La trêve permet aux Israéliens traumatisés de retourner chez eux – ou ce qu’il en reste
La pause temporaire dans les combats a été l'occasion pour les résidents de Sderot et des kibboutzim d'aller sur place, de prendre des affaires... et de commencer à intégrer ce qui s'est passé
La main portée devant sa bouche en signe d’horreur et d’incrédulité, Itiel Mateh examine le trou béant laissé par une roquette dans la façade de l’immeuble résidentiel où il vit avec sa famille à Sderot.
Agé de 17 ans, Mateh connaît les dégâts susceptibles d’être causés par les roquettes tirées par les groupes terroristes de la bande de Gaza. Mais le choc qu’il éprouve en revenant pour la première fois depuis le 8 octobre devant le bâtiment qui abrite le domicile familial est entraîné par le fait que la roquette qui s’y est abattue, au début du mois, a pénétré la pièce blindée, ce bunker intérieur que possèdent presque tous les immeubles, ici, et que Mateh pensait sûr.
« Wow. Ça va être difficile d’oublier ça, la prochaine fois que les sirènes seront activées », s’exclame l’adolescent, étudiant en yeshiva qui est arrivé d’Inde en 2010 avec ses quatre frères et sœurs et ses parents, qui sont tous membres de la communauté Bnei Menashe, au Nord-Est du sous-continent.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
Personne n’a été blessé dans cette explosion qui a eu lieu après l’évacuation de l’immeuble – et après, accessoirement, l’évacuation de toute la ville. Mais elle a détruit toutes les fenêtres de l’appartement, dont les deux murs sont si gravement fissurés que la famille s’inquiète d’un possible effondrement du plafond.
Dans le combat actuel qui oppose Israël au Hamas – qui a commencé quand, sous un déluge de milliers de tirs de roquettes, 3 000 terroristes du groupe ont franchi la frontière, ont commis un massacre dans tout le sud d’Israël qui a fait 1200 morts, des civils en majorité. Une roquette avait fait au moins un mort à Sderot et trois morts à Netivot. Mateh, qui se trouve à Jérusalem avec sa famille, fait partie des centaines d’Israéliens qui ont profité du cessez-le-feu temporaire pour retourner brièvement chez eux – ou ce qu’il en reste.
La majorité a fait le déplacement pour récupérer des affaires, des vêtements, avant de retourner dans les logements dont ils ont bénéficié grâce à l’État, dans des secteurs plus sûrs. Certains sont dévastés par ce qu’ils découvrent ; d’autres, au contraire, trouvent dans cet effroi une raison supplémentaire de revenir.
La roquette a transpercé le béton fortifié. La grille en acier n’a pas résisté et le missile a explosé à l’intérieur de l’espace blindé. Un autre projectile a touché un immeuble adjacent, détruisant le bouchon en acier de l’entrée de la ventilation. Elle n’a pas pénétré à l’intérieur du bâtiment mais il est probable qu’elle aurait pu tuer ceux qui auraient pu se trouver à l’intérieur. « Je n’arrive pas à croire que j’ai pu me sentir en sécurité là-dedans », soupire Mateh, stupéfait et horrifié.
Ville fantômes
Comme une grande partie de la région de l’Ouest du Neguev, à proximité de Gaza, Sderot est devenue une ville fantôme avec l’évacuation de ses 27 000 habitants.
Il y a encore des soukkot dans les jardins et sur les balcons – ces cabanes rituelles érigées à l’occasion de la fête qui s’était terminée juste avant la début de la guerre, le 7 octobre, quand les terroristes avaient massacré 1200 personnes en Israël et pris en otage 240 personnes, enlevées sur le sol israélien et amenées dans les geôles du groupe terroriste, à Gaza.
L’odeur de moisi qui se dégage des frigidaires et celle des poubelles qui n’ont pas été collectées remplissent les rues de la ville, où les chats semblent avoir remplacé les êtres humains.
Sur les ruines du commissariat de Sderot, en ce 23 novembre, une scène surréaliste s’impose à nos yeux.
Un groupe de rabbins utilise une imprimante amochée branchée à un groupe électrogène qui laisse échapper des grésillements, sur les décombres. Le rabbin Moshe Zeev Pizam, envoyé du mouvement Habad-Loubavitch, imprime le Tanya, ou Likutei Amarim parce que ces écrits « apportent la lumière dans l’obscurité », dit-il.
Les terroristes ont assassiné tous les policiers qui se trouvaient à l’intérieur du commissariat, dont ils ont pris le contrôle. Les forces israéliennes de sécurité ont mis le feu au bâtiment pour débusquer les hommes armés.
Le jour de ma visite, le corps sans vie de l’un des terroristes, dans un état de décomposition déjà avancé, a été découvert dans une tranchée, sous les décombres. Alors que les rabbins imprimaient le Tanya, les sapeurs sont venus extraire le cadavre avec soin, par crainte d’éventuels pièges.
De retour à l’immeuble résidentiel, Daniel Amar s’occupe de plusieurs chats dans le jardin de sa maison mitoyenne, située juste derrière le bloc d’immeubles où vit la famille Mateh. Il est revenu après une longue absence mais ses proches vivent encore à Jérusalem. Il est monté sur le toit pour examiner les dégâts : des éclats d’obus ont percé les panneaux d’étanchéité et détruit le moteur du climatiseur et ses panneaux solaires.
Légèrement ivre, il se laisse aller à sa colère, à son chagrin, fondant en larmes sur son toit. « Mais quand est-ce qu’on va arrêter de se mentir ? On ne peut pas vivre avec eux, ici. Jamais nous ne vivrons en paix tant qu’ils seront là », s’exclame-t-il en évoquant les Palestiniens de la bande de Gaza.
Des maisons brûlées – mais une salle à manger rouverte
Il y a aussi du mouvement dans les kibboutzim et dans les moshavim situés aux environs de Sderot.
A Beeri, un kibboutz devenu l’un des symboles de la barbarie du Hamas, à 10 kilomètres au sud de Sderot, Yasmin Raanan entend à nouveau le chant particulier des colibris, explique-t-elle. Pendant des semaines, après le 7 octobre, ces oiseaux se sont tenus à l’écart des fleurs riches en nectar qui agrémentent cette oasis verte, bien entretenue.
« Les paons qui étaient partis un peu partout reviennent à la ferme pédagogique et il y a des papillons dans tout le kibboutz », ajoute Raanan, qui a utilisé la trêve pour s’occuper de tous les animaux qui ont survécu à la ferme, et qui sont placés sous sa responsabilité au sein de la communauté. Comme la majorité des survivants de Beeri, elle est actuellement logée dans un hôtel situé aux abords de la mer Morte.
Voir le kibboutz est « déprimant », continue-t-elle. « Les maisons noircies, celles qui ont explosé. Les inscriptionslaissés par ZAKA », dit-elle, en référence aux chiffres peints à la bombe par le groupe de secours sur les maisons, qui donnent des informations sur les morts qui ont pu être découverts à l’intérieur. Une centaine de terroristes a tué plus de 80 personnes à Beeri, le plus grand kibboutz de tout le Conseil régional d’Eshkol.
Mais il y a aussi des scènes réjouissantes au sein de la communauté. La salle à manger – un pilier d’activité sociale – est à nouveau opérationnelle, même s’il faut y apporter son repas, la cuisine n’étant pas encore totalement remise en état.
Les personnes qui viennent y manger son majoritairement employées à Beeri Print, l’une des imprimeries israéliennes les plus connues. Les kibboutzniks qui y travaillent doivent quotidiennement faire deux fois 90 minutes de trajet pour s’y rendre et pour revenir dans leur logement temporaire, du côté de la mer Morte.
Beeri – seuls les membres de la communauté et les forces de sécurité peuvent y entrer pour le moment – a organisé lundi sa toute première fête depuis le 7 octobre : des réjouissances organisées autour de la consécration d’un nouveau rouleau de Torah à la synagogue du kibboutz. Offert par un donateur privé, il est un hommage rendu à Amit Man, une infirmière paramédicale qui a été tuée avec ses patients par les terroristes dans la clinique de Beeri.
Cette semaine, les agriculteurs de Beeri et du kibboutz Nir Oz ont profité de la pause dans les combats pour semer leurs champs de blé. Ils espèrent que ces derniers pourront être récoltés en toute sécurité d’ici quelques mois.
Trop d’attente
Certains des moshavim qui ont été évacués à cause de la guerre en ont assez d’attendre le retour du calme. Un moshav – son nom ne sera pas donné pour des raisons de sécurité – a connu un retour en force de ses habitants, cette semaine, dit l’un de ses résidents.
Pour certains de ces revenants, l’expérience a pu être déroutante de manière inattendue.
Amir Adler, 47 ans, cultive des bananes à Nahal Oz. Il a utilisé son bref retour – il voulait réparer un canal d’irrigation détruit – pour se rendre également dans l’habitation où il s’était caché, avec sa famille, alors que les terroristes tentaient d’entrer dans la communauté. Les terroristes avaient ensuite déchargé une arme pour détruire la serrure de la pièce blindée où Adler, son épouse et ses trois enfants avaient trouvé refuge. Mais ces tirs n’avaient fait que davantage bloquer le verrou et les terroristes n’avaient pas pu entrer dans la pièce. Pris sous le feu des snipers et des forces spéciales Maglan, les hommes armés avaient finalement battu en retraite.
« Peut-être parce que la pièce blindée nous a sauvé la vie, être à l’intérieur de la maison nous semblait plus sécurisant qu’être à l’extérieur », dit Adler, 47 ans.
Les locaux ont une bonne raison de n’accorder aucune fiabilité aux cessez-le-feu du Hamas. Pendant l’un d’entre eux, en 2014, les terroristes avaient lancé une roquette sur Nahal Oz qui avait tué un tout petit enfant, Daniel Tragerman. Le Hamas a aussi violé la trêve de cette semaine à une occasion au moins, mardi.
Les troupes qui sont restées dans la maison d’Adler – c’est l’une des plus proches de Gaza ; la bande se trouve à 1,6 kilomètre de distance – ont laissé les lieux plus propres et plus en ordre que lorsque la famille était partie, ce qui ajoute au « calme angoissant » de l’endroit, déclare Adler.
Adler veut revenir à Nahal Oz le plus rapidement possible, comme c’est le cas également de milliers d’évacués du secteur. Mais son kibboutz risque de connaître plus qu’un simple retour de ses habitants, selon Nadav Peretz, responsable de la croissance de la population au sein de la communauté.
« Le kibboutz va voir sa population multipliée par deux à l’horizon 2028, », explique Peretz, 43 ans, au Times of Israel au kibboutz situé à proximité d’Afula où séjournent pour le moment les survivants de Nahal Oz.
« Au début, je pensais vraiment que l’attaque mettrait le point final à la tendance », ajoute-t-il, faisant référence à un pic dans les admissions qui avait eu lieu juste avant le mois d’octobre. « Mais on assiste à un intérêt tellement grand pour le kibboutz en ce moment que je crois que je peux vous dire avec confiance qu’on se dirige tout droit vers une augmentation de 100 % ».
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel