la graisse de noix de coco, de l’huile de tournesol et des arômes et colorants naturels dans des formulations alimentaires qu’elle imprime dans le but d’obtenir la même apparence, texture et saveur que la viande animale. Il s’agit de l’entreprise israélienne la plus avancée dans le domaine de l’impression 3D, ce qui lui permet de relever l’un des défis les plus difficiles : produire de la viande alternative sous la forme d’un morceau unique et volumineux, tel qu’un steak, qui reproduit entièrement la texture de la vraie viande, avec les muscles, la graisse, le sang et les jus.
Assis à un bar élégant, et servis avec un excellent vin rouge, nous avons eu droit à de minuscules morceaux de « viande » qui avaient été cuits à petit feu, puis achevés sur un gril dont l’amplificateur adjacent émettait un grésillement réaliste.
Pour moi et pour le fils non tatoué que j’avais emmené, qui mange encore de la viande et qui était là pour me donner le point d’un vue du carnivore, c’était excellent. Savoureux, juteux et très ressemblant, nous étions d’accord.
Le kebab d’agneau, servi au Jaffa Restaurant, le représentant de la cuisine du Moyen-Orient, était également superbe.
Pendant une heure, nous nous sommes gavés de chili con carne alternatif (notre famille déteste la coriandre, donc pas de jugement sur ce point), de nourriture asiatique (idem pour la coriandre), de boulettes de viande italiennes et de burgers de bœuf texans – toutes des variations sur le thème de la viande hachée.
Le verdict des convives
Les hamburgers étaient excellents – plus vrais, à mon avis, que ceux de la société américaine Beyond Meat, qui sont vendus en Israël.
Nous nous sommes promenés en essayant d’évaluer l’ambiance parmi les nombreux gastronomes et techniciens qui se pressaient.
Deux investisseurs en technologie et végétariens convaincus, Jason Chapnik et James Merkur, étaient venus du Canada pour goûter le produit en vue d’ajouter Redefine Meat à leur portefeuille « principalement technologique ».
Deux sœurs d’âge moyen très maquillées, assises près du restaurant italien, ont déclaré qu’elles étaient très impressionnées et qu’elles espéraient que le monde deviendrait végétarien.
Yaakov Mania, dont le Mania Group gère la plus grande ferme porcine d’Israël et fournit environ 35 % de la viande non casher vendue en Israël, selon le site Web de la société, était moins enthousiaste, déclarant que la texture de son hamburger était « raisonnable » et ajoutant que le goût et l’odeur « ne m’emmènent nulle part. Il n’y a pas la graisse qui est si dominante dans le bœuf d’un burger », a-t-il déclaré. « Peut-être qu’un peu de fumée liquide aiderait ? »
Redefine Meat travaille déjà sur une alternative au porc. Mania a admis que cela pourrait constituer une menace pour son entreprise.
Mor Cohen, l’ancien chef cuisinier de l’hôtel Carlton à Herzliya, qui occupera le même poste à l’hôtel David Kempinski, une branche de la chaîne super-luxe qui doit ouvrir plus tard dans l’année sur le front de mer à Tel Aviv, était plus optimiste.
« Le morceau de viande cuit à feux doux était très proche de la réalité », a-t-il déclaré. « La texture était bonne – elle était agréable et moelleuse, mais le goût n’était pas encore là. Tout le hachis était très réussi. Le plat asiatique a bien caramélisé. Le hachis était très réussi, pas fort en goût, mais je me vois bien l’utiliser. »
« Nous envisagerons de l’utiliser dans l’hôtel, mais je ne deviendrai pas complètement végan », poursuit-il. « Je pense que son attrait s’adressera principalement aux végétariens et aux végans. La viande alternative n’en est qu’à ses débuts et l’éducation est nécessaire pour amener plus de gens au véganisme. »
Il est prévu que le bar “halavi” du lobby du nouvel hôtel Kempinsky transmette une image saine et se concentre sur la nourriture végétalienne, tandis que le restaurant principal sera spécialisé dans le poisson pêché à la ligne et le poisson provenant de fermes écologiques. « La durabilité est importante pour nous », a déclaré Cohen.
Mon fils carnivore a conclu : « Si on ne me donnait que Redefine Meat, je ne verrais pas la différence, mais si on me donnait les deux pour comparer, je la verrais. » Bien que se situant un peu dans la mouvance végétarienne, il n’est pas prêt de renoncer à la viande.
Les subtilités du goût
Alors pourquoi est-il si difficile de trouver le bon goût ?
En nous remettant une seringue pour goûter le sang alternatif (c’était assez réaliste….), Tal, qui dirige le groupe de développement alimentaire de Redefine Meat, a expliqué que si un fruit a « seulement » 150 goûts différents, un morceau de bœuf rôti ou grillé en a environ 2 000.
Ce sont des caractéristiques complexes comme celles-ci que les scientifiques de l’entreprise ont dû décomposer, analyser et recréer. « Nous faisons des comparaisons analytiques et sensorielles », explique Shelly, une technologue alimentaire.
Une autre technologue, Yael, nous a fourni des écouteurs et nous a demandé de dire quel son de grésillement de barbecue provenait d’un produit Redefine et lequel provenait du vrai produit. Nous nous sommes tous les deux trompés.
Nous n’avons pas non plus réussi à choisir laquelle des deux images amplifiées de viande bovine crue était la vraie.
Créée en 2018, Redefine meat, qui compte aujourd’hui près de 100 employés, travaille avec des scientifiques d’Israël et d’outre-mer et utilise une variété de technologies qui incluent l’intelligence artificielle.
Les éléments recueillis par l’entreprise jusqu’à présent suggèrent qu’elle attire principalement les végétariens et les végétaliens, ainsi que les flexitariens préoccupés par la santé et les dommages causés à l’environnement.
« Nous travaillons continuellement à des améliorations », explique Eshchar Ben-Shitrit, PDG et cofondateur de Redefine Meat, qui a créé l’entreprise basée à Rehovot avec Adam Lahav, aujourd’hui directeur commercial, dans un garage de Ness Ziona, et qui souhaite maintenant qu’elle devienne « la plus grande entreprise de viande du monde ».
Pour lui, il ne s’agit pas de concurrencer les géants des protéines alternatives tels que Beyond Meat et Impossible Meat, mais de remplacer tout besoin de la vache en produisant des alternatives à toutes les coupes de bœuf existantes et en reproduisant toute « l’expérience sensuelle » de la consommation de viande.
« Dans dix ans, nous regarderons en arrière et penserons qu’il était fou de cultiver puis d’abattre des animaux pour apprécier de la bonne nourriture », a-t-il déclaré.
« Nous avons parcouru le monde pour apprendre ce qu’est la viande et pourquoi nous l’aimons tant », a-t-il ajouté. « Nous avons parlé avec des restaurateurs, des chefs et des bouchers pour comprendre ce qui fonctionne, et nous avons passé trois ans sur le développement technique. Nous avons commencé les dégustations il y a 18 mois (pour environ 1 000 personnes) et ce soir, nous lançons notre première gamme de produits. »
Il s’agit du kebab d’agneau, du burger de bœuf de 170 grammes, des saucisses, des cigares et de la viande hachée, qui seront distribués par Best Meister.
Ils sont en phase d’introduction progressive dans des restaurants de viande haut de gamme, des épiceries fines et des boucheries avant d’être fournis aux supermarchés. Parmi les restaurants figurent le Hudson de Tel Aviv, le Hatraklin Bistro, C2, Asif et Bodega American Kitchen. Ailleurs, ils seront au menu du Sinta Bar à Haïfa, dans le nord, et du Eddie’s Hideaway à Eilat, dans le sud.